Europacity : un autre projet est possible
Meeting « Terres fertiles contre projets stériles » grande rencontre citoyenne autour d’Europa city, mercredi 20 Février 2019 de 18h30 à 22h, Salle Olympe de Gouges, 15 rue Merlin – Paris 11 ème Métro : Père Lachaise ou Voltaire , bus 69 et 46. Animée par : Hervé Kempf rédacteur en chef de Reporterre
Marie Toussaint fondatrice de « Notre Affaire à Tous », Marie-Monique Robin Journaliste, écrivaine, réalisatrice, Olivier Razemon journaliste, Dominique Potier député, Nous Gonessiens Association du Val d’Oise, Emily Loizeau auteure, compositrice, interprète, Corinne Lepage avocate, ancienne ministre, Stephen Kerckhove délégué général « Agir pour l’Environnement », Maud Granger Rémy présidente des AMAP Ile-de-France, Fabien Gay Sénateur, Marc Dufumier ingénieur agronome, Marie Desplechin journaliste, écrivaine, Gilles Clément jardinier, paysagiste, Julien Bayou conseiller régional d’Île-de-France, Delphine Batho députée, ancienne ministre, Clémentine Autain, députée
1. Que se passe-t-il sur le Triangle de Gonesse ?
Depuis 2009, le groupe français Auchan projette de construire au nord de Paris, le long de l’autoroute A1, entre l’aéroport du Bourget et celui de Roissy, un gigantesque complexe commercial, d’une surface totale de 420 000 m2.
Baptisé Europacity, ce méga-centre comprendrait non seulement des galeries regroupant près de 500 boutiques, mais aussi quatre hôtels soit 2 700 chambres, une salle de spectacle, un palais des congrès, des cinémas, une piste artificielle de ski façon Dubaï, un centre aquatique, etc. Auchan et son allié, le groupe chinois Wanda, prévoient un investissement de plus de 3 milliards d’euros.
Autour d’Europacity, la Zone d’aménagement concertée (ZAC) du Triangle de Gonesse inclut la construction de 800 000 m2 de bureaux (environ la moitié de superficie de La Défense) et la création d’une gare sur la future ligne 17 Nord du métro du Grand Paris Express. Au total, ce sont 280 hectares d’excellentes terres agricoles qui seraient ainsi artificialisées, dont 80 hectares pour le seul Europacity.
2. Un territoire stratégique pour le climat
Situé aux confins de la Seine-Saint-Denis et du Val d’Oise, le Triangle de Gonesse est l’une des dernières zones cultivées de la Plaine de France, qui fut autrefois longtemps le grenier à blé de la capitale. On louait la qualité du « pain de Gonesse » et de nombreux maraîchers y cultivaient des fruits et légumes pour les Parisiens.
Avec des rendements annuels pouvant atteindre 90 quintaux l’hectare, ces terres sont parmi les plus fertiles d’Europe. Elles sont assises sur plus de 2 mètres de limons fertiles accumulés depuis des centaines de millions d’années : une telle épaisseur permet au végétal de trouver de l’eau en profondeur, même en plein été. Sur le Triangle de Gonesse, les agriculteurs n’ont pas besoin d’arroser le maïs.
Sait-on qu’il faut 1500 ans au minimum à la nature pour constituer une couche arable de 18 centimètres ?
Malgré les promesses des promoteurs, il n’existe en réalité aucun moyen de « compenser » la perte de telles terres. De plus, ce morceau de terres agricoles agit actuellement comme un climatiseur naturel, à l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique : lors des pics de chaleur, il compense en partie l’élévation de la température des territoires contigus qui sont, eux, urbanisés.
On estime que si cette terre était bétonnée, les alentours subiraient un réchauffement de 2 degrés en moyenne.
Actuellement, le Triangle de Gonesse est cultivé par huit agriculteurs à qui l’on dit depuis quarante ans que le territoire est condamné. Majoritairement locataires des terres, ils font de la grande culture céréalière intensive et ne sont pas incités à prendre soin de la fertilité du sol.
3. Europacity, un projet démesuré
Les 250 000 m2 de surfaces commerciales d’Europacity viendront s’ajouter aux quatre méga-centres commerciaux quasi mitoyens déjà existants : Usines Center, Paris Nord 2, O’Parinor et, enfin, Aéroville sur la commune de Tremblay. Inauguré en 2013, Aéroville compte 84 000 m2, 200 boutiques et un multiplexe comme O’Parinor.
