Tous à vélo ! Retour sur la journée de réflexion du Congrés de la Fubicy (Lille, 24 avril)
La Fubicy (fédérations des usagers de la bicyclette qui regroupe 156 associations) a tenu son 11e congrès annuel à Lille, du 24 au 26 avril, notamment avec le concours précieux de l’ADAV [Le congrès de la Fubicy a été organisé avec le concours de l’ADAV, Cht’i vélo, et le soutien de l’ADEME, le MEDDAD, la région Nord Pas de Calais, Lille Métropole et la ville de Lille.]], association du droit au vélo qu’on ne présente plus. Vinciane Faber, élue Verte en charge du vélo à Lille, a suivi l’affaire de prés !
La ville de Lille, tout comme LMCU et la région ont soutenu l’événement et cela s’est traduit dans notre ville par un certain nombre d’initiatives qui l’ont accompagné: marquage de vélo contre le vol, projection de films, expositions, conférences, atelier de réparation et de « remise en selle », balades à vélo… La journée de réflexion du vendredi a été un temps fort qui a permis de faire le point sur les politiques de mobilité cyclable, de confronter des expériences et de mieux connaître ce qui se produit ailleurs en faveur de la pratique du vélo.
Des élus Verts en première ligne pour défendre le vélo
Pour ouvrir sa journée du réflexion « le vélo au service de la ville », la Fubicy a invité le 24 avril trois élus des collectivités territoriales soutenant la tenue de son congrès annuel qui s’est déroulé du 24 au 26 avril au Nouveau Siècle, à Lille.
Le sait-elle ?… Est-ce un hasard ?… il s’agissait de trois élus Verts: Vinciane Faber, conseillère déléguée à Lille en charge du plan vélo et du code de la rue, Eric Quiquet vice-président à la communauté urbaine en charge des transports, et Emmanuel Cau vice-président du conseil régional en charge de l’environnement. Alors que ce type d’exercice peut vite se révéler convenu, tous trois ont inscrit leurs interventions dans une dimension nettement politique.
Vinciane Faber, a choisi l’humour, en imaginant une ville de Lille pleinement dévolue au vélo dans 30 ans. Elle a insisté sur les connexions entre choix de mobilité et santé publique, vie économique, urbanisme… Au delà du mode de déplacement, elle a envisagé le vélo comme un facteur propice au commerce de proximité, au bien-être, au savoir-vivre et à un espace public partagé par tous, concluant en forme de clin d’œil que la ville se devait aussi d’être au service du vélo.
Eric Quiquet a rappelé l’adoption, le 17 avril dernier, d’une délibération-cadre qui redéfinit la politique de mobilité de la communauté urbaine de Lille pour les 10 ans à venir. Il a mis l’accent sur la nécessité de promouvoir les modes doux et d’articuler les problématiques transports à celles de l’urbanisme, tout en soulignant la perspective très proche de la fin du pétrole bon marché. Ce fut aussi l’occasion d’annoncer la tenue d’Etats généraux de la mobilité métropolitains en septembre 2009.
Emmanuel Cau a introduit une nouvelle articulation, plus écologique, depuis l’effort naturel du cycliste jusqu’à l’impact environnemental des aménagements cyclables. Les pratiquants réguliers ont ainsi appris qu’ils dépensaient environ 68000 Kcal/an, soit l’équivalent de 12 kg de chocolat ! La promotion du vélo ne doit cependant pas conduire à un déploiement irréfléchi d’aménagements hors des villes, dans les espaces naturels, nous a-t-il rappelé: en effet les voies vertes apportent aussi des coupures et doivent donc être pensées en fonction des écosystèmes traversés…
Cette déclinaison « naturelle » était bienvenue, car elle insistait à la fois sur l’usage du vélo comme mode de vie, et sur les enjeux spécifiquement urbains qui présidaient à cette journée. Plus de 200 participants, représentants associatifs ou institutionnels, élus, ont fait émerger lors de la table-ronde du matin, deux questions récurrentes, l’une franchement positive pour les nordistes, l’autre insistant sur le chemin qui reste à parcourir pour tous !… à savoir: la relation exemplaire avec l’ADAV d’une part, le décalage flagrant de la part du vélo en France comparé à nos voisins européens au nord.
