Abeilles, sentinelles de l’environnement

En 2006, Eric Quiquet répondait présent à l’appel de l’UNAF auprès des collectivités pour le projet « Abeille, sentinelle de l’environnement ». En juillet de la même année 3 ruches étaient installées sur les toits de l’opéra. A l’époque, cela faisait sourire, gentiment…

3 ans plus tard, alors que Cyrille Pradal présente l’action de la ville pour les abeilles en conseil municipal, les mines des élus et conseillers de quartier sont bien plus soucieuses et attentives, malgré les cinq heure de palabres qui viennent de passer. Cela vaudra même des applaudissements à l’élu Vert à l’issue de sa présentation : on mesure à quel point l’opération Abeille, sentinelle de l’environnement semble avoir porté ses fruits.

Pour autant rien n’est terminé, bien au contraire ! … et l’actualité particulièrement chargée de cette délégation d’apiculture urbaine portée par Cyrille Pradal, unique en France, comme aime à le souligner l’UNAF, mérite que l’on y revienne pleinement.

Pourquoi un tel projet ?

« Le miel on peut s’en passer, la pollinisation non » … Ainsi s’exprimait Henri Clément, président de l’UNAF à l’occasion de la récolte du miel de l’opéra le 29 septembre dernier. Cette récolte est un temps fort qui donne l’occasion à des élèves d’observer le travail de l’apiculteur et de goûter au miel. C’est aussi l’occasion d’inviter la presse et d’insister sur le rôle essentiel des abeilles, pour la biodiversité, pour l’alimentation.

Car il s’agit bien de faire connaître la situation de grave péril que connaissent notamment les abeilles. Il est établi que nous nous trouvons dans l’ère de la 6e extinction des espèces, et quelques chiffres nous disent bien en quoi la population des abeilles est décimée :

  • On observe aujourd’hui 30 % de pertes dans les colonies, et jusqu’à 80 % dans certains pays.
  • On estime que 14 milliards d’abeilles ont disparu en 10 ans en France.

Cette disparition affecte les apiculteurs, elle a aussi – ni plus ni moins – des conséquences sur le devenir de l’humanité. Car l’abeille ne produit pas que du miel, elle pollinise, c’est à dire qu’elle joue un rôle dans la reproduction des plantes en transportant d’une fleur à l’autre du pollen qui rend possible la fécondation.

Alors quand l’abeille n’est plus là, la production agricole décline. Aux Etats-Unis, indique Henri Clément, la production de concombre s’est effondrée de 50 %, en Californie celle de l’amande a chuté de 30 %. Aujourd’hui, les campagnes sont si pauvres que les horticulteurs doivent faire appel à des apiculteurs qui se déplacent avec leurs colonies pour permettre une bonne pollinisation des arbres fruitiers.

Lille, ville parmi les plus réactives

Cyrille Pradal a donc repris le flambeau avec le nouveau mandat en recevant la délégation d’apiculture urbaine. Il met en avant 3 grands axes :

  • Lille, terre d’accueil des abeilles
  • Lille, terre d’accueil des apiculteurs,
  • Lille, terre de pédagogie

La politique en faveur des abeilles se poursuit aussi avec la mise à disposition d’espaces à destination d’apiculteurs amateurs, via des conventions. Aujourd’hui 11 sites de la ville accueille des ruches pour 9 apiculteurs. On compte 52 ruches au total, dont 3 à l’opéra, 3 au jardin botanique, 6 à la ferme pédagogique. Des apiculteurs de l’UNAF, de la Ville ou amateurs en prennent soin.

Par ailleurs, d’autres actions favorisent le retour des abeilles, notamment via la politique des espaces verts, avec la suppression totale ou progressive des phytosanitaires et le choix de fleurs mellifères (1 espèce sur 2) dans les plantations. Les habitants sont aussi invités à semer des graines d’espèces mellifères, avec notamment la distribution de sachets ad hoc lors de certaines manifestations (distribution à la Fêtes des jardins par exemple).

Un nouveau rucher-école

Le constat a été vite fait du manque d’apiculteurs répondant à l’appel de la ville, qui en a tenu compte en décidant d’ouvrir un rucher-école municipal, de nouveau une première en France (les ruchers-école sont soit syndicaux, soit associatifs). Il a été inauguré joyeusement samedi 10 octobre à la ferme pédagogique Marcel Dhenin. A l’occasion, un cours public et ouvert à tous a eu lieu, qui a engendré un bel échange.

C’est le 4e rucher-école de la région et pour l’occasion des représentants des ruchers-école de Villeneuve d’Ascq et de Dunkerque étaient présents. Simon Gorny, un apiculteur de la ville, véritablement passionné, assurera les sessions de formation qui affichent déjà complets ! 25 élèves sont inscrits, 27 se trouvent sur liste d’attente. Les cours se déroulent d’octobre à septembre avec 6 sessions théoriques et 5 pratiques.

les ruches à  la ferme pédagogique Marcel Dhénin

Information, pédagogie, connaissance

La politique apicole suppose un troisième volet essentiel : la connaissance. La ville engage donc des actions auprès des écoles et du grand public. L’opération « A la découverte des abeilles lilloises » réalisée avec les acteurs du réseau Naturenville propose du 19 septembre au 30 octobre des sorties, expos, animations pour partir à la découverte des abeilles :

  • exposition « Cueilleurs de miel » – photographies d’Eric Tourniret
  • extraction de miel
  • observation de ruches
  • découverte de la diversité végétale et de la pollinisation

Cyrille Pradal s’est par ailleurs rendu au congrès mondial de l’apiculture qui se tenait à Montpellier début octobre. Cette manifestation a réuni 10.000 participants, 500 chercheurs, 200 exposants avec 100 pays représentés.

Surtout, un consensus a enfin émergé sur les causes multifactorielles de la disparition des abeilles, à savoir :

  • les pesticides,
  • la monoculture intensive,
  • les parasites (acariens, champignons) et le frelon asiatique,
  • les croisements génétiques qui affaiblissent l’espèce (brassage de reines),
  • les OGM (les abeilles « s’épuisant » sur des plantes stériles).

Pour autant si la prise de conscience dépasse maintenant largement le cercle des spécialistes, il n’en reste pas moins que des mesures fermes restent à prendre, en France notamment sur les pesticides (puisqu’on autorise encore le Cruiser dont on a pourtant reconnu la nocivité). De même il est déplorable de constater qu’aucune stratégie nationale n’est encore à l’œuvre pour contrer l’invasion du frelon asiatique.

On n’a donc pas fini de s’interroger en voyant les abeilles, vieilles de 60 millions d’années, dépérir … dans les grandes zones naturelles.

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