CHARTE ANTICOR DES ENGAGEMENTS DES CANDIDATS DEPUTÉS
Juin 2012
Le futur parlementaire signataire du présent document s’engage à appliquer et à faire respecter les propositions d’ANTICOR qui figurent ci-dessous et qui sont compatibles avec les lois actuelles. Pour les autres propositions, il s’engage résolument à s’investir pour les faire aboutir en changeant la loi. Il reconnaît que le fait de demander à ses concitoyens de les représenter à l’Assemblée nationale l’engage à être un député éthiquement exemplaire tout au long de son mandat.
A – DES DÉPUTES EXEMPLAIRES
Non cumul des mandats
Le cumul des mandats et des fonctions exécutives dans le temps et l’espace, est un facteur favorisant le clientélisme et générant des conflits d’intérêts.
Afin de servir au mieux l’intérêt général, un député doit se consacrer entièrement et exclusivement à son mandat. C’est un élément déterminant pour restaurer la confiance des citoyens envers ceux qui les représentent et pour éviter la collusion entre les pouvoirs politiques, économiques, financiers et médiatiques.
La limitation des mandats dans le temps s’entend comme interdisant plus d’un renouvellement du même mandat. C’est aussi le gage de l’indispensable renouvellement de la classe politique. La limitation dans l’espace s’entend comme interdisant pour un député tout autre mandat.
L’élu ayant un seul mandat exécutif, la règle dite de l’écrêtement disparaîtra automatiquement. Rappelons qu’aujourd’hui, du fait du plafonnement des indemnités perçues par un parlementaire ayant de multiples casquettes, celui-ci distribue à sa convenance le trop perçu à des affidés, multipliant ainsi les risques de dépendance, de collusion et de corruption au niveau de son mandat local.
Les mandats intercommunaux devront désormais être encadrés dans toute loi sur les cumuls de mandats.
La transparence due aux citoyens
Le signataire, une fois élu, s’engage à tout faire pour mettre un terme à la pratique féodale de distribution opaque et inéquitable de la « réserve parlementaire ». En l’attente de cette réforme, il s’engage, s’il était entre-temps bénéficiaire d’un tel financement, à redistribuer dans sa circonscription, à indiquer publiquement et sans délai sur son site internet le détail de ses choix pour l’utilisation de ces sommes.
Le signataire s’engage à rendre public sur son site, 2 fois par an, le détail de l’utilisation de son Indemnité Représentative de Frais de Mandat allouée mensuellement par l’Assemblée nationale, ainsi que le détail des autres avantages qu’il utilise de par son mandat.
Le signataire s’engage à ne pas employer de membres de sa famille ou de proches en tant que collaborateurs parlementaires à l’Assemblée ou en circonscription.
Délits financiers des élus
Le législateur a prévu la possibilité d’inéligibilité jusqu’à 10 ans pour un élu condamné pour corruption, sans automaticité de la peine. Dans la pratique, le juge reste souverain et les condamnations sont rarement de plus d’un an. Outre le fait que les peines sont le plus souvent amnistiables, il est anormal et choquant qu’un élu ayant détourné l’argent du contribuable puisse se représenter à une élection, alors qu’un fonctionnaire ou un comptable dans une société se verrait révoquer définitivement. Il en est de même de certaines professions qui exigent un casier judiciaire vierge.
Anticor demande l’instauration d’une nouvelle clause d’éligibilité, à savoir l’absence de toute condamnation pour des délits ayant trait à la gestion de l’argent public, même en cas d’amnistie de cette condamnation. Une telle mesure est la meilleure sanction dissuasive contre la corruption.
Tout élu condamné pour un tel délit sera démis de ses fonctions exécutives et verra ses délégations retirées, provisoirement après une condamnation en première instance et définitivement si la condamnation est confirmée. Ce principe s’inspire de la morale républicaine qui veut que tout élu soit un modèle d’exemplarité pour l’ensemble des citoyens.
L’immunité parlementaire
La levée de l’immunité parlementaire des députés devra être décidée par une instance judiciaire indépendante et non pas par ses pairs qui ne peuvent être juges et parties.
B – RÉFORMER LES INSTITUTIONS
Les institutions de la V ème République doivent être revues dans de nombreux domaines, en particulier celui de la Justice.
