Fonderie de Bretagne (Caudan)

Rencontre avec Pierre LE MENAHES

Syndicat CGT – Fonderie de Bretagne – Caudan

Soucieuse d’avoir une vision précise de la situation économique et sociale de la 6ème circonscription, j’ai pris contact avec les responsables des plus grandes entreprises installées sur ce territoire ainsi qu’avec leurs représentants syndicaux.

Le 1er rendez-vous a eu lieu début mai avec Pierre LE MENAHES, représentant syndical CGT à la Fonderie de Bretagne. Une conversation à bâtons rompus nous a permis d’évoquer les questions essentielles concernant la vie de cette entreprise qui peut être considérée comme une exception dans le paysage français puisqu’elle est l’une des dernières fonderies existant en France.

1 – Rappel historique :

 Les Forges d’Hennebont durement confrontées à la concurrence des usines USINOR et SOLLAC dans l’Est et le Nord de la France ont définitivement fermé leurs portes en 1966. La lutte des salariés pour sauvegarder leur travail a finalement abouti au transfert, sur la commune de Caudan, des forges-fonderies Renault de Billancourt. Ainsi sur les 600 personnes licenciées suite à la fermeture des Forges d’Hennebont, 300 environ ont sauvé leur emploi et ont rejoint cette nouvelle usine, la SBFM.

Cédée en 1998 par Renault à la société italienne TEKSID puis vendue en 2006 à la société ZEN dont Florindo Garro est le patron, la SBFM connaît en 2009 une période particulièrement houleuse avec l’annonce d’un plan social qui prévoit la suppression de 237 postes. La mobilisation et la lutte des salariés soutenus par les syndicats et les institutions publiques, permettent une issue positive : la SBFM est reprise par RENAULT le 1er octobre de la même année et devient la Fonderie de Bretagne.

2 – Pourquoi cette reprise par Renault ?

Selon Pierre LE MENAHES, elle aurait dû avoir lieu bien plus tôt et elle s’explique car la SBFM, dernière usine en France à fabriquer des pièces très spécialisées pour les automobiles, offre à Renault l’assurance d’un travail de qualité. Or celle-ci n’est pas toujours au rendez-vous dans le cadre des délocalisations, le personnel n’étant pas suffisamment qualifié.

Il est important de noter que 70 % des pièces qui sortent de l’usine sont destinées aux voitures Renault. Les 30 % restants se répartissent notamment entre BMW, Fiat et PSA.

3 – Les engagements de Renault lors de la reprise :

Renault, lors des tractations avec les salariés, s’est engagé à investir sur une durée de 5 ans 85 Millions d’euros pour la rénovation du bâti et l’installation d’un outil de travail à la pointe des exigences actuelles (avec notamment une nouvelle ligne de moulage).

Renault s’est également engagé à maintenir un effectif minimum de 450 salariés en CDI.

4 – Des travaux indispensables :

Outre la mise en place d’outils nouveaux prévue par Renault, la rénovation du bâti est urgente. Les installations n’ont en effet connu aucune amélioration entre 1998 et 2009, période pendant laquelle la SBFM était sous la direction des sociétés TEKSID puis ZEN.

La fonderie bénéficie pour ce volet des aides publiques à hauteur de 5 millions d’euros, sous réserve bien sûr que Renault, principal actionnaire, respecte bien sa part d’engagement.

5 – Que fabrique-t-on à la Fonderie de Bretagne ?

On y fabrique essentiellement des pièces destinées aux automobiles. Renault, principal actionnaire, commande notamment des châssis sur lesquels viennent se fixer des pièces aux technicités sans cesse en évolution puisqu’elles ont trait à la sécurité des véhicules.

La fabrication de matériel pour le ferroviaire, les poids lourds et les énergies renouvelables pourrait venir compléter la gamme des productions de la Fonderie et lui assurer un minimum de stabilité notamment en cas de baisse des ventes de voitures. Cela nécessitera l’ouverture de négociations avec l’actionnaire.

6 – Le personnel :

 a – Les effectifs :

Au fil des ans, le personnel de la fonderie a fortement diminué. En 1982, l’entreprise comptait 1 600 salariés, en 2 000 leur nombre était descendu à 1 000, aujourd’hui ce sont 450 personnes qui y travaillent en CDI. Le personnel se répartit de la manière suivante : 360 ouvriers et 90 cadres ou personnel administratif. Parmi les ouvriers, on compte 4 femmes caristes.

b РLa formation du personnel, une n̩cessit̩ :

Le degré de technicité des machines, la spécificité et la diversité des pièces fabriquées exigent le recours à une main d’oeuvre qualifiée et bénéficiant de formations régulières. Un budget annuelde 900 000 €, dont 10 % sont financés par Renault, est octroyé pour la formation. Malheureusement, les 150 intérimaires qui viennent compléter les effectifs de la fonderie n’en bénéficient pas.

c РSant̩ :

