Politique départementale en matière de restauration collective
Le groupe EELV a affirmé dés le début son opposition à l’externalisation de la restauration des cantines des collèges du Rhône, à travers plusieurs interventions.
1) Séance plénière du 30 mars 2012 :Intervention de Béatrice Vessiller
Monsieur le président, Mme la vice-présidente, chers collègues
Aujourd’hui, sur les 88 demi-pensions dans les collèges publics du département, 76 fonctionnent en régie sur place ou en liaison froide et 12 sont en délégation de service public.
Vous nous proposez par ce rapport de décider que le Département recourt quasi-systématique à un prestataire extérieur pour assurer la restauration collective dans les collègues publics dans 6 situations différentes : construction nouvelle, restructuration, sur demande du chef d’établissement.
Cette décision semble relever plus de la position de principe en faveur de la DSP que d’une analyse approfondie sur les avantages et inconvénients des 2 systèmes, en fonction des objectifs d’une politique départementale de service public de la restauration collective.
En effet, pourquoi décider d’emblée que lors d’une construction nouvelle ou d’une restructuration, de départs en retraites des agents, on devrait recourir à la DSP ? Et même question lorsque « le chef d’établissement le demande » ou « lors de dysfonctionnement de la demi-pension » : dans ces cas-là, on ne demanderait même pas au chef d’établissement de le justifier ? Les services n’analyseraient pas les dysfonctionnements ?
Il manque peut-être une phrase dans votre délibération : dites-nous à quelle échéance vous comptez avoir passé l’ensemble des 88 demi-pensions en DSP, au moins les choses seront plus claires !
Nous contestons cette posture de la DSP systématique pour plusieurs raisons :
– D’abord, si votre objectif est de faire des économies de personnel et des économies tout court, cela supposerait qu’à service équivalent et conditions de travail équivalentes pur les personnels –j’insiste sur ce point-, la DSP serait plus avantageuse : ce qui n’est aujourd’hui pas démontré : en tout cas, nous n’avons eu aucune analyse sur ce point, ni sur l’ensemble des points
– ensuite, nous pensons que pour l’objectif de qualité des repas et de développement des circuits courts et bios, la commande publique peut permettre de structurer les filières locales, et de développer l’agriculture locale en incitant à des pratiques plus respectueuses de l’environnement, en favorisant les transformations des exploitations en bio. Il y a ainsi un enjeu de transversalité dans nos politiques départementales : c’est du développement durable aussi !
– cet objectif peut être une formidable occasion de faire évoluer les pratiques de nos services, c’est un enjeu de management et de mobilisation des équipes : à la fois ceux de la commande publique, par un travail sur les cahiers des charges, les fournisseurs, les plate-forme d’approvisionnement, mais aussi dans les cantines elles-mêmes avec les personnels. A Villeurbanne, il y a quelques années pour la création de la cuisine centrale des cantines scolaires, nous avons eu une étude de plusieurs mois qui a abouti au choix de la régie et, dans une dynamique de management, de formation des personnels, le service public municipal assure la préparation et livraison de plus 5000 repas par jour, avec un travail en cours sur le bio et les circuits courts.
Nous regrettons que vous ne nous ayez pas proposé une réflexion approfondie sur cette politique départementale et ne pouvons voter une décision de principe qui fragilise beaucoup le service public, sans qu’on comprenne où sont les problèmes. Et si le service public a besoin d’évoluer, nous y sommes favorables, faisons le sur la base d’objectifs partagés et avec les personnels.
Nous voterons contre cette délibération.
2) Séance plénière du 22 juin 2012 : Intervention de Raymonde Poncet
Délégation de service public relative aux demi-pensions des collèges Emile Malfroy à Grigny et Lucie Aubrac à Givors
A l’occasion du CTP, je me suis prononcé contre le passage en DSP des collèges de Grigny et de Givors.
En effet, la motivation par le mécontentement quant au fonctionnement actuel de ces deux restaurants me paraissait « non sincère », au sens de n’être pas la véritable raison.
Et ce, même si, pour un des établissements, le CA avait exprimé sa non satisfaction.
Nos services seraient ils incapables de résoudre un dysfonctionnement et à améliorer l’organisation d’un service ?
Suffira t-il de recueillir le mécontentement de parents d’élèves pour passer de l’intégration à la DSP et ce motif serait il suffisant pour passer de la DSP à la régie directe.
