Réponse d’Eva Joly au Réseau Action Climat
Mesdames, Messieurs,
J’ai pris connaissance avec un grand intérêt vos « sept mesures clés pour engager la France dans la transition énergétique ».
Tout d’abord, permettez-moi d’affirmer que nous partageons pleinement votre diagnostic relatif à la nécessaire transition énergétique. La crise climatique, la raréfaction des ressources fossiles, le danger nucléaire et les enjeux sociaux sont quatre raisons centrales qui motivent notre souhait de porter une transition énergétique qui repose sur la sobriété, l’efficacité et les énergies renouvelables. Comme vous le soulignez, je suis également convaincue de l’ensemble des co-bénéfices, en termes d’emplois, d’indépendance énergétique, de résilience.
Le programme que je porte fixe les objectifs généraux suivants :
– une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 30% en 2020 par rapport à 1990 et de 85% en 2050
– une sortie programmée du nucléaire au plus tard en 2031.
Pour cela, le scénario que nous avons développé repose sur les objectifs intermédiaires suivants :
– une réduction de la consommation énergétique finale de 15% en 2020 par rapport à 2009 et de 20% pour l’énergie primaire. Une réduction de 50% d’énergie finale en 2050.
– La production d’énergie renouvelable devrait couvrir au moins 35% de la consommation finale de chaleur en 2020 et 40% de la consommation finale électrique. Nous visons un système 100% renouvelables avant 2050.
Une loi d’orientation doit donner un cadre stable, clair et pérenne dans tous les secteurs, en totale opposition à ce qui a été fait par le présent gouvernement. Si elle est nécessaire, elle sera insuffisante : l’initiative territoriale sera cruciale pour l’atteinte de ces objectifs. Il faudra permettre aux collectivités territoriales, mais également aux particuliers et aux acteurs économiques, de développer partout des projets de développement de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables.
Vous trouverez en annexes à cette réponse le positionnement détaillé que je porte par rapport à vos sept propositions clés.
Comme vous le revendiquez, la transition énergétique correspond à une vision politique globale : il s’agit de déterminer le type de société que nous voulons pour notre avenir. Veuillez croire que je porte pleinement, au quotidien et chaque fois que je le peux dans le discours politique, cette vision d’une société durable et résiliente.
Je vous prie, Mesdames, Messieurs, de croire en mes salutations les plus engagées,
Eva Joly
Annexes
Réponse détaillée aux 7 propositions du RAC
Nous avons tenu à répondre dans le détail à votre document intitulé « 7 mesures clés pour engager la France dans la transition énergétique » : aux 7 mesures et sous mesures proposes, 7 réponses détaillées.
Comme vous le constaterez, nous vous rejoignons tant sur les constats que sur les moyens d’agir pour engager véritablement la transition énergétique en France.
Nous nous sommes permis d’indiquer quelques éléments complémentaires lorsque nous les considérions comme importants et absents de votre document. Aussi, nous avons pris bonne note de plusieurs des propositions que vous formulez et qui ne faisaient pas partie de notre programme.
1. Instaurer une « contribution climat énergie »
Europe Ecologie Les Verts affirme la nécessité de mettre en place une fiscalité écologique. Si une CCE est nécessaire, elle ne saurait être suffisante : elle doit s’inscrire dans le cadre d’une réglementation environnementale renforcée et d’une redistribution des richesses pour permettre aux plus vulnérables de réaliser la transition énergétique.
Nous proposons une contribution climat énergie (CCE) qui reposera sur une triple assiette :
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La première assiette est énergétique. Pour cela, une révision de la fiscalité énergétique existante sera nécessaire et suffisante. Il est en effet indispensable de supprimer toutes les exonérations dont bénéficient certains acteurs ou certains types de consommations. Par exemple, il faudra aligner en quelques années la fiscalité appliquée sur le gazole à celle sur l’essence, supprimer les exonérations pour le kérosène etc.
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La seconde assiette est celle des émissions de gaz à effet de serre. Cette nouvelle taxe s’appliquera sur toutes les émissions de gaz à effet de serre, dès lors que cela est techniquement faisable. Le taux devra suivre les valeurs hautes du rapport Quinet. Pour l’évaluation budgétaire, nous avons appliqué un taux de 36€/tonne éq. CO2 en 2013 puis une croissance annuelle de 6%1.
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La troisième assiette est celle des combustibles fissiles consommés, qui représentent également une externalité environnementale majeure. Sur le modèle des taxes envisagées en Allemagne et en Belgique, nous souhaitons une taxation de l’Uranium à hauteur de 145€ par gramme, avec une croissance de 5% par an.
