Réponse
 à l’interpellation
 d’

Alimentons
 2012


Monsieur le Président,

Depuis René Dumont, le combat pour une alimentation saine est un « fondamental » de l’écologie politique. Le nombre, la diversité, la qualité des signataires de l’appel d’Alimentons 2012 souligne à quel point la question de la production, la distribution et l’accès à une alimentation saine est devenue une préoccupation essentielle de nos concitoyens.

Grâce aux lanceurs d’alerte, aux chercheurs engagés, aux associations d’éducation populaire, aux organisations de l’économie sociale et solidaire qui partagent nos préoccupations et relaient le discours de l’écologie, grâce aux luttes des paysans pour « vivre et travailler au pays », grâce aux combats des ONG, à certains média, les Français ont pris conscience que leurs choix alimentaires pèsent sur leur santé (diabète, obésité, maladies cardio-vasculaires, cancers liés aux résidus chimiques, …) autant que sur l’avenir de planète et sur la survie des habitants du Sud (impact sanitaire et social des cultures OGM et des pesticides, suicides des paysans en Inde, emprise foncière des protéines animales et des cultures pour le bétail, bilan énergie-carbone des aliments transformés et transportés). A Durban, les écologistes ont  rappelé que le système alimentaire mondial est le principal émetteur de gaz à effet de serre, et que pour sauver le climat, comme pour garantir la sécurité alimentaire de 7 milliards d’habitants de la planète (9 milliards en 2050), il faudra changer de modèle alimentaire.

En France, depuis les années 60, les lobbies de l’industrie agro-alimentaire, des grandes cultures, des engrais, pesticides et OGM, de l’élevage intensif, ont pénétré en profondeur le marché de l’alimentation. Présents, avec leurs experts, dans toutes les instances gouvernementales qui ont à en traiter, intervenants jusque dans les modules de formation des diététiciens, ils ont considérablement modifié tant les habitudes individuelles que les pratiques collectives, et sont largement responsables de l’épidémie des « maladies de civilisation ».

Alors qu’un milliard d’êtres humain souffrent de la faim, on constate un gaspillage effarant de denrées alimentaires, qui atteint 40% de la production. Il devra être combattu à tous les niveaux, notamment par la révision des normes  de la restauration collective, puisque les repas pris hors domicile (cantines scolaires, restaurants d’entreprise, hôpitaux et maisons de retraite) représentent au quotidien 13 millions de convives.

Alors que la crise du pouvoir d’achat met de plus en plus de ménages en difficulté, quand il faut acheter de quoi se nourrir, le poids des emballages, du marketing, de la publicité, de la transformation et du transport des aliments  pèse bien trop dans le « panier de la ménagère » au détriment de la seule valeur nutritive des produits. L’inquiétude est vive chez celles et ceux qui ont la charge de nourrir les plus démunis (restos du coeur, banque alimentaire, secours populaire, épiceries sociales).

Pour toutes ces raisons, les écologistes proposeront en 2012 une série de mesures pour une politique d’alimentation soutenable. Ces mesures, vous les trouverez ci-dessous. Mais l’action des écologistes pour un changement de modèle alimentaire ne date pas d’aujourd’hui. C’est pourquoi vous trouverez également des exemples concrets de l’engagement des écologistes au niveau local pour ce changement.

Veuillez recevoir M. le Président mes sincères salutations.

Eva Joly

 

Propositions

1) En restauration collective, introduire un repas végétarien hebdomadaire pour éduquer les enfants à la diminution de la consommation de produits carnés. Augmenter la part des produits de l’agriculture biologique, qui passera à 100 % dans les crèches et les écoles maternelles. Favoriser la ré-installation des cuisines en liaison chaude. Lutter contre le gaspillage.