Nous savons que non, le raisonnement ne vaut que dans un sens.
Et si le cas de mécontentement d’un prestataire extérieur ne s’est pas encore posé, s’il se posait, vous savez qu’il n’entrainera pas le retour en régie directe. Vous changerez de prestataire, comme on change d’opérateur téléphonique.
Sur ce dossier, je tiens à préciser qu’à la différence du rapport d’aujourd’hui, je ne fais aucun procès de moindre qualité à aucun des deux modes de gestion. Les deux, avec du personnel qualifié, formé, un encadrement adéquat et des bons produits peuvent servir des repas de qualité y compris bios.
La différence n’est pas dans la qualité de la prestation. Elle est dans l’écart de son coût.
Après ce vote à la CTP du passage de ces 2 collèges en DSP, la session de mars 2012 a vu proposer au vote un ensemble de motifs à la Prévert de recours en DSP, il apparaissait alors évident que l’objectif était de passer à terme l’ensemble des collèges en DSP.
En effet, le principe d’un recours à un prestataire extérieur lors d’une construction nouvelle ne concernant que le flux, il fallait s’attaquer au stock des 76 collèges en régie, en liaison froide ou en production sur place. Et aller plus vite.
D’où les différents cas, dont celui pour améliorer le service rendu qui peut concerner toutes les situations, l’amélioration de la qualité ne s’entendant qu’en continue.
Lors de la discussion, vous ne vous en êtes pas caché : l’objectif c’est 4 millions d’économie donc, on revient à la seule raison, les autres ne faisant que les habiller de vertu ou d’opportunité.
Donc, la DSP est moins chère et c’est pourquoi les collectivités y ont recours et non parce que le privé lucratif est plus efficace ou de meilleure qualité que le service public.
Alors, la question devient : de quoi est fait l’écart de coût, d’autant plus important que les prestataires privés dégagent en plus une marge de profit.
Car je pense qu’effectivement il y a un écart, certainement pas celui que vous annoncez car il est courant après études approfondies de trouver des écarts bien moindres suite à des coûts masqués, mais l’écart doit être en grande partie celui du statut par rapport à la convention collective du prestataire.
Monsieur le Président, vous disiez que les enfants lyonnais en école primaire n’étaient pas malades avec la DSP. Nos collégiens en régie directe non plus.
La question qu’il faut se poser est autre, c’est de savoir si le personnel a les mêmes conditions de travail, de formation, d’avancement, de protection sociale et de retraite.
Cela aussi est de la responsabilité de la collectivité employeur ou acheteur : cela se nomme la responsabilité sociale.
Par exemple, le destin professionnel d’un salarié fragilisé sur le plan de la santé est il le même au sein de la fonction publique territoriale que dans le privé ?
Le prestataire auprès duquel nous externalisons le service à cause du moindre coût, n’externalise-t-il pas en retour sur la société et quelquefois notre collectivité, des coûts sociaux que notre statut oblige à assumer pour préserver la cohésion sociale.
Nous savons nous moderniser, être efficace, servir avec qualité, si la différence de coût est celle du statut, nous assumons ce différentiel et nous souhaitons garder en gestion directe la restauration dans les collèges que la loi du 13 août 2004 nous a confiée.
Comme en CTP, nous voterons donc contre ce rapport.
3) Séance plénière du 20 juillet 2012 : Intervention de Raymonde Poncet
En l’espace de quelques mois, trois rapports relatifs aux passages en DSP des cantines des collèges publics ont été débattus dans cette assemblée.
Nous avons commencé modeste lors d’un CTP avec deux collèges où les Conseils d’Administration auraient manifesté leur mécontentement de la régie directe, ce qui vous suffisait à justifier le changement de mode de gestion.
Mais les Conseils d’Administration pouvant ne pas être mécontents à la bonne vitesse, un rapport en mars déroulait d’autres critères de passage en DSP.
Devant cet inventaire quelque peu hétéroclite, nous avions alors demandé à quel horizon tous les collèges devaient passer en DSP. Nous avons aujourd’hui la réponse : environ 8 ans.
Les acteurs d’un collège dont le conseil d’administration pouvant refuser ce passage en DSP en s’appuyant justement sur le fait qu’il ne relevait d’aucun des critères énoncés, il était plus que temps d’affirmer la politique d’externalisation de toutes les demi-pensions, au rythme d’une dizaine de collèges chaque année.
