Stationnement: intervention de Marc Santré au conseil municipal du 23 mars 2009
Madame le Maire, Mesdames, Messieurs, chers collègues.
Quelques mots pour vous présenter les ajustements tarifaires en matiére de stationnement payant sur la voie publique qui vous sont proposés ce soir. Cette délibération a fait couler beaucoup d’encre avant même que d’exister. C’est pourquoi avant d’en venir plus précisément à son contenu je souhaite l’inscrire dans un analyse plus globale .
Pour ne pas être trop long ce soir, je ne reviendrai toutefois pas sur la triple crise qui frappe nos sociétés : écologique, économique et sociale. Mais bien entendu il nous faut en tenir compte dans les décisions prises pour aujourd’hui et pour demain.
La politique du stationnement à Lille doit d’abord s’apprécier en cohérence avec nos orientations stratégiques pour la ville et en premier lieu notre projet urbain : plus de logements diversifiés et de qualité, mixité fonctionnelle et espaces publics de qualité et conviviaux dans tous les quartiers. La mise en œuvre de ce projet se traduit par l’adoption régulière de délibérations, comme ce soir sur le futur aménagement des boulevards de la Lorraine et de la Moselle à Vauban-Esquermes, ou encore l’aménagement du site des Margueritois à Lille sud. Ces délibérations ayant été approuvées en commission d’urbanisme, je n’y reviens pas ce soir. En second lieu avec les objectifs de mobilité à l’échelle de la métropole, que nous proposera Eric QUIQUET 1er Vice-Président en charge des transports, et que nous définirons pour les 10 ans à venir lors du conseil de communauté du 17 avril prochain.
Mais, est-ce rassurant, les questions que pose l’occupation parfois abusive de l’espace public par l’automobile en stationnement ne sont pas nouvelles.
Le 22 octobre 1920, nos illustres prédécesseurs évoquaient déjà au sein de CE conseil la question du stationnement sur la Grand Place et de l’éventualité pour la ville de percevoir un droit d’occupation !
Dés 1922 le Code de la Route stipulait le principe général « d’interdiction de laisser sans nécessité un véhicule stationner sur la voie publique ».
J’invite d’ailleurs celles et ceux qui souhaitent ce soir ou ultérieurement contribuer positivement au débat à se reporter à la thèse que Madame Sylvie MATHON a soutenu en septembre dernier, portant sur le stationnement résidentiel sur l’espace public. Madame MATHON travaillant au CETE de Lille, le document est très documenté sur la situation de notre ville et de notre métropole. Cela aide à mieux comprendre de quoi l’on parle.
Toutefois, 90 ans plus tard la question reste d’actualité, avec une autre ampleur, et force est de constater que la voiture en stationnement a progressivement grignoté sur tous les autres usages des parts considérables d’espaces publics. Aujourd’hui, malgré des pratiques de déplacements plus vertueuses, le constat est sans appel. Le nombre de véhicules stationnés sur voirie est en constante augmentation, tandis qu’à contrario de l’accroissement de l’offre le stationnement hors voirie diminue, au détriment de la qualité de notre cadre de vie et du vivre ensemble.
Sans ouvrir ici le débat, ce constat souligne l’inadaptation des mesures inscrites à l’article 12 de nos Plans Locaux d’Urbanisme. Faut-il encore, dans une ville ou 40% des adultes appartiennent à un foyer non motorisé, lier le stationnement au logement plutôt qu’à la possession d’une voiture ?
Dans ce contexte, les propos démagogiques sur une prétendue « chasse à l’automobiliste » ne sont vraiment pas à la hauteur des enjeux. Renoncer, ne rien faire c’est toujours entériner la loi du plus fort. C’est acter d’un prétendu droit universel à stationner, au final ingérable, contre le simple droit pour les piétons à déambuler confortablement et en sécurité. Se satisfaire de la situation actuelle avec plus de 50% de véhicules en infraction au stationnement dans nos villes, c’est signer une véritable assignation à résidence pour toutes les personnes à mobilité réduite, malgré les efforts faits par les collectivités sur l’accessibilité. Est-ce cela que nous voulons ? A l’évidence non !
Nous devons donc veiller à la cohérence entre notre volontarisme en matiére d’aménagement de la ville, de développement du réseau de transport et le cadre défini en matiére de gestion et d’usages des espaces publics existants ou à venir.
C’est un choix politique, entre intérêt général et les petits égoïsmes du quotidien. Cela pose aussi la question du respect des règles établies, de la tolérance collective à l’infraction, de l’amélioration de la surveillance et au besoin de la sanction des contrevenants. Sur ce dernier point, nous évoluons dans un contexte réglementaire national totalement inadapté aux réalités du XXIème siècle que nos parlementaires devraient faire évoluer.
