Une fois encore, le chantier de l’EPR de Flamanville est arrêté. Et pas n’importe quelle partie du chantier : le bâtiment réacteur !
Ce qui devait constituer le prototype d’une nouvelle génération – la plus moderne, la plus sécurisée – des réacteurs nucléaires, ce qui devait être la vitrine du savoir-faire français, destiné à conquérir le monde, tourne aujourd’hui au grotesque, mais aussi à la gabegie
On savait déjà que l’EPR français (comme son homologue finlandais) aurait au moins 4 années de retard. On savait déjà que son coût serait plus que doublé, et que le kWh qui y sera produit sera donc le kWh nucléaire le plus cher du monde (plus que le kWh éolien). On savait aussi que cet EPR ne saurait résister à un crash d’avion contrairement aux engagements pris ; que les autorités de sûreté nucléaire françaises, britanniques et finlandaises ont estimé son système de commande non-conforme à la sûreté ; que la conception de l’EPR de Flamanville n’est pas conforme au retour d’expérience de la catastrophe de Fukushima et que sa reconfiguration entraînera retards et surcoûts supplémentaires ; et, jusqu’à ce que les révélations d’hier leur donne une ampleur nouvelle, on savait que les malfaçons du chantier – mettant en danger sa sûreté – se comptaient par milliers…
Que faut-il de plus pour admettre une bonne fois pour toutes que, oui, comme cela avait été affirmé dans un diagnostic particulièrement lucide, l’EPR est devenu un « grand ratage industriel » ?
Quelles que soient les convictions « pro » ou « anti » nucléaires des uns et des autres, chacun semble s’accorder sur le fait que les déterminants incontournables concernant la décision de poursuivre ou non l’EPR sont la sûreté et le coût.
Or, plus le temps passe, plus le coût de l’EPR se révèle prohibitif. Plus le temps passe, plus sa sécurité apparaît aléatoire. Plus le temps passera, plus le bon sens montrera que mettre en service une telle installation irait à l’encontre de la simple responsabilité. Faut-il donc encore attendre pour prendre la bonne décision ? Faut-il encore dépenser des milliards d’euros dans ce ratage, ou plutôt, au plus vite, les reconvertir dans le développement des alternatives (efficacité énergétique, énergies renouvelables) dont tout le monde convient qu’elles sont les solutions d’avenir ?
Dans quels pays du monde, un projet dont les délais et le budget ont doublé, et dont la réalisation reste aussi aléatoire serait-il poursuivi ? Tout audit véritablement indépendant montrerait qu’il y a plus à perdre qu’à gagner à un acharnement thérapeutique tentant de sauver l’EPR. Les conditions sont aujourd’hui réunies pour prendre la bonne décision : mettons fin à l’EPR de Flamanville.
Benis Baupin