Mon engagement politique a coïncidé avec mon arrivée en Alsace en 1997, après 15 ans de vie en dehors de l’hexagone, dont un an à bourlinguer sur un voilier… et je suis tombée amoureuse de Mulhouse.
Voyager n’est pas s’engager ; arrivée en Alsace directement de Tahiti dans le Bassin Potassique, ce fut d’abord un choc : Papeete – Wittelsheim directement ce n’était pas évident !
Et peu à peu j’ai découvert la campagne alsacienne, l’architecture si spécifique, les habitants réservés mais curieux et ouverts à l’idée d’accueillir des nouveaux venus, le folklore, la cuisine, la grande richesse associative touchant tous les domaines, pour tous les goûts et toutes les bourses, un environnement et des paysages, bref une culture et une histoire riches et complexes.
Mais j’ai aussi découvert des fractures que je croyais (à tort d’ailleurs), de mes îles lointaines faire partie du passé… J’ai découvert des communautés qui se repliaient sur elles-mêmes, alors que j’étais certaine, moi française d’origine algérienne, après cette longue absence, de retrouver une France où les jeunes d’origine étrangère seraient invisibles car noyés dans la masse de tous les jeunes de notre pays, dans cette diversité qui fait la France aujourd’hui.
J’ai aussi découvert un racisme exprimé au quotidien, sans retenue et sans complexe, l’expression sans fard d’idées d’extrême droite, de xénophobie… et surtout j’ai rencontré Les Verts et l’engagement politique au hasard d’une relation.
J’ai très vite compris à leur côté que les questions environnementales étaient aussi importantes que les questions sociétales et sociales… J’ai très vite compris que les premières victimes de la destruction de la nature étaient d’abord les plus pauvres exposés particulièrement aux dégradations de l’environnement (bruit, pollutions, logements médiocres et leurs nuisances, malbouffe, manque de transports collectifs et coûts des déplacements individuels… ). J’ai compris que les menaces sur la planète (réchauffement climatique, risques technologiques majeurs, monopoles économiques sur l’eau, l’alimentation…) étaient liées à une économie anarchique et prédatrice, qui ne crée pas de richesses pour tous mais crée une société dure aux faibles et dangereuse pour tous…
J’ai compris que lutter pour la justice sociale, l’égalité des droits, une société apaisée, un développement maîtrisé, n’avait de sens que s’il restait des richesses à partager, dans un environnement vivable et durable.
C’était il y a dix ans et je ne me suis pas trompée…
Quand je disais à mes amis et relations que je m’installais à Mulhouse, après vingt ans à Paris et quinze ans autour du monde dans des îles exotiques et sur des voiliers, tous mes interlocuteurs pensaient que je parlais de Toulouse… Mulhouse, si peu et si mal connue.
Mais pour moi Mulhouse ce furent très vite les voisinages faciles et conviviaux, le mélange sur le même territoire de personnes de toutes origines sociales et culturelles… et la campagne dans la ville : le quartier de La Cité, par exemple, avec ses petites maisons mitoyennes et leurs petits jardinets dans des ruelles au bord d’une grande artère… et les jardins ouvriers… et les bâtiments témoins de ce qui fut une très grande histoire industrielle… et la proximité du Rhin, de l’Allemagne, de la Suisse ; ce fut la découverte d’un environnement territorial marqué par cette riche et vieille civilisation rhénane, par l’humanisme de la Renaissance.
Comme dans ces îles où j’ai vécu longtemps, à Mulhouse les gens se regardent et se saluent, l’accueil dans les magasins est chaleureux… et j’ai senti très vite cette dimension humaine d’une ville ni trop grande, ni trop petite, où il fait bon vivre, travailler, élever ses enfants, où l’on se connaît.
Dix ans après la romance est devenue histoire d’amour mais aussi de raison.
J’ai constaté que Mulhouse est la Ville d’Alsace qui concentre le plus de difficultés: quartiers où habitent les pauvres et nos concitoyens issus de l’immigration, entreprises fermées et friches industrielles, chômage, jeunes sans perspectives, accès à la culture profondément inégalitaire, communautés qui vivent souvent côte à côte mais ne se sentent pas proches, environnement urbain et de proximité dégradé, inégalités d’accès aux soins, manque de perspectives et de développement pour la ville, risques économiques majeurs liés à la mono industrie automobile…
Ville très jeune et de forte immigration, ville d’histoire où furent élaborées les premières lois sociales sur le travail des enfants, ville où naquit le capitaine Dreyfus, ville de l’histoire d’un patronat éclairé et de puissantes organisations ouvrières, Mulhouse est aussi une ville frondeuse qui a toujours su relever les défis.
Forte de ses brassages culturels difficiles mais réels, d’un goût d’entreprendre et d’innover ancré dans son passé, de la volonté de s’ouvrir, d’un souci réel de l’environnement et de la préservation de la Nature lié à ses racines alsaciennes, riche de sa position sur des voies de communication majeures, riche de ses voisinages géographiques, Mulhouse ville pour l’avenir et ville qui doit relever des défis, ville emblématique d’une Alsace ouverte… Mulhouse je t’aime !
Aujourd’hui je suis alsacienne et mulhousienne, mes enfants sont alsaciennes et mulhousiennes, et je continuerai à vivre et à m’investir pour que cette belle région, cette belle ville soient des références pour une société juste et un développement durable, avec l’écologie politique pour boussole !
Djamila Sonzogni
Conseillère régionale, ancienne conseillère municipale de Mulhouse
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