Interpellée par la Mutualité française, Anny Poursinoff a souhaité exposer sa vision de la politique de santé publique en revenant sur les enjeux actuels, les nouveaux défis et les évolutions à mener pour permettre à chacun la possibilité de vivre en bonne santé.
Madame la Présidente,
La Mutualité française a souhaité interpeller les différent-e-s candidat-e-s aux élections législatives. En tant que députée, j’ai eu l’opportunité d’échanger à diverses reprises avec votre structure, notamment en préparation des débats à l’Assemblée nationale sur le financement de la sécurité sociale. Nos diverses rencontres nous ont permis de mesurer combien nos positionnements sont proches et le nombre important de revendications et de convictions que nous partageons.
Comme vous le savez, j’ai d’ailleurs relayé votre combat contre l’augmentation de la taxe spéciale que les conventions d’assurances (TSCA) : le fait d’augmenter la TSCA ne peut qu’avoir un effet désastreux sur la couverture maladie complémentaire de la population. C’est pourquoi il est essentiel de revenir sur cette décision. Les organismes complémentaires dans notre système de santé, et notamment les mutuelles, jouent un rôle important dans l’accès aux soins. Le tarif des mutuelles est en effet un facteur déterminant de la décision d’y souscrire ou non. Aujourd’hui, 14 % des chômeurs, 8,5 % des ouvriers non qualifiés et 3,7 % des cadres n’ont pas de couverture complémentaire. La situation des étudiants est elle aussi alarmante. Simplifier l’accès à l’ACS, notamment en l’ouvrant de droit pour les boursiers, est nécessaire.
Vous connaissez mon engagement pour le maintien de notre système de santé et l’accès pour toutes et tous, quels que soient ses moyens, son origine ou son lieu d’habitation, à des soins de qualité. Permettez-moi néanmoins de développer à nouveau les positions des écologistes sur ces enjeux, positions qui seront les miennes si je suis réélue députée de la 10e circonscription des Yvelines.
Au niveau de son financement, l’assurance maladie, particulièrement en difficulté, nécessite une réforme fiscale d’envergure. Lorsque je suis intervenue sur les bancs de l’Assemblée nationale, j’ai indiqué comment, afin d’assurer la sauvegarde de notre système de santé, il convient de rétablir l’équité contributive et de mettre en Å“uvre une fiscalité écologique et solidaire.
Pour les écologistes, les comptes sociaux ont vocation à s’équilibrer, non par une politique de court terme, mais par une refonte globale de la fiscalité et l’intégration de la dette sociale dans le budget de l’Etat, avec une extension de l’assiette des prélèvements et l’introduction d’une fiscalité écologique ainsi que via la fusion de l’impôt sur le revenu et la CSG.
En outre, les dépenses de fonctionnement ne doivent pas être gérées par la dette. Les diverses manipulations de la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale) renforcent le poids qui pèsera sur les générations futures. Aujourd’hui, nous sommes loin d’un développement responsable et durable. C’est pourquoi, les écologistes souhaitent que la dette, aujourd’hui logée dans la CADES, soit intégrée à la dette publique de l’État. Lors des différents débats sur le financement de la sécurité sociale, j’ai eu l’occasion d’exprimer ces différentes positions, y compris la demande de suppression de la CADES.
Par ailleurs, il convient de revoir en profondeur notre politique de santé publique. Le déficit de la Sécurité Sociale est en effet le signe d’une crise sanitaire. L’utilisation abusive de perturbateurs endocriniens, de pesticides ou encore la malbouffe pour ne citer que ces exemples dégradent notre état de santé et multiplient les maladies chroniques. La seule augmentation de ces maladies (cancers, diabètes, maladie cardiovasculaires) entre 2003 et 2009 a provoqué un surcoût de 10 milliards d’euros. C’est le déficit prévu pour 2011 pour l’assurance maladie (9,6 milliards d’euros). En 6 ans, le nombre de cancers et de diabètes a augmenté de 36%.
C’est en privilégiant une approche globale de la politique de santé que nous parviendrons à pérenniser notre système de protection sociale. À cet effet, il conviendrait de mettre en place une véritable politique d’éducation pour la santé et de prévention. La santé environnementale et au travail doit être un axe majeur de notre système de protection sociale. Une approche centrée seulement sur le curatif est obsolète. De même, une refonte de l’accès aux soins primaires est à mener. Enfin, il est nécessaire d’obtenir une meilleure répartition et coordination de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire.
En outre, nous souhaitons concentrer les soins sur ceux réellement utiles pour les malades, en rendant vraiment indépendants les autorités sanitaires et les prescripteurs de toute influence de l’industrie pharmaceutique. La sécurité sociale doit couvrir au moins 80 % des dépenses de santé. Il conviendra d’engager dans ce cadre un réexamen de l’ensemble de la politique des prix et des remboursements. Revaloriser le remboursement des soins dentaires et d’optiques par le régime général est également un enjeu.
Par ailleurs, l’éducation pour la santé peut se donner comme premier objectif de promouvoir une alimentation équilibrée et de faire baisser de 10% le nombre de diabétiques. La santé environnementale peut viser en premier lieu à ce qu’aucun parent, aucun enfant, ne soit contaminé par des perturbateurs endocriniens, qui sont facteurs de cancers, de troubles du développement et aussi de diabète.
Concernant la structuration de l’offre de soins, il est nécessaire de favoriser l’installation de médecins et des autres professionnels de santé dans les territoires ruraux et l’ensemble des déserts médicaux. A l’inverse de ce qui a été fait pendant cette dernière décennie, l’hôpital public doit être soutenu et il faut revenir sur la tarification à l’acte (T2a). Les centres de santé ou les maisons de santé pluridisciplinaires ont également un rôle déterminant à jouer. Dans ce système de santé repensé, il me paraît très utile de développer les Maisons de naissance ; et j’ai déposé une proposition de loi en ce sens.
Concernant la perte d’autonomie, j’ai plaidé et continuerai à plaider en faveur de la création d’un « cinquième risque ». Il est en effet urgent de mieux compenser la perte d’autonomie, que celle-ci soit liée à l’âge, à un accident, à une maladie ou à la naissance. Un éventail de solutions adaptées aux personnes, respectueuses de leur choix, doit être proposé. Il convient également de mieux prendre en compte les aidants, qui, le plus souvent, sont des aidantes. C’est une réforme d’envergure qu’il convient de mettre en Å“uvre et non des mesures parcellaires qui, tout en étant nécessaires, manquent de cohérence globale. La solidarité nationale doit couvrir ce risque.
J’espère que ces éléments vous permettront de mieux appréhender les convictions qui animent les écologistes. Une fois élue je serai très heureuse de pouvoir vous rencontrer à nouveau, dans le même état d’esprit d’échange mutuel qui a été le mien lors de la précédente législature.
Bien cordialement,
Anny Poursinoff