Nous estimons que l’ensemble de ces nouvelles mesures ont un potentiel fiscal annuel d’environ 25 à 30 milliards d’euros. Ce potentiel sera globalement constant au moins jusqu’en 2040 car les taux croissants compenseront la réduction des assiettes. Notez qu’il s’agit ici seulement de la fiscalité « climat énergie », qui sera évidemment complétée par une fiscalité environnementale qui permettra l’intégration des autres externalités (relatives à la biodiversité notamment).
Les 15,5 milliards de la fiscalité écologique seront intégralement recyclés dans l’économie au travers le financement des investissements verts dans le cadre du Fonds de conversion écologique, de chèques verts pour aider les ménages les moins aisés et éviter tout impact anti-redistributif de la fiscalité écologique, et de chèques verts entreprises pour aider au financement des investissements nécessaires à la conversion écologique.
Par exemple, nous portons un programme ambitieux de lutte contre la précarité énergétique. Le sujet est complexe puisque la précarité énergétique est souvent une précarité parmi d’autres ; l’enjeu concerne donc aussi la politique à avoir vis-à-vis du prix de l’énergie, de l’encadrement des loyers, de l’accompagnement des populations sensibles et plus généralement de la répartition des richesses. Nous considérons qu’il serait nécessaire de dédier entre 1,4 et 2 milliards d’euros annuellement (contre environ 200 à 300 millions d’euros aujourd’hui). Ces financements permettront d’une part une réduction du « reste à charge » pour les ménages et d’autre part le déploiement d’un accompagnement social et technique d’ampleur. Les subventions seront attribuées sous conditions de ressources, en complément des autres dispositifs, de telle sorte qu’elles couvrent à elles seules jusqu’à 60% des besoins d’investissements de rénovation des ménages en précarité énergétique du premier décile. Les 40% restants seront couverts par les dispositifs de droit commun de type crédit d’impôts, prêts à taux zéro, certificats d’économie d’énergie et par l’intervention de Sociétés de Tiers Financements. D’autre part, le renforcement des moyens humains dédiés au repérage et à l’accompagnement de ces ménages nous paraît essentiel.
Parallèlement à la fiscalité environnementale redistribuée, nous plaidons pour l’instauration d’une tarification progressive du gaz, de l’électricité et de l’eau afin de garantir à tous un accès facile pour les consommations les plus essentielles tout en décourageant les consommations superflues. La mise en place de la tarification progressive devra se faire conjointement avec le déploiement du programme de lutte contre la précarité énergétique, afin que les ménages en précarité ne soient pas impactés négativement. La tarification progressive complète la fiscalité environnementale.
Enfin, cette fiscalité environnementale doit s’inscrire dans un contexte réglementaire renforcé : interdiction des pratiques de surconsommation et des usages inutiles et énergivores (panneaux publicitaires électriques, véhicules publicitaires…) et du chauffage électrique direct dans le neuf et sa substitution dans l’ancien, réforme et renforcement du bonus-malus et des Certificats d’Economie d’Energie, accélération de l’application des normes (type IE4 pour les moteurs d’industrie)…
2. Adopter une loi de sortie progressive et complète du nucléaire
Nous partageons pleinement l’analyse selon laquelle le nucléaire n’est d’aucun secours face à la crise climatique et à la raréfaction des ressources, mais qu’il constitue en revanche une technologieà la fois dangereuse et couteuse.
Nous affirmons la nécessité de sortir du nucléaire de manière programmée, afin d’éviter une catastrophe telle que celle de Fukushima et la sortie précipitée en conséquence.
Notre scénario énergétique prévoit la mise à l’arrêt définitif de la dernière centrale en 2031, avec un rythme de réduction de la puissance nucléaire d’environ 4500 MW par an entre 2013 et 2020 puis de 2200 MW entre 2021 et 2031.
Le choix de l’ordre des réacteurs concernés par la mise à l’arrêt définitif devra faire l’objet d’un travail d’expertise et de concertation approfondi. En effet, les critères à retenir seront multiples : risques spécifiques aux différents sites, situation des populations, âge et technologie des réacteurs, structure du réseau électrique etc.
Les projets d’EPR seront arrêtés, y compris celui de Flamanville. S’il démarre un jour, ce réacteur produira une électricité dont le prix sera supérieur à 90€/MWh (avec une hypothèse de fonctionnement sur 60 ans, pas d’intégration de nombreux coûts etc.), soit un coût supérieur à de nombreuses énergies renouvelables. Mais surtout, il est très incertain que ce réacteur démarrera un jour : en effet, l’ASN doit donner son autorisation d’exploitation à l’issue de travaux. Or l’ASN a signé, avec les autorités finlandaise et britannique, une lettre mettant en cause la conception du système contrôle, qui n’a pas reçu de réponse à ce jour. Le risque est donc réel que les dépenses que nous continuons de faire pour ce projet qui dérape (délais, coûts…) le soient à pure perte. EELV revendique la nécessité de stopper ce chantier.
