Libérons nos ordinateurs ! Les logiciels libres et leurs enjeux politiques

Les logiciels libres envahissent peu à peu nos ordinateurs sans que l’on sache très bien quelle est la différence avec les logiciels propriétaires, mis à part le constat évident qu’ils sont gratuits (ce qui n’est d’ailleurs pas toujours vrai). Alors qu’est-ce qu’un logiciel libre, et surtout, pourquoi est-ce que c’est un sujet politique qui nous concerne tous en cette période de « changement »?

Le « libre » regroupe les activités favorisant le développement de logiciels respectant 4 principes fondateurs : la liberté d’usage, de distribution, d’étudier son fonctionnement (qui repose sur un code) et de le modifier. Il se distingue en cela des logiciels propriétaires qui appartiennent à quelqu’un (une entreprise généralement), gardent secret leur recette de fabrication et n’offrent que des droits restreints à l’utilisateur (http://www.april.org/). Pour chaque logiciel propriétaire, il existe la plupart du temps une alternative libre, que ce soit pour les systèmes opérateurs qui font tourner nos machines (Linux, ensemble de systèmes d’alternatives à Windows : Suse, Fedora, Mandriva, Debian, Ubuntu, etc.), sur le net, ou bien tous ces logiciels et applications qui nous rendent service au quotidien (http://www.framasoft.net/rubrique2.html).

Pourquoi faut-il promouvoir ces alternatives ?

Tout d’abord, leur capacité d’innovation est plus importante, car tout le monde peut contribuer au développement  – ce à quoi nous devons les innombrables extensions du navigateur Firefox. (https://fr.add-ons.mozilla.com/fr/firefox/extensions/). En ne verrouillant pas nos données dans un système unique et en ne les remettant pas aux mains des entreprises, ils offrent des garanties de sûreté – d’ailleurs la solidité des systèmes libres comme Linux face aux virus et autres logiciels malveillants est bien supérieure. Enfin, le potentiel d’économie pour les individus et la société est évident : par exemple, pour un ordinateur entièrement sous Linux, le gain peut être de 80 à 200 euros.

Est-ce compliqué ?

Non, aujourd’hui, plus besoin d’être un programmateur chevronné pour utiliser Linux, ni de passer des heures à apprendre de nouveaux programmes. L’interopérabilité (le fait de pouvoir utiliser ses documents sur plusieurs logiciels) est la plupart du temps assurée. Mais s’il reste des progrès à faire, on peut se demander si c’est au libre de s’adapter, ou plutôt aux logiciels propriétaires d’accepter des formats ouverts ? Les problèmes de compatibilité entre différents systèmes ne pourront de toute façon pas se résoudre que lorsqu’il y aura un mouvement de masse suffisant pour forcer les logiciels propriétaires à ouvrir leurs codes.

Cependant, le débat libre/propriétaire ne doit pas se limiter à des considérations techniques. Au-delà des enjeux de coût, d’efficacité et de sûreté, les logiciels libres montrent combien les ordinateurs, l’internet et les technologies numériques sont des enjeux intensément politiques dont nous devons nous saisir.

Les logiciels libres mettent en avant l’éthique du partage de la connaissance et de ses supports de diffusion, dont internet nous a amplement démontré l’intérêt aujourd’hui. Le libre c’est la création partagée, qui rend aux utilisateurs le pouvoir de se saisir des machines. En cela, c’est une véritable entreprise démocratique.

Ensuite, les logiciels libres montrent qu’il est possible d’inventer des modes de production alternatifs, qui reposent sur la collaboration et l’utilisation des compétences de chacun (et trop peu souvent chacune), et qui ne sont pas nécessairement tirés par le profit mais le partage de la connaissance. Et ça marche : Mozilla, fondation à but non lucratif (https://www.mozilla.org/fr/firefox/new/) dont le navigateur connaît aujourd’hui un grand succès ; LibreOffice (http://fr.libreoffice.org/), le traitement de texte concurrent et gratuit de Word, aussi.

Le libre se propage également sur le net et révèle avec acuité l’enjeu des libertés numériques. Que l’architecture du web repose sur une multiplicité de technologies est essentiel pour assurer sa diversité, et donc sa richesse. Il existe ainsi des hébergeurs de site web libre (Gandi), de messagerie (mailoo http://www.mailoo.org/ , riseup https://help.riseup.net/fr/%C3%A0-propos), etc. Ces services sont encore trop peu peu connus, car écrasés par la concurrence de services commerciaux dont l’apparente gratuité repose sur le commerce de nos vies privées.

Face aux monopoles Google et Windows, le libre nous rappelle l’importance de la liberté de création et d’usage de la technologie, support de l’expression de nos différences et de l’accès au bien précieux qu’est la connaissance. Nous devons nous assurer d’une diversité d’outils technologiques et de la possibilité de les modifier et de les contrôler. C’est là un véritable exercice de démocratie et d’éducation citoyenne. Ce geste, c’est à chaque citoyen de le faire, en prenant conscience de ses choix et pratiques au quotidien.

Cependant, ce mouvement ne pourra se faire sans que les régulateurs garantissent le libre choix des logiciels et l’égale concurrence entre systèmes. Surtout, face à la complexité des systèmes technologiques et du web, il faut donner au citoyen les moyens de comprendre les implications de ses choix et pratiques. Cela implique non seulement que l’État donne l’exemple en s’équipant de logiciels libres, mais aussi qu’il mette en place une véritable éducation technologique !

En conclusion : libérer nos ordinateurs, c’est chaque jour œuvrer pour un autre monde, et rappeler que la technologie n’est pas inéluctablement aux mains de ses producteurs et des entreprises mais que les citoyens et les pouvoirs publics peuvent doivent s’en emparer – et non l’inverse !

Un autre ordi est possible !

Merci à Lydie Cabane pour cet article