2)  Financer un programme national de recherche en nutrition, légitimer les résultats des enquêtes épidémiologiques constatant les méfaits de l’alimentation “moderne”. Introduire des normes de qualité minimale pour l’agro-alimentaire et la grande distribution, interdire les produits nocifs pour la santé et poser les bases d’un programme d’éducation et de formation à l’alimentation. Exiger la stricte indépendance des experts intervenant dans l’élaboration des directives gouvernementales traitant de l’alimentation

3)  Réglementer la publicité en direction des enfants et les interventions des lobbys en milieu scolaire et universitaire. Améliorer et simplifier les étiquettes.

4) Soutenir les initiatives des collectivités et des associations telles qu’Amap, ateliers cuisine, potagers collectifs, ouvriers, d’insertion, de pied d’immeuble. Inciter les collectivités à préserver des espaces pour la production locale. Soutenir la structuration des filières du bio, des circuits courts, de la distribution des produits frais, notamment par la commande publique.

5) Faciliter l’accès des plus démunis aux produits frais et de qualité, et aider à l’approvisionnement des organisations de l’aide alimentaire en fruits et légumes.

6) Baisser les prix des produits issus de l’agriculture biologique pour les mettre à la portée de tou-te-s, par des mesures de soutien à leur production et leur commercialisation,  et en faisant évoluer la TVA sur l’alimentation.

 

Témoignages

Nos élus n’ont pas attendu 2012. Ils agissent depuis des années sur le terrain, dans les communes, agglomérations, départements et régions, tant sur la restauration collective que sur les politiques agricoles et foncières locales. Voici quelques exemples de leurs actions dans diverses régions.

En Alsace, la petite commune de Wattwiller (1781 habitants) a introduit le 100% bio à la cantine. En amont, un débat avec toutes les familles a permis de faire évoluer les habitudes alimentaires des enfants, notamment pour leur faire accepter des repas ne contenant pas systématiquement de la viande. Une cinquantaine d’enfants y mangent tous les jours, c’est un traiteur bio qui livre pour l’instant, en attendant un regroupement effectif avec une commune plus grande et  une cuisine en régie communale alimentée par des produits bio issus de potagers soignés par des personnes en insertion.  En parallèle, la petite épicerie du village (relais Casino) ne cesse d’étendre son rayon bio.

En Aquitaine, un train de mesures ont été adoptées, correspondant pour nos élus au début d’une autre politique agricole et non à des voies de diversification vouées à rester partielles dans un ensemble productiviste. La Région attribue des « chèques conseils » pour la conversion au bio, majore les aides à l’équipement et prend en charge la certification (plafonné à 500€). 25 lycées passent à la restauration bio, les fermes des lycées agricoles sont en conversion progressive au bio. Dans le cadre de la mesure du portage/installation HCF du foncier sur 10 ans avec les SAFER, la priorité est donnée aux projets bio et au non retour en conventionnel des terres bio (clause de la convention avec SAFER). La Région soutient un programme sur la biodiversité, avec 2 plateformes de variétés paysannes en bio. Elle est « région leader » du programme européen Reverse, et élabore un dispositif de soutien à Terres de lien.

En Bretagne : Depuis mars 2010, nos élus au Conseil régional siègent dans un groupe « d’opposition constructive ». Ils sont force de propositions notamment sur l’agriculture et l’environnement, siègent à l’Etablissement public foncier régional, au conseil d’administration du Comité de ressource et d’expertise scientifique sur l’eau en Bretagne). Dans le plan de mandature « Nouvelle alliance agriculture et société », ils ont obtenus des mesures concernant :

1) le maintien du nombre d’agriculteurs et le soutien aux agriculteurs en difficultés par des organisations reconnues (ex solidarité paysans)

2) le foncier, avec une priorité aux jeunes en agriculture biologique et herbagère et la mise en place d’un fond de sécurisation par rapport aux partenaires bancaires

3) le soutien aux restructurations foncières dans les baies  algues vertes  « sous condition des mesures agri-environnementales systèmes (2ème pilier Pac) »,

4) la participation d’acteurs associatifs (Eau et rivières de Bretagne, Consommateurs) dans l’élaboration de programmes de formations tels que  la  prise en compte et l’étude sur le gaspillage de biens alimentaires dans les lycées, le renforcement de l’agriculture sous signes officiels de qualité et sans OGM ou le renforcement des protocoles de recherche sur l’autonomie en protéines.