EELV estime indispensable que la transition énergétique fasse l’objet d’une vision globale retranscrite au sein d’une loi d’orientation. En effet, le système électrique est une seulement une composante du système énergétique (24% de l’énergie finale consommée), mais elle est indissociable des autres composantes. Un scénario global et cohérent est donc indispensable.
Concernant la recherche, entre 1982 et 2002, la France a consacré plus de 90% de son budget de recherche public relative à l’énergie au nucléaire2. Les renouvelables et l’efficacité énergétique ont reçu moins de 5%. Cette répartition est totalement disproportionnée puisque le nucléaire ne représente que 17% de l’énergie consommée en France. Nous souhaitons donc que l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables disposent dans les années à venir, au minimum, des mêmes budgets que le nucléaire en a eu historiquement, soit 38 milliards d’euros de crédits publics (d’après le récent rapport de la cour des comptes).
La France dispose d’un savoir-faire nucléaire indiscutable. Il doit être conservé, mais réorienté. La filière nucléaire française doit se concentrer désormais sur le démantèlement et la gestion des déchets. Ce sont deux marchés mondiaux dont l’existence est certaine, contrairement à l’exportation de réacteurs à l’étranger. Cette reconversion permettra de pérenniser les emplois de la filière, aujourd’hui menacés chez AREVA (alors même qu’il n’a pas été décidé d’appliquer le programme d’EELV…).
Le MOX, combustible particulièrement dangereux, sera abandonné. Cela permettra notamment à AREVA d’assainir ses comptes, puisque cette activité est de longue date déficitaire.
Enfin, le stockage en subsurface sera développé, au détriment du stockage en grande profondeur.
La sortie du nucléaire est nécessaire pour assainir notre système énergétique et notre démocratie. C’est également indispensable pour permettre l’essor de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, jusqu’à présent phagocytées par le nucléaire.
3. Mettre les collectivités au cœur de la transition énergétique
Nous sommes convaincus que la transition énergétique passera indéniablement par un nouvel acte de la décentralisation, afin de permettre le foisonnement des initiatives dans les territoires.
Les collectivités devront être dotées de la compétence « climat énergie », probablement à l’échelle des EPCI (communautés urbaines, de communes, d’agglomération, et métropoles). Votre proposition relative à la formalisation des « bassins de vie » va en ce sens, mais elle mériterait probablement d’être envisagée dans un cadre plus général d’une réforme des collectivités territoriales, au-delà de la question climat-énergie.
Nous prévoyons qu’une partie des recettes issues de la mise aux enchères des quotas du système SCEQE3 sera systématiquement affectée à une dotation de fonctionnement climat-énergie pour les collectivités, de telle sorte qu’elles soient en mesure de se doter des moyens humains nécessaires.
Les Régions seront effectivement dotées de compétences et de moyens accrus pour permettre d’en faire des acteurs centraux de la transition énergétique. Outre la prise en charge pleine et entière des Schéma Régionaux Climat Air Energie –qui doivent être renforcés et dotés de moyens-, elles pourront contractualiser avec les agences régionales de l’ADEME afin de déployer des programmes en commun.
Aux communautés urbaines et d’agglomération sera attribuée la compétence d’autorité concédante des réseaux de distribution (gaz, électricité, chaleur). Les entreprises de transport et distribution d’énergie (Réseau de transport d’électricité (RTE), GRT, Électricité Réseau Distribution France (ERDF), Gaz Réseau Distribution France (GRDF)…) doivent devenir indépendantes des entreprises de production d’énergie (Électricité de France (EDF), Gaz de France (GDF) Suez, Total…) et leurs capitaux être entièrement publics. En ce qui concerne la distribution d’électricité, la réglementation assurera la transparence et l’équité des négociations de concession des activités de distribution des énergies de réseau par les autorités concédantes.
La mise en place de tableaux de bord climat-énergie mériterait effectivement d’être envisagée ; cependant, cela se met en place indirectement au travers de l’obligation de mise en place de Plan Climat pour les acteurs obligés (collectivités, entreprises) ou pour les volontaires et au travers des SRCAE. Pareillement, la mise en place d’un « observatoire régional de la transition énergétique » pourrait se faire sur la base des observatoires régionaux de l’énergie et des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, qui se sont développés ces dernières années.
