Enquête publique – MOX – Blayais – contribution d’EELV Poitou-Charentes

À l’attention de la Commission d’enquête

Messieurs les Commissaires enquêteurs
Le périmètre d’enquête publique relative à la demande d’EDF de modifier le décret d’autorisation de création des tranches 3 et 4 de la centrale nucléaire du Blayais, afin de permettre l’utilisation du combustible enrichi en oxyde de plutonium appelé MOX ne concerne que les communes situées dans un rayon de 10 km autour de cette centrale.

Néanmoins, cette enquête concerne directement de très nombreuses autres communes et surtout leurs habitants car en cas d’accident majeur de cette centrale, les conséquences pourraient s’avérer pour eux très dommageables. En effet, vous n’êtes pas sans savoir que les pollutions radioactives, comme le très célèbre nuage de Tchernobyl, ne s’arrêtent pas aux périmètres d’enquêtes publiques ou aux frontières administratives et peuvent contaminer de vastes territoires.

Aussi, nous tenons à participer à cette enquête publique afin de contribuer à une prise de conscience sur les dangers et les risques d’un tel projet pour les territoires du Nord Gironde et du Médoc et des secteurs limitrophes et même bien au delà.

La catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima en mars dernier est encore bien présente dans tous les esprits même si elle n’occupe plus le devant de la scène médiatique. Pourtant le drame que vivent plusieurs centaines de milliers de Japonais est loin d’être encore terminé. Et c’est avec du combustible MOX provenant de France que cette catastrophe est survenue.

En effet, la région de Fukushima est devenue une zone interdite pour des centaines d’années et a été évacuée de sa population. La pollution radioactive va même bien au-delà de cette région et la contamination radioactive est générale dans les secteurs géographiques limitrophes. Ainsi que sur l’économie du pays, sur la qualité de la pêche, car les eaux sont polluées (césium, plutonium, etc…), et de surcroit c’est une zone de faille, ou le développement du krill se fait, tous les poissons et mammifères marins des mers et océans voisins, se nourrissent de ce petit crustacé

La population et notamment les enfants doivent porter en permanence des dosimètres. C’est une catastrophe écologique mais aussi sociale et économique car les activités économiques et agricoles se sont écroulées. Les produits agricoles contaminés ne sont plus commercialisables. Et la situation dans la centrale n’est toujours pas stabilisée, les trois réacteurs pouvant à tout moment entrer en fusion et aggraver encore la situation. Deux actuellement sont entrés en fusion et commencent à passer à travers le socle de béton, la situation n’est pas stabilisée et risque de reproduire les mêmes dégâts que Tchernobyl,

Le Japon est l’un des pays les plus avancés technologiquement. Cette catastrophe a prouvé une fois de plus que la technologie la plus sophistiquée ne peut rien contre la dangerosité de l’industrie nucléaire. Les conséquences d’une grave catastrophe nucléaire dépassent largement la capacité des organisations humaines à y faire face. Tchernobyl et Fukushima en sont des preuves éclatantes.

Qu’adviendrait-il du Nord Gironde et du Médoc et de leurs habitants si une telle catastrophe se produisait à la centrale ? Refuser de se poser cette question est difficilement acceptable. Il ne s’agit pas de faire du catastrophisme primaire mais bel et bien de ne pas se voiler la face.

Le combustible MOX est un combustible nucléaire hautement toxique et dangereux fabriqué à partir du plutonium et de l’uranium appauvri. Le terme MOX est l’abréviation de : « Mélange d’OXydes ». Le combustible MOX contient du dioxyde d’uranium (UO2) et du dioxyde de plutonium (PuO2).
Le combustible MOX est fabriqué à partir du plutonium créé par capture neutronique de l’uranium 238 dans les réacteurs nucléaires et isolé lors du processus de traitement des combustibles irradiés. Ce plutonium est mélangé avec de l’uranium appauvri issu de l’étape d’enrichissement du combustible. Il est utilisé dans vingt deux des réacteurs du parc nucléaire français.

Le MOX est un million de fois plus radioactif que l’uranium de base. Radioactivité et température rendent sa manipulation plus complexe et sa présence dans le réacteur rend son contrôle plus délicat. En effet, le MOX qui est un mélange, a un point de fusion nettement plus bas que les autres combustibles dits classiques, en conséquence, dans une configuration accidentelle, le risque dit de criticité, c’est à dire le risque d’enclenchement d’une réaction nucléaire en chaîne incontrôlable est beaucoup plus important. C’est ce qui s’est passé dans les réacteurs de Fukushima.