En Ile de France

A Paris :  Près de 60 jardins partagés ont été créés, gérés par des collectifs d’habitants ou des entreprises d’insertion,  ainsi que 2 jardins à but thérapeutique, un à l’hôpital Curie, l’autre à l’institut Rotschild qui soigne les mal-voyants. Le principe repose sur la mise à disposition par la Ville d’un terrain, d’un point d’eau et d’une cabane, tandis que les associations assurent une gestion écologique et s’engagent à l’ouverture au public.

Les restaurants scolaires du 2e arrondissement de Paris servent en moyenne 70% de plats composés à partir de produits bio (dont un repas végétarien tous les mardis) sans aucune augmentation de prix payé par les parents.

Dans le Val de Marne : 4 paysans bios ont pu s’installer sur 3 ha du Parc départemental des Lilas, à Vitry-sur-Seine. L’expérience pourra être généralisée dans l’ensemble des parcs départementaux.

A proximité du parc départemental de Chennevières, la gestion des 8 ha de la Ferme des Bordes, une ancienne exploitation agricole, doit être confiée à des associations, pour la création de jardins partagés.

A Plaine centrale du Val de Marne, où 13000 repas sont servis quotidiennement par une cuisine centrale, le personnel a été formé à l’utilisation des produits bio. En amont du nouveau marché, les producteurs bios locaux ont pu présenter leurs produits. Le  gaspillage sera réduit et les menus modifiés à  l’issue d’une enquête qui a révélé que 60% du pain et 37% de la viande étaient jetés : les petits pains blancs en portions individuelles seront remplacés par du pain bio tranché, et les enfants qui refusent de consommer de la viande pourront avoir des plats protidiques végétariens.

Dans le Nord Pas de Calais, nos élus mènent en Région le repositionnement des grandes orientations de la politique alimentaire et agricole. Ils ont initié:

– La mission d’enquête « Demain, je serai agriculteur ». Cette mission a donné lieu à 150 propositions sur 12 grandes propositions opérationnelles, et débouchera en Mars sur un Plan Régional à la Création et à la Transformation d’Entreprise Agricole (PRCTA). Le livre blanc, issu de cette mission d’enquête, est à consulter sur le site  http://www.demainjeseraiagriculteur.fr

– En partenariat avec l’État, un travail sur « les circuits alimentaires de proximité » dans le cadre du Réseau Rural et Périurbain, qui débouche sur un guide méthodologique sur la création de circuits courts, un annuaire des structures d’accompagnement au montage de projet,  un travail sur les enjeux partagés des circuits courts et un répertoire des bonnes pratiques en restaurations collectives

– Une grande opération sur la Gouvernance Alimentaire dans les territoires avec trois axes concrets

1. – Des Contrats d’Agglomérations sur Alimentation et Agriculture Durable

2. – Un travail sur la création d’un référentiel régional sur l’alimentation durable

3. – Les maisons de l’alimentation avec l’Etat qui a la paternité de cette idée

Simultanément a lieu une démarche participative pour un grand débat en Région sur la Gouvernance du Système Alimentaire et, à terme, mi 2013, une véritable politique alimentaire de la Région Nord-Pas de Calais.

Enfin, avec le Pôle d’Excellence Agroalimentaire, ils travaillent à la relocalisation de certaines productions pour favoriser l’approvisionnement local des entreprises dans une perspective d’alimentation durable

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, à Mouans-Sartoux, au 1er janvier 2012  le nouveau marché alimentaire de la restauration municipale (151 000 repas/an) sera Bio à 100%, et 80% des légumes servis proviendront de la régie municipale agricole.

 

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