L’ADAV, partenaire à part entière des collectivités
Décidément, cela aura été dit haut et fort, le travail de concertation mené avec l’ADAV est une singularité lilloise. Les associations n’ont cessé de s’étonner : comment une telle aisance et une telle qualité d’échange est-elle possible ? A tel point qu’un participant a demandé s’il était possible d’obtenir copie des conventions signées par l’association avec la ville de Lille et la communauté urbaine. La réponse est oui, ces documents sont publics.
Au regard des subventions conséquentes attribuées à l’ADAV (50000 € de LMCU, 36000 € de la ville de Lille), une ancienne militante et désormais élue municipale, en région parisienne, s’est inquiétée des possibles connivences et moindres revendications. Là aussi, on s’est interrogé sur une clause dans les conventions qui garantissent l’indépendance de l’association. Autant de questions qui paraissaient quasiment saugrenues puisque personne n’a su répondre sur l’existence ou non d’une telle clause.
En fait, quiconque parcourt l’HeurOvélO, le journal trimestriel de l’association, verra comment sa fonction de poil-à -gratter résiste au temps: Eric Quiquet a même reconnu ouvrir le dit journal avec une certaine fébrilité. Benoît Cousin, président de l’ADAV a aussi insisté sur le nombre d’adhérents (plus de 1000 adhérents à ce jour) et sur l’obligation de rendre comte de l’activité du bureau auprès de ses adhérents, qui ne verraient pas d’un bon œil quelque forme de complaisance. Alors à quoi est due cette entente en bonne intelligence ?
Tentons ici un début de réponse(s)…
D’une part, l’association est reconnue depuis longtemps comme un interlocuteur essentiel qui a aussi valeur d’expertise. Qu’y-a-il d’absurde, énonce Eric Quiquet, à recourir à la connaissance du terrain et au savoir-faire de l’ADAV ? Vaudrait-il mieux s’adresser à un bureau d’études privé ? Clairement non ! Et cette expertise provient tout autant des orientations rigoureuses que s’est fixées l’association, en développant une équipe salariée, que d’une base militante trés organisée et investie. Ce double atout a renforcé les compétences que l’ADAV a su développer en terme d’aménagements et parcours cyclables, de sécurité routiére, de promotion et de communication auprés du public.
D’autre part, l’ADAV bénéficie sans doute d’une écoute plus attentive de la part d’élus qui expérimentent quotidiennement les joies et aléas des deux-roues. Rappelons ici que tous les élus Verts de Lille ne se déplacent qu’à pied, en vélo et en transports en commun, et sont même pour certains des cyclistes invétérés [Dans l’HeurOvélO de janvier 2009, l’ADAV se félicite par exemple de compter parmi ses adhérents, le Maire d’Haubourdin, cycliste averti. Ouf, les Verts ne sont pas -complétement – seuls.]]. Les terres nordistes abriteraient-elles davantage d’élus plus réceptifs au vélo ? Ceci explique peut-être cela …
Pourquoi y-a-t-il plus de cyclistes chez nos voisins belges, néerlandais, allemands, suisses ?
Nos élus étant pour une part à l’image de ceux qui les élisent, force est de constater en France que la défense du vélo n’est pas toujours un argument fédérateur (il suffit de lire le courrier des lecteurs de la presse quotidienne régionale): notre pays compte trop peu de cyclistes. La part modale du vélo dans les déplacements oscille entre 0,.. et 4 % ! Si celle de Lille a connu une nette progression (augmentation de 40 % depuis 1998, pour atteindre …2,3 % en 2006), elle est loin d’atteindre les parts à deux chiffres de nos voisins nordiques.
La proximité avec la Belgique et les Pays-Bas a été l’occasion pour la Fubicy de convier pour sa journée de réflexion des acteurs européens de la mobilité: Jan Van Embden d’ ENWB, association nationale néerlandaise d’usagers de la bicyclette, Michel Destrée, attaché au département mobilité de la région wallone, Nathalie Blancke conseillère mobilité à Mouscron).