La perte de contrôle des réacteurs a eu pour conséquence directe un rejet massif dans l’environnement et dans l’atmosphère de particules hautement radiotoxiques et la contamination radioactive des zones géographiques environnantes.

Par voies aériennes, on estime qu’une quantité infime d’oxyde de plutonium provoque le décès rapide d’une personne l’ayant inhalé en une seule fois.

Le MOX peut également contaminer des masses considérables d’eau de mer pour plus d’un siècle qui correspond au mieux, à sa demi-durée de vie et au pire, pour 240 siècles ! On pense alors aux conséquences pour l’estuaire de la Gironde…

Et que dire des transports des combustibles irradiés provenant des centrales nucléaires qui sont retraités à l’usine de la Hague, puis ensuite transférés vers l’usine Melox à Marcoule pour la fabrication du MOX et, finalement acheminés vers les centrales nucléaires pouvant utiliser ce MOX. Ces transports ne font que multiplier les risques d’accidents voire d’actes terroristes.

Le MOX, une fois utilisé n’est pas retraité et doit être stocké en l’état. Au final, toutes les opérations de fabrication et d’utilisation du MOX ne permettent de réduire que de 15% environ la quantité de plutonium produite initialement. Il n’y a donc aucun intérêt à fabriquer ce combustible

Les réacteurs de la centrale du Blayais ont ou vont dépasser les trente années de fonctionnement, qui était la durée initialement prévue. Les risques d’inondation de cette centrale sont toujours importants malgré le renforcement de la digue de protection. Tout cela devrait amener EDF à décider d’une fermeture programmée de la centrale à court terme et à son démantèlement.

EDF ne veut pas faire ce choix et entend prolonger la durée de vie de cette centrale pour dix ou vingt ans ce qui ne fait qu’augmenter sa dangerosité et de surcroît avec l’utilisation du MOX pour les réacteurs 3 et 4.

Pourtant le Nord Gironde et le Médoc auraient tout à gagner de la fermeture de la centrale et ce d’autant plus qu’elle connaît un fort taux de demandeurs d’emplois. Tout d’abord le démantèlement de cette centrale sera très long et génèrera beaucoup d’emplois, et en premier lieu les salariés d’EDF travaillant sur le site actuellement conserveront le leur.

La mise en œuvre d’une politique ambitieuse basée sur le triptyque : sobriété énergétique, efficacité énergétique et développement des énergies renouvelables est à même d’apporter une satisfaction optimale de nos besoins, tout en créant de très nombreux emplois de proximité non délocalisables, de tous niveaux de qualification et tout en préservant l’environnement.

Quant au coût financier d’une telle politique, il sera bien moindre que celui de la continuation de la filière nucléaire. Le coût de cette nouvelle politique ne sera pas une charge passive pour le contribuable mais un porteur d’investissements d’avenir, générateurs d’un mieux disant social et écologique.

Cette démarche baptisée « Négawatt » s’attache en particulier à la décentralisation et à la diversification des sources d’énergie au niveau des territoires. La dernière version du scénario du même nom a été présentée récemment. Nous vous invitons à le consulter sur le site www.negawatt.org. Vous pourrez constater par vous-même la pertinence et le sérieux d’un tel travail, tout particulièrement sur la sortie progressive du nucléaire.

A l’instar du polytechnicien et philosophe Jean-Pierre Dupuy, nous vous encourageons à vous tourner vers un « catastrophisme éclairé », une attitude qui peut se résumer ainsi :

  • Pourquoi n’agissons-nous pas même lorsque nous savons que la catastrophe surviendra un jour ou l’autre ?
  • Parce que nous ne croyons pas ce que nous savons. Ce n’est pas l’incertitude qui nous retient d’agir, c’est l’impossibilité de croire que le pire va arriver.

Minimiser la catastrophe ne fait que renforcer sa probabilité, tandis que croire à sa certitude contribue à l’éloigner, car cette prise de conscience provoque un réflexe de survie collectif salutaire.
Il ne s’agit donc pas d’entretenir une peur irrationnelle sur les dangers et les risques du nucléaire mais bien au contraire de faire le choix le plus rationnel qui soit afin d’éviter que la catastrophe ne survienne.

Aussi, nous ne doutons pas qu’à l’occasion de cette enquête publique, vous saurez manifester votre volonté de ne pas voir augmenter les dangers et les risques nucléaires dans notre région, en exprimant pour cela un avis défavorable à la demande présentée par EDF.

Nous vous prions de croire, Messieurs les commissaires enquêteurs, en l’expression de nos sincères salutations.

Groupe EELV de Royan
Gilbert Caroff Jean-Claude Quintalet

Remonter