Pour EELV, la démocratisation de la transition énergétique passe également par le droit à la participation économiquede tout un chacun. EELV propose la création d’un « droit à l’investissement citoyen ». Pour cela, les projets de production d’énergie renouvelable devront ouvrir obligatoirement une partie de leur capital à des investisseurs locaux (particuliers, TPE-PME, agriculteurs), comme cela existe à l’étranger. Si les porteurs de projets ne réunissent pas le capital localement, ils pourront alors utiliser du capital disponible au travers du Livret Vert, que nous portons par ailleurs. Ce livret, accessible aux particuliers à la manière du Livret A, orientera la totalité des capitaux vers des projets d’énergie renouvelables et d’efficacité énergétique (il sera donc très différent de l’actuel Livret Développement Durable). Le Livret Vert sera la garantie que tous, y compris les citadins n’ayant pas la possibilité d’investir dans un toit solaire ou dans un parc éolien, pourront participer aux investissements dans la transition énergétique. Par ailleurs, le contexte réglementaire et de régulation devra évoluer de telle sorte que des initiatives de type coopérative ou fonds d’investissements citoyens (tel qu’Energie Partagée) seront largement facilités.
4. Instaurer une obligation de rénovation thermique des bâtiments existants
Les objectifs de réduction d’EELV ne peuvent être atteints sans que le secteur des bâtiments soit largement mobilisé. Un grand plan de rénovation doit être mis en place : pour cela, une obligation de rénovation doit exister, mais ce ne saurait être suffisant.
Nous défendons donc un plan de rénovation qui permettra à partir de 2020 de rénover au niveau BBC près d’un million de logements (925 000) chaque année et 27 millions de m² du secteur tertiaire. Il s’agit aujourd’hui de continuer d’organiser la montée en puissance sur une période de sept ans (2013-2020), avec un point de passage en 2017 situé à 500 000 logements rénovés BBC par an, en visant en priorité le parc le plus déperditif (1948-1974). En respectant ce rythme, l’ensemble du parc bâti existant pourra être rénové d’ici 2050. Nos projections montrent qu’un tel effort, accompagné d’un plan de réduction des consommations d’électricité spécifique, permettra une réduction de l’énergie finale consommée du secteur de 55% en 2050 par rapport à 2008.
EELV porte la proposition d’instaurer une obligation de rénovation, au plus tard à partir de 2020, lors de toute transaction. Cette obligation sera modulée par un système de « provisionnement ». En effet, si l’acquéreur ne souhaite pas ou ne peut pas réaliser les travaux immédiatement (par exemple parce qu’il s’agit d’un appartement au sein d’un immeuble collectif), une somme correspondant à la valeur des travaux sera provisionnée sur un compte au moment de la transaction. Ce compte ne pourra être débloqué que pour la réalisation des travaux et il sera attaché à la propriété. Les capitaux immobilisés seront utilisés pour débloquer des Eco Prêts à Taux zéro.
Pour le secteur résidentiel nous prévoyons que cette obligation entrera en vigueur en 2020 au plus tard. Etant annoncée longtemps à l’avance, le marché de l’immobilier peut se préparer, et donc d’intégrer progressivement la valeur « verte ».
Concernant le secteur tertiaire privé, l’obligation de rénovation sera immédiate et par application de la loi Grenelle 2 (avec des modalités qui garantiront l’effectivité de l’obligation et la qualité des rénovations entreprises), sans distinction du type de bâtiment.
Notre plan de rénovation prévoit l’exemplarité du secteur tertiaire public, avec une rénovation de niveau BBC de tout le parc d’ici 2030. Pour cela, nous devrons mobiliser des financements budgétaires publics directs, mais également de nouveaux mécanismes de type Sociétés de Tiers Financement (cf. ci-dessous).
Nous comptons réformer et renforcer le système des Certificats d’Economie d’Energie (CEE). Nous considérons que les objectifs assignés aux « obligés » doivent être multipliés par trois, qu’ils devront être en partie portés sur la clientèle des obligés et une autre partie sur les ménages en situation de précarité énergétique. Les CEE doivent également être réformés dans leurs critères techniques (critères d’attribution, suppression de l’actualisation des kWh etc.).
Concernant le secteur des logements sociaux, il devra continuer de bénéficier de mesures spécifiques, tels que les éco prêts à taux bonifié proposés par la Caisse des Dépôts et Consignations, qu’il faudra allonger et renforcer dans ses critères techniques d’attribution (niveau BBC minimum), ainsi que des subventions directes et indirectes par l’Etat et les collectivités territoriales.
