Carnet de bord de la 22e conférence internationale sur le climat

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De retour de la COP 22, Célia Blauel, adjointe à la maire de Paris  chargée, entre autres, des questions relatives à l’environnement, au développement durable et à l’eau, livre ci-dessous ses impressions à chaud. Entre l’élection de Donald Trump, une forte présence des entreprises au détriment des acteurs locaux, beaucoup d’interrogations plane sur les conclusions de cette conférence.

 

9/11: Donald Trump plane sur la COP…

« En réalité, personne ne connaît vraiment le nouveau Président des Etats Unis : est-ce le provocateur qui considère que le dérèglement climatique est un hoax inventé par les Chinois ou est-ce l’homme plus calme que nous avons vu cette nuit, s’exprimant en tant que nouveau President-elect ? » Mercredi 9 novembre, 9h, conférence de presse des grandes associations environnementales américaines. C’est sur ces paroles peu rassurantes, prononcées par un de leur responsable, qu’a démarré ma participation à la COP22. Sans conteste, l’élection américaine va marquer cette COP. Les interrogations sur le leadership nord-américain sont désormais centrales et vont plomber les discussions des jours suivants.

Le 9 novembre est aussi une journée importante car consacrée à la thématique de l’eau. C’est une avancée importante que l’eau bénéficie d’une réelle attention au coeur de la COP. Eau et climat sont indissociables. Les premiers impacts du dérèglement climatique se mesurent de manière dramatique sur les ressources en eau, et ce tout particulièrement dans les pays du Sud. Pour autant, l’eau n’est pas considérée à sa juste mesure dans les négociations internationales. C’est pourquoi toutes les actrices et acteurs de l’eau – politiques, associations, entreprises publiques et privées, se sont réunis sous la bannière  » climate is water  » pour que l’eau devienne centrale et que la convergence des agendas soit réelle. Au 21e siècle, il est autant essentiel de protéger l’eau, bien commun, ressource vitale, que d’assurer un droit à l’eau à tout un chacun. Cette journée Eau était donc importante pour faire avancer les discussions et attirer l’attention des négociateurs. Seule ombre au tableau, les aléas d’organisation de cette journée : représentants locaux et associations se sont vus évincés des tables rondes au profit des représentants nationaux et des entreprises privées… Les COP n’échappent pas aux lobbies, me laissant cette année comme une frustration quant à l’équilibre des discours portés. Je me ferai la même réflexion durant mon séjour sur les sujets énergie, ou transport… Qui dans les COP tient la boussole de l’intérêt général ?

 

10/11: des villes et de l’énergie

Le vendredi 10 novembre a été consacré aux échanges sur les résultats des politiques engagées dans les villes. L’occasion pour moi de revenir sur le travail engagé par Paris sur ses réseaux énergétiques. Car si pour le grand public Paris est connu pour la tour Eiffel ou la Seine, pour les expert/es du Climat, la Capitale est connue pour son maillage énergétique très spécifique. Développement du réseau de chaleur  (CPCU), du réseau de froid (Climespace) et soutien au développement des énergies vertes ont été au sein de nos échanges organisés par l’UNEP (Programme des Nations Unies pour l’Environnement). Par ailleurs, cette discussion a confirmé que le vent d’une reprise en gestion publique de ces infrastructures stratégiques souffle de plus en plus au sein des collectivités locales.

Cette journée a également été marquée par de nombreuses rencontres et échanges au sein de la zone verte, zone réservée aux acteurs non étatiques. Après être passée sur le stand de l’UNESCO avec laquelle nous coproduisions un ouvrage sur l’eau, je suis intervenue sur le stand du comité 21 dans un débat organisé par l’ONG de Green Cross. Au côté notamment de l’ancien Ministre Brice Lalonde, nous avons partagé nos engagements sur l’eau et livré nos premières impressions sur la conférence. En milieu d’après-midi, j’ai eu le plaisir de rejoindre la Maire de Paris, avec laquelle nous avons rencontré plusieurs associations et notamment un club de jeunes femmes âgées de 5 à 18 ans, fortement engagées pour l’environnement et le climat, avec lesquelles nous avons eu un échange très intéressant. Une rencontre comme un écho à l’ouvrage « Why will Women save the planet? »

