Après avoir caricaturé, critiqué, moqué, l’encadrement des loyers proposé par François Hollande, voilà que Nicolas Sarkozy fait sienne cette idée.
Dans une interview à paraître la semaine prochaine dans l’hebdomadaire Femme Actuelle, le candidat UMP se dit favorable à un système d’encadrement des loyers semblable au système en vigueur en Allemagne, affirme l’agence de presse Reuters dans une dépêche publiée mercredi soir.
Outre-Rhin, il existe un «miroir des loyers» autrement dit une banque de données qui permet de connaître les loyers de marché dans la plupart des villes du pays.
Si un propriétaire abuse en louant son logement plus de 20% au-dessus des prix du marché local, le locataire peut exercer un recours devant un tribunal pour obtenir un réajustement à la baisse.
Interrogé sur ce système par Femme Actuelle, Nicolas Sarkozy répond: «C’est une bonne idée. Il ne s’agit pas de bloquer les loyers mais bien d’un encadrement. Je l’appliquerai.»
Le 29 janvier, en direct sur neuf chaînes de télévision, il disait exactement le contraire. «Si on fait l’encadrement des loyers, c’est très simple: plus personne ne louera et plus personne ne construira. C’est exactement le contraire de ce qu’il faut faire. Cela n’a marché nulle part, même à l’époque de l’Union soviétique».
Hollande ironise
Invité jeudi par la rédaction de Libération comme d’autres candidats à l’élection présidentielle, François Hollande a ironisé sur ce retournement. « Je suis heureux de voir que sous la pression il arrive à un modèle qu’il décriait hier. Je ne me plains pas d’avoir eu raison le premier ».
L’encadrement voulu par candidat socialiste pour contenir la flambée des loyers à la relocation (quand le locataire change) s’inspire précisément du système allemand.
Dans les zones tendues (Paris-Ile-de-France, littoral méditerranéen, le Genevois français…) il y aura des références de loyers, ville par ville, ou même quartier par quartier s’agissant des grandes métropoles.
Ces références serviront à fixer le montant maximum du loyer lors de la signature d’un nouveau bail.
Si dans un quartier, le loyer moyen de marché est de 20 euros le mètre carré par exemple, les logements proposés à la location dans le même secteur ne pourront pas dépasser ce montant.
Ce qui veut dire que les logements remis sur le marché et loués (jusque-là) plus chers devront baisser (ce mécanisme ne s’appliquera qu’aux nouveaux baux, il n’y aura pas de rétroactivité pour les baux en cours).
A l’inverse, des logements loués jusque-là à très bas prix, par exemple à des personnes âgées qui s’en vont, pourront être augmentés jusqu’au plafond.
L’encadrement de Hollande va plus loin que le système allemand, puisqu’il fixe un plafond maximum. Mais c’est bien la moyenne du marché qui sert de référence. Nicolas Sarkozy ne va pas jusque-là.
Interrogé par Libération, René Dutrey, conseiller de Paris (EE-LV) et auteur d’un des rares rapports sur l’encadrement des loyers, se dit sidéré. «Depuis trente ans, la droite française a toujours prôné un marché libre du logement considérant qu’il finirait par réguler les choses, souligne l’élu parisien. Or force est de constater que le secteur du logement s’est financiarisé et qu’il est devenu une machine à exclure les populations les plus modestes mais aussi les couches moyennes dans les grandes villes.»
Egalement contacté par Libération, le ministre du Logement, Benoist Apparu, lui aussi très critique jusqu’ici sur l’encadrement des loyers, esquive. «Nicolas Sarkozy, dit que le modèle allemand de miroir des loyers est transposable en France. Mais cela n’a rien à voir avec ce que propose François Hollande qui veut baisser les loyers de 20%.»
En fait le ministre du Logement minimise le retournement de veste de Nicolas Sarkozy, et caricature le projet de François Hollande.
Dans son rapport sur l’encadrement des loyers, René Dutrey préconise une mesure forte dans les quartiers où la spéculation bat son plein, où les loyers sont au zénith. Dans ces secteurs il propose de procéder à une baisse de 20% du loyer plafond autorisé pour calmer la fièvre. Mais cela serait limité à quelques zones.
Une idée reprise dans une proposition de loi du PS et qui permet à Benoist Apparu de caricaturer l’encadrement proposé par Hollande, laissant entendre qu’il veut baisser les loyers de 20% partout.
Tonino Serafini
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