Nous prévoyons également le maintien et la réforme des outils de type « incitatifs » pour le logement privé. Les dispositifs du type Crédits d’Impôt et Eco Prêt à Taux Zéro (Eco PTZ) seront maintenus mais leurs conditions d’obtention seront relevées afin qu’ils n’accompagnent que des travaux BBC ou BBC compatibles. L’Eco PTZ pourra devenir un prêt collectif à l’échelle de la copropriété. Les procédures de distribution de l’Eco PTZ devront être revues afin de favoriser son déploiement. En intégrant ces réformes, nous avons évalué les besoins en termes de dépenses budgétaires publiques (CIDD et Eco PTZ) de l’ordre de 3,2 milliards d’euros annuellement entre 2013 et 2020, puis une diminution régulière à partir de 2020 pour atteindre 1 milliard annuellement en 2030 avec une focalisation sur les ménages qui en ont le plus besoin.
Nous souhaitons également généraliser l’emploi d’un outil financier innovant et particulièrement adapté pour des rénovations énergétiques globales et de haute qualité : les Sociétés de Tiers Financement (STF). Elles permettent à la fois d’apporter une ingénierie technique et une ingénierie financière. Elles sont un moyen de lever de nombreuses barrières notamment dans le logement collectif puisque le financement est apporté, ce qui permet de faciliter le passage à l’action des copropriétés qui sont actuellement confrontées à des problèmes sociologiques (multiplicité des situations financières des propriétaires notamment). Enfin, grâce à un effet levier important, les STF sont un outil particulièrement intéressant en termes de politique publique. Nous estimons que les pouvoirs publics (Etat et collectivités) devront engager environ 10 milliards d’euros répartis entre 2013 et 2030 pour constituer le capital de ces sociétés (soulignons qu’il s’agit d’une constitution de capital et non de subventions). Un autre outil innovant essentiel à développer sera les fonds de garantie. En effet, actuellement le risque est trop mal connu par les acteurs du financement pour qu’ils s’engagent sur des garanties à des prix raisonnables. En développant des fonds de garantie publics, il sera possible d’abaisser le coût de l’endettement. Les risques à couvrir seront à la fois la performance technique, voire les économies d’énergie, et le risque de défaillance d’entreprises du bâtiment alors que des garanties de performance énergétique sont en cours. Pour cela, je prévois de consacrer 200 millions d’euros de dotation initiale en 2013, puis 3 milliards d’euros répartis entre 2014 et 2030 (soulignons que, là encore, il s’agit de capitaux publics immobilisés, qui ne correspondent pas à des subventions et qui seront récupérés dans leur grande majorité).
L’ensemble des dispositifs que nous proposons requière des dépenses budgétaires publiques conséquentes, que nous avons pris le soin de chiffrer, comme vous le constatez. Les sommes qui doivent être consacrées au secteur du bâtiment pour la rénovation passeront d’environ 2 milliards d’euros actuellement chaque année à 10 milliards en 2020 (incluant la rénovation du secteur tertiaire public). Elles resteront globalement stables entre 2020 et 2030, puis diminueront régulièrement pour retrouver un niveau de 1,5 milliards en 2050.
L’ensemble des dispositifs requière des dépenses budgétaires publiques conséquentes, que nous avons pris le soin de chiffrer techniquement et budgétairement, comme vous le constatez. Les sommes qui doivent être consacrées au secteur du bâtiment pour la rénovation passeront d’environ 2 milliards d’euros actuellement chaque année à 10 milliards annuellement en 2020 (incluant la rénovation du secteur tertiaire public). Elles resteront globalement stables entre 2020 et 2030, puis diminueront régulièrement pour retrouver un niveau de 1,5 milliards en 2050. Ce financement sera assuré à la fois par la fiscalité climat énergie (25 à 30 milliards d’ici 2020), par les recettes générées par la création d’activité (TVA, réduction du chômage)4, et par la réduction des factures d’énergie du tertiaire public.
5. S’engager sur un schéma d’infrastructures de transport sobre en carbone et en énergie
Afin d’atteindre le facteur 4 et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, le secteur des transports est un secteur clé. Si les infrastructures doivent être planifiées et pensées en ce sens, d’autres moyens devront également être déployés.
Dans notre scénario de transition énergétique, nous visons pour 2020 une réduction des GES de 17% par rapport à 2009, soit un retour au niveau de 1990. A l’horizon 2050, il s’agit d’atteindre 86% de réductions par rapport à 1990. Il faut pour cela travailler tant sur les modes de déplacements que sur les besoins.