La Cour des comptes
Jusqu’à présent les recommandations de la Cour des comptes ont été rarement suivies d’effet, ainsi les erreurs qui ont été commises se perpétuent. Plus grave, les erreurs commises par des grands commis de l’Etat ne sont jamais assorties de sanctions, aussi minimes soient-elles. En fait, l’Etat possède un outil coûteux dont il ne tient pas compte. Il faut donc que les députés s’engagent à faire en sorte que les recommandations de la cour des comptes soient suivies d’effet et que les responsables soient sanctionnés. Lorsque les magistrats de la Cour des comptes signaleront l’éventualité d’un délit, une enquête judiciaire devra être automatiquement diligentée.
La Justice
La réforme de la Justice passe par de nombreuses réformes qui doivent être menées en profondeur. La Justice doit être évidemment indépendante du pouvoir politique, en particulier du parquet dont le fonctionnement a été à plusieurs reprises sévèrement critiqué par l’Union européenne. Dans cette optique, il faut entre autres créer des unités de police judiciaire rattachées exclusivement à l’autorité judiciaire.
Il faut aussi renforcer ses moyens afin de désengorger les tribunaux, mettre en œuvre l’obligation de poursuivre pour les infractions à la probité, réformer le statut pénal du chef de l’Etat, le Président de la République étant responsable pour ses actes, qu’ils aient été commis antérieurement ou au cours de son mandat, et qui peuvent être sans rapport direct avec la conduite des affaires de l’État.
La Cour de Justice de la République, où les Ministres se voient jugés par leurs pairs, doit également être réformée au plus tôt, afin que cesse ce symbole d’une Justice à deux vitesses dans lequel les élus s’autoprotègent de la Justice ordinaire réservée à tous leurs concitoyens.
La lutte contre la délinquance financière doit être améliorée, notamment en renforçant les pôles financiers et par la mise en place d’un échange automatique de renseignements entre les intermédiaires financiers et l’administration fiscale, en exigeant des multinationales une transparence comptable pays par pays, en mettant fin aux sociétés écrans et aux prête-noms et enfin en luttant contre les paradis fiscaux où la plupart de nos banques possèdent des succursales.
Enfin, il convient de faire trancher les conflits en matière de déclassification du secret défense par la chambre criminelle de la Cour de cassation.
C – UNE RÉPUBLIQUE ÉTHIQUE
Lutter contre les conflits d’intérêt, favoriser la transparence des intérêts privés des élus
Afin d’éviter les risques de trafics d’influence, les candidats s’engagent à déclarer dans leur communication électorale, leurs liens éventuels avec des groupes d’intérêts privés à vocation lucrative et avec des associations. Il s’agit ainsi clairement de porter ces informations à la connaissance des électeurs, des suppléants des candidats et, en cas d’élection, de leurs futurs collaborateurs administratifs.
Pour une meilleure transparence de la vie publique, la déclaration obligatoire de patrimoine et de revenus des candidats, au début comme à la fin de chaque mandat, doit être assortie d’une déclaration de mise à jour annuelle. De même, la déclaration de fin de mandat devra être publique 4 mois avant la fin de ce dernier, pour permettre aux électeurs d’en juger à temps.
Réglementation stricte du lobbyisme et sanctions
Les nombreux exemples de dérives dues au lobbyisme ont démontré qu’il fallait réglementer strictement celui-ci et dans certains cas l’interdire. Non seulement la transparence doit être la règle sur les actions de démarchage faites par les entreprises, mais il convient d’en encadrer l’usage aux seules dépenses liées à leurs domaines d’exercice.
Si des députés peuvent entendre, auditionner, rencontrer des groupes d’intérêt, c’est à condition que cela soit fait collégialement et avec une annonce publique préalable de ces rencontres, afin de préserver l’équité entre les différents groupes d’intérêts et la transparence due aux citoyens.
Tout parlementaire s’interdira d’exercer des pratiques d’influence intéressées appelées couramment corruption active. Quant à la corruption passive, les seuls cadeaux qu’il pourra accepter seront des échantillonnages de présentation des entreprises, dont il fournira une liste publique sur son site internet. Chaque élu doit s’engager à révéler toute tentative de pratique d’influence privée de la part d’entreprises, groupements, sociétés… dont il aurait connaissance, afin de préserver l’éthique des marchés publics. Les députés qui ne respecteraient pas les règles de déontologie liées au lobbyisme devront être sanctionnés sévèrement, la sanction pouvant aller jusqu’à déchoir de ses droits civiques un contrevenant récidiviste. Les grandes entreprises impliquées dans les scandales de corruption et de financement occulte des partis politiques bénéficient encore aujourd’hui des marchés publics. Afin d’être dissuasif dans la poursuite de pratiques corruptrices, il conviendrait d’interdire réellement à toute entreprise de postuler pour un marché public ayant versé des pots de vins ou ayant pratiqué des ententes illicites avec d’autres entreprises pour obtenir un marché.