Selon plusieurs études, sur les 10 500 emplois promis par les promoteurs d’Europacity, au moins 3 000 seront détruits dans les centres commerciaux alentours. C’est ce qui a motivé la création de l’association Europasdutout, rassemblant les commerçants du centre-ville de Gonesse et des communes alentour. L’Etat a d’ailleurs demandé aux promoteurs de « phaser » l’ouverture des surfaces commerciales, afin de prévenir un trop plein d’offre.
Europacity espère attirer 31 millions de visiteurs par an, soit le double de la fréquentation de Disneyland Paris. La clientèle parisienne doit venir par la ligne 17 Nord – financée par l’Etat, pour un coût d’un milliard d’euros. La clientèle européenne viendrait par avion. Et la clientèle régionale en voiture, engorgeant des axes routiers déjà saturés : A 1, A3, etc.
Selon une étude du think tank InCOPruptibles, Europacity émettra autant de CO2 qu’une ville de 140.000 habitants… sans que personne n’y habite !
4. Le « marketing expérientiel »
Europacity se veut le laboratoire du « marketing expérientiel » : ce que l’acheteur vient chercher, ce n’est plus un produit, c’est une « expérience ». David Lebon, le directeur de développement d’Alliages et Territoires, la holding qui porte le projet Europacity, l’explique sans détour : il s’agit d’offrir à la clientèle des 30-40 ans la possibilité de se livrer en un seul week-end à plusieurs activités de haute intensité. Faire du ski le matin, visiter un musée l’après-midi, dîner en terrasse avec vue sur la tour Eiffel le soir, puis aller au concert. Et entre chaque activité, faire des courses, bien sûr !
D’où la volonté d’offrir une palette complète : aquapark, salles de spectacle, expositions, ferme « urbaine », et une piste de ski, entièrement artificielle ! En tout, 200 000 m2 de surfaces de loisirs viendront s’ajouter aux 250 000 m2 de commerces.
Pour compléter son « lieu de vie multifonctionnel », Vianney Mulliez, héritier de la famille fondatrice et propriétaire d’Auchan, et qui est très investi sur le dossier, compte sur le renfort du Centre Pompidou : « Les réserves ouvertes du Centre Pompidou seraient situées dans la grande halle d’exposition d’EuropaCity, conçue comme une porte d’entrée de l’ensemble du site.Tous les visiteurs qui arriveront par la gare de métro du Grand Paris Express la traverseront. Cela représente 15 millions de personnes par an ! », expliquait-il au Monde le 9 juin 2018. Sauf que cinq autre villes (Nanterre, Massy, Sucy-en-Brie, Romainville, Le Bourget) sont aussi candidates. Europacity a aussi annoncé vouloir obtenir certaines réserves du musée du Louvre.
5. Un attelage franco-chinois
Le projet Europacity est porté par la société Alliage & Territoires, filiale à 50,1% du groupe Mulliez, cinquième fortune française en 2018 selon Challenges, et à 49,9% du groupe chinois Wanda (ex-Dalian).
Wanda est un mastodonte de l’immobilier commercial, du cinéma et des parcs de loisirs. Son fondateur Wang Jianlin est un oligarque chinois, ex-militaire, membre du PCC, député à l’Assemblée nationale populaire. En 2013, Forbes le classait comme l’homme le plus riche de Chine.
Depuis 2016, le groupe proclame sa volonté de devenir « un acteur global de l’immobilier, aménagement de quartier, construction de logements, bureaux, fonciers de services et de loisir. »
6. Le Grand Paris
Le projet s’inscrit dans le cadre du projet du métro Grand Paris, contesté en janvier 2018 par la Cour des Comptes pour sa dérive financière : de 22,6 milliards au départ, le coût prévisionnel serait passé à 34 milliards d’euros.
La Société du Grand Paris (SGP) compte sur la revente des terrains à des prix quarante fois plus élevés que le dédommagement versé aux agriculteurs pour financer une partie de ses investissements. Le groupe Auchan devra participer au financement de la gare, une participation non-dévoilée, mais estimée à 100 millions d’euros.
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