Nous portons depuis toujours l’objectif de rationaliser la politique transport, notamment par l’abandon des projets autoroutiers et aéroportunaires. Par exemple, comme vous le savez, nous nous mobilisons activement contre le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes. Pour nous, la remise à plat du Schéma National des Infrastructures de Transports est une évidence. L’AFITF doit effectivement être dotée de moyens suffisants et la Redevance Poids Lourds doit être revue à la hausse. Dans notre chiffrage budgétaire, nous prévoyons de consacrer 4 milliards d’euros chaque année à la mutation écologique du secteur des transports.
Cette opposition est à mettre face à une volonté de développer les alternatives. Nous sommes en particulier opposés à une politique du « tout TGV » qui se fait au détriment des lignes ferroviaires locales, notamment sur la base du réseau Intercité. Nous devons effectivement améliorer la qualité et l’usage des infrastructures existantes. Outre le réseau ferroviaire, nous estimons nécessaire de développer de nouveaux types de transports en commun sur la base d’infrastructures existantes : des cars et bus à haut niveau de service, taxis collectifs, autopartage et covoiturage etc.
Le fret français doit effectivement être sauvé. Il est incroyable de constater qu’il s’agit d’une activité économique profitable chez nos voisins européens, mais pas en France. Le Plan Fret de la SNCF ne porte pas suffisamment une perspective de développement : l’activité wagon isolé doit être protégée, améliorée et fiabilisée et le réseau renforcé.
L’intermodalité est une solution nécessaire à développer afin de faciliter les déplacements en minimisant l’impact : elle doit être systématisée. Un moyen sera de revoir le Plan Vélo de le doter de moyens adaptés.
Nous portons la mise en place d’une fiscalité environnementale effective et d’ampleur. Nous prévoyons en particulier la mise en place d’une Contribution Climat Energie (CCE), avec une triple assiette : énergie, gaz à effet de serre, uranium (cf. point 1). L’assiette énergie permettra de supprimer les distorsions entre secteurs ou types de consommation. Au-delà de la fiscalité énergie, les transports devront payer progressivement leur véritable coût global : assurance (sécurité, congestion…), infrastructures (l’entretien des routes est évalué à 42 milliards d’euros annuellement tandis que les recettes la TIPP ne couvrent que 28 milliards…), impacts sanitaires (pollutions locales dont l’impact sanitaire est chiffré à 30 milliards d’euros…), pollution sonore (59% des nuisances sonores en France) etc.
Au-delà de vos propositions, nous souhaitons également qu’un travail important soit fait en matière R&D afin de permettre l’émergence de nouveaux véhicules individuels, sobres et efficaces, avec de nouvelles motorisations (biogaz, électricité sous conditions etc.). Nous prévoyons d’autres mesures telles que le renforcement du bonus-malus, la réduction des vitesses maximales autorisées sur routes et autoroutes…
Enfin, il nous faut travailler sur la réduction des besoins de mobilité. Le déplacement moyen en France est de 8 km et 71% des déplacements de personnes sont des déplacements locaux. En conséquence, nous devons agir sur ces déplacements du quotidien, grâce à l’aménagement du territoire (cf. infra), mais également par de nouvelles organisations sociales (bureaux partagés, télétravail etc.).
6. Développer un modèle agricole moins émetteur en GES
L’effort de réduction des émissions de GES ne pourra pas se faire sans le concours de l’agriculture. C’est également une opportunité pour se secteur d’activité qui doit jouer un rôle central dans notre société, par son rôle dans le stockage du carbone et par la production d’énergie renouvelable.
Dans le cadre de la révision de la PAC en 2013 -mais aussi dans le cadre des politiques nationales-, EELV souhaite la réorientation des aides pour favoriser les pratiques agroécologiques (dont l’agroforesterie fait partie) et un accompagnement à la conversion vers et au maintien de l’agriculture biologique plus incitatifs que les aides actuelles. Les aides devront être équitablement réparties et elles devront corriger les différences de soutien entre les zones les plus fertiles et les régions où la pratique agricole est plus difficile. L’objectif que porte EELV est une conversion d’au moins 20 % de la surface agricole utile à l’agriculture biologique d’ici la fin du quinquennat. La PAC doit revêtir des critères environnementaux d’attribution des aides plus forts (type rotation des cultures, zones de compensation écologique). Nous insistons sur le fait qu’au niveau français nos marges de manœuvre seront utilisées pour accompagner la transition écologique de toute l’agriculture en soutenant l’AB (crédit d’impôt, recherche agronomique réorientée sur l’agroécologie, enseignement agricole…), en favorisant l’installation des agriculteurs notamment ceux porteurs de projets durables au lieu de favoriser l’agrandissement et la diminution du nombre de fermes, en ouvrant la gouvernance des instances agricoles et para-agricole (y compris la SAFER) à l’ensemble des syndicats agricoles mais aussi aux représentants des consommateurs, de l’environnement, et aux élus locaux, en taxant fortement les pesticides et les nitrates et en utilisant l’argent de cette taxe pour aider les agriculteurs conventionnels à aller vers des changements de système…
Dans notre projet figure l’idée que la France porte au sein de l’OMC le droit inaliénable des peuples à produire leur propre alimentation, par une protection efficace contre le « dumping » à l’export de nombreux pays industrialisés et émergents, et contre la privatisation des semences. Nous devons promouvoir une régulation internationale permettant de protéger les agriculteurs et les consommateurs de la spéculation et de la volatilité des prix.
