gaz de schiste
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Le débat entre pro et anti gaz de schiste est-il bien posé ?

Il réduit le débat entre gains économiques et coût environnemental. Du coup, seule la technique d’extraction fait face à la pollution et à l’impact sur le climat. Mais personne ne pose la question de l’impact économique réel sur l’emploi. La réponse est admise par le Medef et l’Ufip [l’Union française des industries pétrolières] savent que le gaz n’a jamais rapporté grand-chose à la collectivité. Un million de dollars de production ne crée que 2,35 emplois !

600 000 emplois créés aux Etats-Unis ? 100 000 emplois potentiels en France ?

Pour obtenir ce chiffre les Etats-Unis forent en continu. Plus de 500 000 puits entre 2005 et 2012. Un nouveau toutes les huit minutes ! Le «miracle» américain est là. Un emploi créé par puits. Le jour où on arrête, c’est fini. En France, pour créer 100.000 emplois d’ici 2020, il faudrait donc forer environ 90 000 puits. Soit 30 par jour ! Tous concentrés dans le Grand Sud et l’Ile-de-France, là où sont les réserves. Sans tenir compte de la densité de population, des zones touristiques, etc.

Et les rentrées fiscales ?

Même pas. Le code minier actuel ne permet pas à l’Etat de récupérer une part importante des bénéfices. La ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, qui veut le moderniser pour prendre en compte la charte de l’environnement et prévoir la consultation des populations et des collectivités territoriales obligent les industriels à accélérer l’obtention de permis.

Les compagnies demandent juste le droit d’explorer pour évaluer les ressources…

90% des investissements se font en amont de l’exploitation. Si elles explorent sans exploiter, elles perdent de l’argent. D’où un effet pervers : les compagnies annoncent des chiffres de réserves faramineux. Pour allécher, accélérer les processus. Quitte à déchanter, comme en Pologne, où les réserves sont dix fois moindres que prévu.

Aux Etats-Unis, le prix du gaz a baissé grâce aux gaz de schiste. Ne serait-ce pas bienvenu chez nous aussi ?

Le marché européen du gaz est différent. Il est rigide et basé sur des contrats à long terme (de dix à trente ans) indexés sur le prix du pétrole. Même si notre gaz de schiste était moins cher que le gaz importé, le prix final s’alignerait sur le plus élevé : vieux principe d’économie. Seules les compagnies profitent de cette rigidité du marché, en vendant leur gaz au prix du gaz importé, elles font d’énormes marges. Il est certes passé de 8 dollars en 2010 à 3 dollars en 2012, car il y a eu ce forage massif et que le marché du gaz américain répercute tout de suite les mouvements de l’offre sur les prix. Mais à 3 dollars, il est moins rentable d’investir. Résultat, l’offre de gaz de schiste baisse et le prix remonte. Il est désormais à 4 dollars.

On parle de bulle aux Etats-Unis.

Exxon ou Chesapeake (producteurs américains), disent que pour investir sur le long terme, le prix du gaz aux Etats-Unis doit être de 7 ou 8 dollars, presque le prix européen qui est à 10 dollars. Avec deux dollars de différence, l’avantage compétitif des Etats-Unis serait négligeable. Engager une politique de forage intensif là-dessus ne vaut plus le coup.

Le gaz de schiste a permis une ré-industrialisation des Etats-Unis…

Il a surtout donné du souffle à des industries lâchées depuis des années à cause de la logique actionnariale des entreprises. Les gaz de schiste freinent plutôt la désindustrialisation, les entreprises ferment un peu moins vite grâce à l’énergie moins chère. Mais j’ai expliqué pourquoi elle se renchérira.

Et l’indépendance énergétique grâce aux gaz et pétrole de schiste ?

Un mythe. L’argument est basé sur des prévisions de l’Agence internationale de l’énergie [AIE], selon laquelle les Etats-Unis deviendraient le premier producteur mondial de pétrole d’ici 2020. A condition qu’ils continuent à forer 70 000 puits par an (un puits toutes les 7,5 minutes). L’AIE qui a par ailleurs fait de monumentales erreurs. En 2000, elle prévoyait un pétrole à 21 dollars en 2010. Il était à plus de 100 dollars à cette date.

Jacques Arthuys

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