La motivation est gestionnaire, les économies attendues – de l’ordre de 4 millions – sont chiffrées.
Nous nous sommes déjà exprimés pour rappeler notre attachement à la régie directe mais aujourd’hui la question est bien celle des économies attendues et nous constatons que nous ne disposons dans ce rapport d’aucun comparatif chiffré pour comprendre d’où vient la différence.
Vous nous avez objecté les 144 jours de service annuels et il serait intéressant d’analyser plus concrètement ce que font nos agents lors des vacances scolaires comme de connaître les mécanismes qui permettent aux entreprises de présenter une flexibilité interne et externe bien supérieure, au-delà de l’explication qu’ils servent des établissements ouverts toute l’année mais qui ne sont en rien complémentaires puisqu’ils servent aussi par définition les 144 jours des collèges.
Nous aimerions connaître, chez ces prestataires, le nombre de temps partiels subis – notamment par les femmes – pour gérer cette flexibilité.
Quel taux de turn over, de recours au travail intérimaire ?
A combien chiffrez-vous les externalités sociales de ces délégataires, coûts externalisés qui devraient intéresser une collectivité publique responsable en charge du social ?
Cette politique de passage en DSP est cohérente avec le rapport sur la politique des ressources humaines qui pose comme préalable la non augmentation de la masse salariale, car il est plus facile de geler les contrats des délégataires voire de les baisser, que de devoir obtenir la même maitrise budgétaire avec l’évolution automatique – a minima le GVT – d’agents territoriaux, un GVT qui oblige statutairement à la reconnaissance des savoir-faire de l’expérience.
En conclusion, nous rappelons que nous nous positionnons pour le maintien en régie directe, mode de gestion qui peut concilier efficacité économique, conditions de travail et d’emploi dignes et responsabilité environnementale.
Le groupe EELV vote donc contre cette politique d’externalisation.
4) Séance plénière du 30 novembre 2012 : Restauration scolaire- Délégations de Services Publics
Intervention de Raymonde Poncet
Nous sommes déjà intervenus à plusieurs reprises sur cette décision politique d’externaliser toutes les demi-pensions des collèges du Rhône.
Aussi, je ne reviendrai pas sur ce que nous avons déjà dit et qui reste d’actualité notamment sur la qualité des emplois. J’en profite pour vous rappeler que nous sommes toujours intéressés par votre analyse faisant état de 4 millions d’économie.
Notre intervention aujourd’hui porte sur 3 points :
• Premier point : aucun collège en DSP ne demanderait à revenir en régie alors que des collèges en régie demanderaient le passage en DSP
• 2ème point : le différentiel de coût viendrait du fait que les repas sont servis 144 jours et que les agents sont payés – sous-entendu en chômage partiel – le reste du temps, ce qui, effectivement ne pourrait se passer dans une société commerciale bien gérée.
• 3ème point : le passage en DSP rend-il possible demain un retour en arrière et question subsidiaire : l’externalisation de la restauration ne risque-t-elle pas d’entraîner l’externalisation d’autres services assurés par les agents territoriaux ?
Premier point : la demande des collèges et le consensus des équipes éducatives.
En CTP, il a été dit que les collèges sont choisis selon trois critères : la demande des collèges, des dysfonctionnements ou des départs à la retraite. Par exemple, lors de la première délibération, on nous a dit que le collège de Grigny avait demandé à l’unanimité la DSP.
La lecture attentive de comptes rendus de CA et les contacts avec les membres des équipes présentent une tout autre version.
Grigny d’abord : oui, en décembre 2011, la FCPE vous a écrit pour vous faire part de leur mécontentement concernant la cantine et je tiens à saluer la prompte réactivité des services puisqu’au CA du mois suivant, la DSP était soumise au vote.
Seulement, quelques temps après, la FCPE vous adressait un courrier pour signifier que ce point, non inscrit à l’ordre du jour, n’avait pas permis de le préparer et surtout que seule cette solution aux dysfonctionnements avait été proposée alors que le courrier de décembre concernait un seul agent qui posait problème, puisque lors des remplacements de cette personne la situation se rétablissait. Aussi, la FCPE souhaitait l’ouverture à d’autres solutions privilégiant le maintien de personnes titulaires et privilégiant les circuits courts et les produits biologiques. J’espère d’ailleurs que cette dernière demande de produits bio a bien été prise en compte. « Au lieu de changer une personne, dit la fédération, vous nous avez proposé de changer toute l’équipe ».