Nous souhaitons comme vous l’exposez inciter à une diminution de l’utilisation des engrais chimiques azotés, entre autres par une taxe sur les nitrates mais aussi en insérant des légumineuses dans les rotations, en incitant à l’usage d’engrais organique, en soutenant la polyculture élevage, en faisant évoluer la sélection variétale vers plus de sélection participative locale. Dans le cadre de la transition globale de l’agriculture que nous prônons, toutes les pratiques mises en place concourront à rendre cette diminution, ainsi que celle des pesticides, tout à fait réaliste. Quant au soutien aux cultures de légumineuses, nous conditionnons, comme vous le proposez, l’obtention d’aides directes communautaires à leur insertion dans les rotations ; mais nous allons même plus loin en projetant d’atteindre une autonomie en protéines végétales d’ici 2020.
Comme le propose le RAC, EELV insiste sur le fait que la sobriété doit s’appliquer à tous les domaines et entre autre celui de la consommation alimentaire et de l’agriculture. En effet, nous sommes bien conscients que pour nourrir la planète, il conviendrait de questionner nos habitudes de consommation et de diminuer la part des produits d’origine animale au profit des protéines végétales. Remarquons que cet objectif est en adéquation avec les recommandations nutritionnistes pour réduire les risques de maladies chroniques qui se développent du fait de notre régime alimentaire déséquilibré. C’est pourquoi en restauration collective, nous proposerons qu’il y ait systématiquement « en second choix » un menu végétarien équilibré, pour éduquer les enfants à la diminution de la consommation de produits carnés en garantissant l’équilibre alimentaire. L’objectif est surtout une diminution de l’élevage concentrationnaire industriel au profit d’un élevage à l’herbe, extensif. Ceci, bien sûr, contribuera à la nécessaire et salutaire diminution de nos importations de protéines pour l’alimentation animale. Enfin, la sobriété, c’est aussi lutter contre le gaspillage, qui atteint 40% de la production entre le champ et l’assiette, dans les pays occidentaux.
Une réduction des trois principaux gaz à effet de serre émis par le secteur agricole (CO2, NO2, CH4) s’effectuera également de façon directe à travers la promotion des énergies renouvelables dans l’agriculture. En effet les bioénergies et l’utilisation des biomatériaux doivent être soutenues, mais uniquement dans le cadre de la maitrise de la demande (à nouveau, sobriété et efficacité énergétique), et en prenant soin d’éviter les concurrences d’usage du sol : la production alimentaire prime toujours, et la lutte contre l’artificialisation des terres est primordiale. Dans ce cadre, et dans ce cadre uniquement, EELV soutiendra, par exemple, la production de matériaux produits à partir de chanvre, de pailles, la chimie bio-sourcée, et les énergies renouvelables, mais pas uniquement la méthanisation. Il faudra veiller à un retour suffisant des résidus de récolte aux sols, pour la restauration et le maintien de la matière organique dans le sol.
Il existe en effet des options de réduction des émissions dans l’agriculture dont le potentiel n’est pas exploité faute de volontarisme politique. Ainsi les émissions de méthane liées à l’éructation des animaux d’élevage peuvent être réduites par une modulation de leur alimentation, sans pour autant affecter le niveau de production et le bien-être des animaux. Par exemple, un apport d’huile de lin dans les rations alimentaire peut engendrer une diminution de 10% à 30% des niveaux d’émissions des élevages. D’autre part, une meilleure gestion des déjections animales permet de réduire les émissions. La méthanisation peut ici jouer un rôle important.