La tarification du stationnement doit donc viser à :
- pour la planète, encourager l’usage de toutes les alternatives à la voiture solo en ville,
- pour l’automobiliste, favoriser la rotation du stationnement sur voirie et donc la disponibilité en privilégiant le stationnement dans les parkings pour les moyennes et longues durées.
- pour les lillois, répondre aux besoins des résidents tout en les incitant à stationner autant que possible hors de la rue.
- pour tous, lutter contre l’occupation abusive des espaces publics en redonnant sécurité et confort aux cyclistes, piétons et en premier lieu aux personnes à mobilité réduite.
J’insiste sur ce dernier point, car dans une ville ou 70% des déplacements internes se font à pieds, les trottoirs doivent être sanctuarisés. Il nous faut entendre l’exaspération même silencieuse des piétons. Même si cela commence à changer, leurs légitimes revendications sont beaucoup moins médiatisées que le supposé acharnement contre les automobilistes. Cessons d’être caricaturaux. D’ailleurs utiliser à meilleur escient sa voiture c’est aussi bon pour le pouvoir d’achat de l’automobiliste.
Les mesures proposées ce soir vont dans ce sens, mais tiennent aussi compte des faibles capacités d’évolution de notre dispositif actuel.
Les 650 horodateurs de notre ville sont pour la plupart anciens, leur maintenance devient difficile à assurer et sera bientôt impossible. Nous devrons donc dans les prochaines années procéder à leur renouvellement.
Cette contrainte technique doit être transformée en opportunité pour affirmer les cohérences que j’évoquais au début de mon intervention avec l’urbanisme, les déplacements et le développement de notre ville en général.
Il nous faudra alors, collectivement, avec intelligence et sans tabous:
- revoir le périmètre du stationnement payant, notamment dans les zones d’attractivité des transports collectifs, et plus globalement dans les secteurs ou l’offre et la demande sont déséquilibrés et où il nous faut hiérarchiser les usages.
- revoir les horaires en adéquation avec la réalité de la vie économique et locale
- adapter les tarifications, le tarif horaire pouvant devenir progressif,
- et envisager l’introduction de nouveau modes de paiements (internet, téléphonie mobile…) plus souples, sans nuire à la lisibilité de tarifications adaptées aux différentes catégories d’usagers.
Pour l’information de notre Conseil la mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage sur le renouvellement des horodateurs, lancée dans le précédent mandat, se termine.
Je pourrai donc, Madame le Maire, vous faire des propositions sur tous ces sujets, puis ouvrir une large concertation avec les conseils de quartiers et les acteurs de notre ville avant de revenir vers notre Conseil.
En attendant j’en reviens aux quatre mesures soumises ce soir à votre approbation :
- En premier lieu il vous est proposé de porter le tarif horaire en zone orange de 1.70 à 1.90 euros. Cette augmentation couvre l’inflation depuis mars 2006, date de la dernière révision tarifaire. La zone orange correspondant au centre ville, pourvu de nombreux parkings, le nouveau tarif est cohérent avec notre volonté d’optimiser l’usage de ces derniers.
- En second lieu il vous est proposé de prolonger la période de paiement de 18h30 à 19h le soir, tenant mieux compte de l’heure de fermeture des commerces. Le stationnement payant est bien entendu un atout pour l’attractivité commerciale et non un frein.
- Troisièmement, nous ne renouvelons pas l’expérience menée depuis 2 ans de la gratuité au mois d’août. En effet, en l’absence de réglementation nous avons constaté davantage de stationnements abusifs, voire gênants, notamment dans la deuxiéme quinzaine du mois à l’approche de la braderie.
- enfin, la derniére mesure découle des trois précédentes. Les tarifs horaires en zone verte, les tarifs résidents pour les lillois, et ceux accordés à certains professionnels sont maintenus à leurs niveaux actuels, sans application de l’inflation.
En conclusion, cette nouvelle étape, modeste, tient compte du contexte économique et social sans remettre en cause une cohérence de plus long terme. Elle est assumée, et j’en suis convaincu comprise de la population qui aujourd’hui porte un autre regard sur la place de la voiture en ville.
J’en profite d’ailleurs pour attirer votre attention sur une autre délibération que je présente ce soir. Il s’agit d’une subvention à la société Lilas Autopartage, dont le succés ne se dément pas après 2 années d’existence. Les perspectives d’extensions, sur Lille et la métropole doivent permettre d’atteindre l’équilibre économique, comme initialement prévu.
Avec bientôt un millier d’utilisateurs, particuliers ou professionnels, aujourd’hui majoritairement lillois, c’est aussi une réponse que nous apportons à la question du stationnement en ville, chaque voiture autopartagée libérant une dizaine de places dans nos rues.
Je vous remercie de votre attention.
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Délibération N°09/191 : Stationnement payant sur voirie – Tarifs et périodes de paiement.