Quant aux autres CA, je n’aurai pas le temps de les citer tous, mais vous le savez, c’est quasi majoritairement le mécontentement envers cette décision de notre assemblée. Mais là encore, faudrait-il compter comme volontaire un collège comme Lucie Aubrac, alors que, je cite le compte rendu du CA, suite à « la demande du collège », la proposition du CGR de passer en DSP récolte 15 voix Contre et une seule voix Pour, celle de la demande, je suppose.
Dans les collèges de Thizy et d’Amplepuis, je pense que vous en avez eu connaissance, les CA désapprouvent la décision, par 12 voix Contre 1 Pour à Amplepuis où la motion adoptée souligne la qualification et la compétence des agents comme à Thizy où le CA vous demande « Pourquoi remplacer un service qui fonctionne bien et qui donne toute satisfaction à ses usagers ? ».
Mêmes discours aux CA de Pablo Picasso où l’on pointe par ailleurs le sous-effectif des agents cette année, au collège de Condrieu, au collège Jean Renoir, au collège de Bans, au collège Louis Jouvet, au collège de Chassieu, au collège de Soucieu-en-Jarrest, au collège Maurice Leroux à Villeurbanne.
En conclusion, si aucun collège en DSP n’a demandé son retour en régie, comme vous le soulignez régulièrement, force est de constater qu’aucun collège n’a demandé son passage en DSP, c’est, dans de rares cas, le CGR qui devant des dysfonctionnements comme il en existe dans tous les services, a répondu : Passage en DSP !
Deuxième point : les 144 repas. Monsieur le Président, vous nous avez impressionnés avec ce chiffre. Seulement, vous en conviendrez, il s’agit des jours ouvrés travaillés 8 heures qui donnent droit à 18 jours et demi de RTT et n’oublions pas les 34 jours ouvrés de congé annuel. Ouf, ça va mieux, nous voilà à 197 jours pour 220 jours ouvrés annuels environ. Mais que font les agents les jours ouvrés restants ?
Une grande partie est consacrée à l’entretien du matériel et aussi aux projets d’amélioration, à la préparation des menus de la rentrée, aux commandes, aux fiches de production. Hors de la présence des élèves, il y a des tâches à effectuer, si ces temps des vacances scolaires où ces taches peuvent se faire n’existaient pas, il faudrait des effectifs supplémentaires.
Avec les DSP justement, ce sont ces temps qui seront les premiers laminés pour générer du profit.
Et si le matériel n’est pas aussi bien entretenu, le CGR qui en a la charge, trouvera peut-être que cela coûte bien cher et vous aurez un prestataire qui vous soufflera que c’est moins couteux en cuisine centrale, dans un deuxième temps bien sûr.
Enfin, troisième point, en cas de mécontentement demain quant à la DSP, quand vous n’aurez plus les anciens cuisiniers reconvertis quelquefois en contrôleurs des sociétés prestataires, le retour en régie directe se heurtera à l’absence de savoirs faire ou à la difficulté d’intégrer des contrats privés et on restera en DSP. Et le risque sera grand que l’externalisation se diffuse aux agents assurant l’entretien des salles de classe et des parties communes car ces postes sont optimisés grâce aux services de restauration qu’ils viennent renforcer lors du service de repas.
En conclusion, je donne la parole à la dizaine d’agents, aides cuisiniers et chef de cuisine que j’ai rencontrés, qui m’ont parlé de l’engagement des équipes pour votre expérimentation en produits locaux et qui m’ont dit leur amertume aujourd’hui, qui ont pointé que si 1/3 de l’énergie mise aujourd’hui pour passer en DSP avait été mise à résoudre les quelques difficultés et à optimiser le service de restauration, il vous serait difficile d’arguer quelques intérêts à ce passage, et qu’enfin, ils ne vivent pas les choix qui leur sont proposés, pour beaucoup, comme une opportunité, car pourquoi accepter une reconversion sur un autre métier quand son métier n’est en aucun cas supprimé mais donné à un salarié extérieur pour des raisons de coût.
Je vous remercie