L’ensemble de ces mesures pourra être favorisé au travers des différents mécanismes incitatifs (aides de la PAC et fiscalité) décrits ci-dessus. Il faudra par ailleurs mettre en place un diagnostic large des exploitations agricoles sur leur consommation énergétique et sur leurs émissions de GES. A cet égard, il faut rappeler que seules 3% des exploitations françaises ont été jusqu’à diagnostiquées sur leurs performances énergétiques un résultat bien en deçà des objectifs de l’article 31 de la loi Grenelle 1 qui prévoyait que 30% d’entre elles reposent sur une faible dépendance énergétique d’ici 2013.
Enfin EELV, souhaite promouvoir à l’échelle européenne et française une véritable politique climatique sur la gestion et l’utilisation des terres agricoles. L’enjeu est ici de préserver le stock existant de carbone dans les prairies agricoles et de limiter le retournement des prairies en cultures céréalières. Le secteur de l’utilisation de terres agricoles et forestières est actuellement le seul à rester en dehors des objectifs de Kyoto en matière de réduction des émissions : « l’usage et le changement d’usage des sols », selon l’expression consacrée, est un enjeu crucial qui devra être engagé et résolu à l’échelle européenne et dans les négociations internationales. Il s’agit ici dans un premier temps d’établir un ensemble de règles communes en matière de comptabilisation entre pays européens puis, dans un deuxième temps d’assigner à ce secteur des objectifs propres de réductions d’émissions.
7. Planifier la lutte contre l’étalement urbain à l’échelle du bassin de vie
Afin de préserver la capacité agricole et les milieux naturels, ainsi que pour réduire les besoins en transports, il est essentiel d’enclencher un mouvement de densification des zones urbanisées et d’aboutir à l’arrêt de l’étalement urbain.
Notre projet favorise un urbanisme économe en ressources foncières et en énergies, qui s’appuie sur la tradition de la ville européenne plurielle, mixte et compacte. Nous avons un objectif : stopper l’artificialisation des sols d’ici 2025.
Nous prévoyons une loi d’orientation d’affectation et d’usage des sols, quivisera à stopper l’étalement urbain, à maintenir la mixité sociale urbaine par le logement, les activités, les loisirs. Ses objectifs seront de donner aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale la capacité de mobiliser les ressources foncières pour faire face à la crise du logement et permettre un équilibre entre habitat, activités, espaces publics, espaces naturels. La propriété de terrains laissés à l’abandon depuis trois ans pourra être transférée à la puissance publique pour des usages sociaux et collectifs.
Les compétences “urbanisme” et “logement” deviendront une compétence obligatoire des EPCI et les permis de construire seront délivrés par ceux-ci. Les autorités locales pourront, au moyen des documents d’urbanisme, poser des limites à l’extension urbaine. Toute mutation des terres agricoles vers l’urbanisation ne sera possible que dans le cadre de schémas de cohérence territoriaux et de projets d’aménagement et de développement soutenables de territoires. Un seuil minimum de densité sera à respecter dans le cadre des PLU, notamment aux abords des zones les mieux desservies par les transports en commun.
Comme évoqué précédemment les collectivités bénéficieront d’une dotation « climat-énergie » leur permettant de dégager des moyens humains sur les enjeux climat-énergie, donc de renforcer leurs capacités d’ingénierie territoriale.
1 En ce qui concerne l’articulation avec le système de quotas européens (SCEQE), nous estimons, outre la nécessité d’abaisser le nombre de quotas attribués (en correspondance avec l’objectif de 30%), qu’il est nécessaire d’articuler le prix payé au travers d’une taxe avec celui qui est payé au travers des quotas. Cela peut se faire par exemple par l’introduction d’un prix plancher pour les quotas, dont la valeur tend vers le taux de la taxe carbone. Cela aurait le mérite d’introduire une perspective de long terme pour l’industrie.
Cependant, cette mesure semble plus facilement applicable parallèlement au développement d’un ajustement aux frontières de l’Union Européenne et une fiscalité écologique des transports internationaux seront développés. C’est pourquoi, nous portons également ces deux propositions, avec une modalité spécifique : les recettes payées sur les produits importés seront reversées aux pays exportateurs au travers d’un « fonds vert » qui leur permettra d’investir dans l’efficacité énergétique et dans la réduction des émissions de GES.
2 Données de l’Agence Internationale de l’Energie, in Renewable Energy Markets and Policy Trends, 2004
4 Une récente étude a montré qu’en Allemagne le programme de rénovation du bâti n’a pas coûté à la puissance publique, mais au contraire qu’il lui a rapporté de l’argent à court terme, grâce à la création d’activité.
Cf. : Impact of public budgets of KfW promotional programmes in the field of “energy-efficient building and rehabilitation”, in KfW-research, octobre 2011