D – DÉCENTRALISER D’ACCORD MAIS DÉMOCRATISER D’ABORD
La France des Collectivités locales est un mille-feuille qui superpose des institutions très nombreuses, pouvant être multipliées à l’infini depuis la réforme constitutionnelle de 2003. Le fonctionnement démocratique des collectivités locales a été confisqué au bénéfice d’un pouvoir « exécutif » tout puissant. Il faut donc entamer des réformes importantes :
Les réformes structurelles
- Elire au suffrage universel les membres des communautés d’agglomération et des communautés de communes
- Harmoniser le mode de scrutin de l’ensemble des institutions territoriales, en partant du mode de scrutin des élections régionales
Les mécanismes de la participation
- Les différentes entités qui ont été mises en place depuis la loi de la décentralisation de 1982, devront être ouvertes par la loi à tous les citoyens et ne pas constituer, comme aujourd’hui dans la plupart des cas, des ilots d’affidés de la majorité du conseil municipal.
- Il sera mis systématiquement en place, au niveau des collectivités locales, des commissions citoyennes pour suivre les dossiers clés comme les finances, les marchés publics, les transports… De plus la constitution des conseils de quartier, des divers comités, des commissions consultatives devra faire l’objet d’une large publicité et d’un appel à volontaires, qui seront élus par leurs concitoyens.
- L’accès général des citoyens aux données publiques et au contrôle de l’action publique doit être renforcé. Les manquements à ce droit devront être sanctionnés.
- Le statut des lanceurs d’alerte révélant des malversations doit être revu afin de mieux les protéger. Une autorité indépendante leur garantissant cette protection doit être mise en place. Alerter est un devoir pour tout fonctionnaire constatant des dérives délictueuses de gestion des finances publiques.
- Le pouvoir d’injonction doit être donné à la Commission d’Accès aux Documents Administratifs et les chambres régionales des comptes doivent avoir la possibilité de sanctionner les dysfonctionnements réalisés par les Collectivités locales.
- Il sera conféré aux associations anticorruption la capacité d’ester en Justice, comme pour toute autre association œuvrant par exemple dans la lutte antiraciste, ou la défense de l’environnement.
L’amélioration de notre démocratie locale, socle citoyen de notre République
Tout doit être fait pour que les citoyens se réapproprient la démocratie et n’en soient pas écartés entre les scrutins. Un mandat n’est pas une carte blanche. Cela passe par de nouvelles mesures pour obtenir une réelle démocratie de proximité dans nos communes, tout premier échelon de notre édifice républicain, et par un meilleur respect de la transparence citoyenne et des minorités municipales qui sont souvent volontairement étouffées, notamment :
- Mise en ligne pour les citoyens des procès-verbaux des commissions municipales, pas uniquement des procès-verbaux des Conseils municipaux
- Représentation de la minorité démocratique dans tous les organismes et instances dans lesquels siège la commune à partir de 3 représentants, ainsi que dans toute commission d’attribution de places en crèche, de logements sociaux, de subventions et participations financières de la commune…
- Garantie effective et équitable du droit de libre expression de tout élu minoritaire, et extension de ce droit financée par la commune à tout support, même audiovisuel
- Présidence de la Commission municipale des Finances par un élu d’opposition
- Obligation de publier sur le site de la Mairie l’ensemble des mandats et fonctions de chaque élu, avec les indemnités correspondantes, et remboursement au Trésor public de l’ensemble des indemnités perçues en cas de déclaration mensongère
- Publication d’un bilan de gestion pour les collectivités locales, réalisé en fin de mandat par un organisme indépendant, comme la Chambre régionale des comptes pour les villes de plus de 30 000 habitants. Pour les autres communes, ce bilan serait réalisé par un organisme indépendant à majorité publique.
- Réglementation claire des procédures à suivre pour prévenir les conflits d’intérêt locaux et empêcher les lobbyismes locaux, avec mise en place d’une commission de déontologie départementale et interdiction de certaines fonctions exécutives à certaines professions (exemple : agent immobilier et maire adjoint à l’urbanisme)