11/11: Women Power sur la COP

Ou encore un écho à ce vendredi 11 novembre matin, où une belle énergie, féminine, a plané sur la COP. A l’invitation de la Maire de Paris, des actrices incontournables du climat se sont réunies pour lancer l’initiative « Femmes pour le climat », « #Women4Climate ». Ce sont ainsi deux championnes pour le Climat  la Ministre marconaine Hakima El Haité et Laurence Tubiana, la secrétaire exécutive de l’UNFCCC Patricia Espinosa et la présidente du Réseau des femmes élues locales d’Afrique Célestine Ketcha-Courtès étaient présentes pour témoigner de leur engagement. Sous l’égide du C40, cette initiative a pour objectif de favoriser le leadership des femmes sur les politiques climat, de mieux appréhender le lien entre le dérèglement climatique et les impacts sur la vie des femmes. Elles ont délivré un message très fort: les femmes ne sont pas des victimes du climat, mais des actrices incontournables du changement et de la transition écologique.  Voir la vidéo en ligne.

12/11: Des transports et de riches rencontres

Samedi 12 novembre était la journée consacrée aux transports. J’ai eu le plaisir de partager l’expérience parisienne en la matière. Paris se place aujourd’hui clairement comme l’une des villes les plus ambitieuses de la planète en matière de politique de lutte contre la pollution, de soutien au développement d’une nouvelle industrie de la mobilité durable et de réduction de l’empreinte écologique de la ville. Notre action notamment en faveur des mobilités douces et durables a été particulièrement saluée.

Cette journée a aussi été riche en réunions de travail avec des expert/es de différents horizons, pour préparer l’avenir et le futur Plan climat air énergie de Paris. J’ai ainsi rencontré le directeur de la recherche du C40 , l’incontournable Réseau Action Climat, la Championne du Climat Laurence Tubiana ou encore le passionnant Manuel Pulgar Vidal, ancien ministre de l’environnement du Pérou et artisan de la COP20 et nouveau directeur de WWF International. Nos échanges ont concerné tous les enjeux à venir : engagement citoyen, engagement d’une transition juste socialement, énergie… Ces discussions ont été passionnantes, redonnant une forte dose d’actions concrètes dans cet univers de la COP, qui semble par moment déconnecté de la réalité.

14/11: La mobilisation des villes

Ma participation à la COP s’est achevée sur une intervention au Sommet des élu/es locaux et régionaux organisé par la Ville de Marrakech. C’est Paris qui avait initié l’année dernière ce rendez-vous des représentant/es des collectivités locales engagées pour le Climat, les pouvoirs locaux représentant plus de 50% de la population mondiale, 70% des émissions de gaz à effet de serre. Anne Hidalgo et Michael Bloomberg avaient souhaité en 2015 donner toute la place qu’ils méritent aux acteurs locaux dans ce débat global sur le climat. Le sommet de Paris a été en ce sens fondateur. En 2016, Marrakech renouvelle l’exercice, rassemblant des acteurs du monde entier. L’occasion pour moi de rappeler l’action de la Mairie de Paris, du haut de ses 10 années d’action contre le dérèglement climatique et d’appeler à de nouvelles priorités budgétaires au niveau national et infra national, ainsi qu’à plus de décentralisation pour accélérer la transition écologique des territoires.

Et les Etats dans tout ça?

Ces quelques jours à Marrakech m’ont permis d’enchaîner les rencontres, partages d’expérience et réunions de travail, pour participer à faire entendre la voix des villes et nos besoins pour accélérer et réussir la transition nécessaire. Mais il ne faut pas oublier que les COP sont avant tout des rencontres entre les Etats et leurs négociateurs, qui, dans les salles discrètes et les couloirs, travaillent. Clairement, la COP 22 ne sera un momentum aussi fort que la précédente. C’est une COP technique : écriture du règlement de l’Accord de Paris, définition des mécanismes de financement ou autres processus d’évaluation. A cette heure, il est peu évident de dire ce qu’il ressortira de cette conférence. Certains sont optimistes, d’autres sceptiques, comme souvent ce sont dans les derniers jours que les choses s’éclairciront.

A l’issue de la COP22, 3e COP à laquelle je participe, une interrogation forte se pose : nous appelons de nos vœux la transition des modèles de ville et de société, ne devrions-nous pas en faire de même en engageant une nécessaire transition de la gouvernance et de la diplomatie climatique ? Oui la COP21 et l’accord de Paris sont des victoires importantes et qui nous tournent vers l’avenir. Mais, au vu de l’urgence environnementale et sociale, peut-on se contenter de poursuivre les COP de cette manière, dans une sphère qui semble par moment déconnectée des réalités quotidiennes ? Nul doute que comme souvent les villes feront entendre leur voix à ce sujet aussi dans les années à venir !

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