L’ensemble du personnel de la SBFM est concerné par le plan amiante puisque celle-ci se trouvait à l’état volatile dans l’usine jusqu’en 1998. Le temps d’incubation étant de 20 à 30 ans, les anciens salariés sont suivis sur le plan médical. Les nombreux cas de cancers décelés génèrent une angoisse latente parmi l’ensemble du personnel. Cette anxiété augmentant le risque d’accident du travail, elle devrait être reconnue et « compensée » par une prime attribuée au personnel ayant travaillé dans l’entreprise avant 1998. Les prud’hommes viennent en effet tout juste de confirmer en appel leur décision, donnant raison aux 43 salariés qui ont présenté une requête pour le versement d’une prime « anxiété ». Cette décision, qui sera très probablement renvoyée pour la seconde fois en appel, si elle est à nouveau confirmée, fera jurisprudence élargissant l’octroi de cette prime à l’ensemble des salariés concernés par le plan « amiante ».

Précisons que depuis 1998, des travaux ont permis de supprimer l’amiante volatile. Cependant, celle contenue dans les parois est toujours présente et le risque même s’il est moindre demeure.

7 РLa s̩curit̩, un probl̬me majeur :

A – À l’intérieur de l’usine :

a – Le taux « d’accidentabilité » :

Il reste très élevé en raison de la vétusté des locaux et de l’outil. Les travaux de modernisation en cours devraient garantir une plus grande sécurité mais leur achèvement devra attendre plusieurs années.

b РDes accidents en s̩rie :

Rappelons qu’en 2011, la fonderie a connu une évacuation des ouvriers suite à une fuite de monoxyde de carbone, ainsi que deux accidents sur un même four (le four 23 aujourd’hui condamné). Notons l’intervention, au péril de leur vie, de 9 salariés de la fonderie qui ont permis d’éviter une véritable catastrophe.

c – Des risques accrus :

Dans le cadre du plan amiante, un seul départ sur 4 est remplacé par du personnel qualifié. Les intérimaires embauchés pour pallier le déficit de salariés n’étant pas suffisamment formés, les risques d’accidents augmentent. Ce problème est pointé du doigt par les syndicats.

B – À l’extérieur de l’usine :

S’il est urgent de faire les travaux pour améliorer la sécurité dans l’entreprise, la proximité de l’usine GUERBET, classée SEVESO, rend primordiale la nécessité de garantir des mesures et des périmètres de sécurité accrus pour les riverains et les salariés de la fonderie.

8 РLa situation financi̬re de la fonderie :

Depuis 10 ans, l’entreprise accuse une perte moyenne mensuelle de 1,5 million d’euros.

Une aide de l’Établissement Foncier Régional de Bretagne est actuellement à l’étude. Elle viendrait soutenir les institutions publiques (Pays de Lorient, Conseil Général, Conseil Régional) pour le financement du bâti.

Si l’investissement des instances publiques sur le bâti leur donne un droit de regard dans la gestion de l’entreprise, l’objectif à atteindre est l’entière prise en charge par les actionnaires du bâti et de l’outil.

9 – Des syndicats vigilants :

 Deux syndicats représentent les salariés de la SBFM :

  • . La CGT : 350 salariés ;
  • . La CFE-CGC : une dizaine de salariés.

S’ils ont joué un rôle essentiel dans les négociations qui ont permis la reprise par Renault de la SBFM, leur mission ne s’est pas arrêtée le jour de la signature de l’engagement.

Ils doivent en effet rester particulièrement vigilants pendant cette période transitoire de cinq ans et s’assurer que Renault respecte bien ses engagements concernant l’investissement matériel et le personnel.

Le dialogue entre actionnaires et syndicats est un passage obligé pour éviter de nouveaux écueils. Diversifier les productions, anticiper sur les évolutions du marché sont deux axes essentiels des discussions entre protagonistes, le but étant de permettre le redressement de la situation financière de l’usine et de maintenir voire de développer l’emploi.

C’est en effet en multipliant les gammes de production que la fonderie peut devenir incontournable sur le marché. Rappelons qu’elle est l’une des deux dernières fonderies existant sur le sol français (la seconde étant la FDP groupe Renault à Chatellerault dont la production est limitée à la fabrication d’une ou deux références de blocs moteurs). Sa capacité à s’adapter à la demande et la qualité de sa production doivent faire sa force et la protéger des aléas économiques.

Les syndicats se donnent également pour mission de s’assurer que l’actionnaire principal respecte bien les normes sécuritaires et environnementales auxquelles vient se greffer la nécessité de mettre en place une politique des déchets.

La conclusion de Pierre Le Ménahes :

La fonderie a connu bien des vicissitudes. Actuellement en période de reconstruction, il est de la responsabilité de tous, actionnaires, syndicats, salariés, institutions publiques de veiller à sa renaissance. En effet, une reconversion réussie fera d’elle une force pour le Pays de Lorient et assurera la pérennité d’une entreprise dont l’histoire est profondément inscrite dans l’histoire de notre région.