Si les wallons sont confrontés à des problématiques similaires aux nôtres, la présentation d’une étude de la ENWB (comparant l’usage du vélo entre différentes villes des Pays-Bas) a en revanche permis de prendre la mesure de l’immense décalage avec la France. Des résultats considérés comme médiocres seraient ici inespérés … et inestimables ! Ainsi, Jan Van Embden regrette que la part du vélo dans les déplacements à Amsterdam soit tombé de 80 % avant-guerre à 30-40% aujourd’hui !
Mais les chiffres décrivant les parts modales sont insuffisants: l’association néerlandaise a établi une longue liste de critères pour évaluer le niveau de confort, la qualité de service, le type d’usage… Cela va de la mesure de la poussière, du bruit, de la vitesse jusqu’au nombre d’arrêts nécessaires, au taux de détour et à l’offre de stationnement. On a constaté à quel point les acteurs concernés (collectivités, associations, usagers, etc….) disposent de données précises. Pour une ville comme Utrecht (300 000 habitants) dont l’étude conclut que le niveau de confort est mauvais, on constate tout de même:
- 40 % de part modale du vélo pour les déplacements inférieurs à 7,5 km
- 40% des voyageurs qui prennent le train se rendent à la gare en vélo
- Pour répondre aux difficultés posées par les 9000 vélos postés dans l’espace public [1] (cycles mal garés, vandalisme) la ville a décidé d’ouvrir en avril 2009 un garage gratuit avec une capacité de 2500 places, gardé 24h/24h et 7j/7j ! (c’est une première aux Pays-Bas).
Alors que nos climats et nos reliefs sont si similaires, pourquoi une telle différence dans nos usages ? Les réponses sont historiques, sociales, politiques, économiques, in fine culturelles, comme le rappelle Frédéric Héran, chercheur à l’IFRESI:
- Il existe d’abord une tradition urbaine hollandaise très forte depuis le XVIIe siècle (à l’opposé d’une France de tradition rurale), qui implique une culture de la ville, de l’espace public.
- Plus prés de nous, les années 70 ont été « turbulentes », pour reprendre l’expression de Jan Van Embden : en Allemagne, aux Pays-Bas, les habitants se sont mobilisés trés fortement pour la modération du trafic, en résistance à la voiture, avec notamment une lutte obstinée pour laisser les enfants jouer dehors, dans la rue.
Signalisation à Gand
Par conséquent, ces pays bénéficient de réglementations plus favorables au partage de l’espace public:
- Les zones de rencontre existent depuis 30 ans aux Pays-Bas, alors qu’on commence à peine à y recourir en France.
- Des infrastructures conséquentes favorisent l’usage du vélo: aménagements, stationnement, facilité d’accès aux services de réparation.
- Des mesures fiscales renforcent les incitations, sous forme de réduction d’impôts.
A l’inverse en France, sous les auspices des Ponts & Chaussées, on a privilégié la logique de la vitesse: le fait de compter 3 grands constructeurs automobiles n’y est certainement pas pour rien, et la transformation du paysage urbain avec le développement massif des centres commerciaux en périphérie des villes à la fois découle et accentue le phénomène. Une participante n’a d’ailleurs pas manqué de signaler un détail parlant: depuis peu, il n’existe plus de CAP réparation de cycles en France. Hubert Peigné, coordinateur vélo pour le gouvernement, a voulu signaler 2 grandes difficultés internes: d’une part l’inertie des milieux de la santé, d’autre part l’insuffisance du stationnement vélo dans l’habitat collectif.
Si partout en Europe la pratique du vélo a nettement baissé avec l’expansion de la voiture, en France, elle s’est carrément effondrée, pour arriver à des parts modales de 2-3 % au mieux dans les villes. Relancer l’usage du vélo nous demande donc beaucoup plus d’efforts aujourd’hui en France, notamment pour changer la perception de la bicyclette, encore considérée comme ringarde pour aller au travail, et principalement reléguée aux enfants et aux loisirs. Autant de raisons qui justifie une délégation comme celle de Vinciane Faber qui entend insister durant tout son mandat sur le volet information et communication.
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Pour en savoir plus…
- Un [compte-rendu détaillé sur son blog de Nicolas Pressicaud, auteur de Le Vélo à la reconquête des villes. Bréviaire de vélorution tranquille (etc.)
- Qui a remporté le guidon d’or et le clou rouillé ?
[1] 6000 sont garés dans des garages payants