Discours d’Eva Joly lors de la convention santé, Rennes 14 janvier 2012
POUR UNE REVOLUTION DE LA SANTE AU 21e siècle
Chers amis,
Je ne suis pas venue ici en experte ou en spécialiste, mais d’abord pour vous écouter et pour nourrir le projet que je présenterais le 11 Février.
Pourtant, je connais bien le milieu médical.
Durant plus de trente ans, j’ai partagé la vie d’un médecin, lui-même issu d’une famille de grands médecins. J’ai pu y avoir aussi bien le souci de l’autre qu’il y avait dans celui de la santé publique, tout comme mesurer que parfois l’expertise peut éloigner de ceux qui ne savent pas.
La santé a longtemps été considérée comme un luxe, voir un privilège ou uniquement comme un moyen de prendre soin de la société.
Elle a aussi parfois été l’affaire des experts ou de querelles techniques. Pourtant chacun et chacune d’entre nous, lorsque nous sommes touchés par la maladie ou que nous trouvons nos proches atteints, nous savons a quel point la banalité, en fait une affaire commune.
Dans cette élection présidentielle, je veux faire de la santé un bien commun, notre bien commun. En somme, la santé c’est notre affaire à toutes et à tous.
Si je veux la mettre au coeur de ma campagne, ce n’est pas par souci électoral ou par volonté de vous plaire, mais parce que je suis convaincue à ce jour que l’heure est grave. Alors que notre pays depuis la Seconde Guerre Mondiale affiche une prospérité croissante sur le long terme, nous vivons aujourd’hui plus mal.
La modernité a produit elle même son cortège de souffrances et apparaissent et se généralisent , les maladies du monde sur lequel repose nos pieds : les maladies du mode de vie.
C’est pour apporter une réponse déterminée, volontaire et sans ambiguités que je veux proposer dans cette campagne une véritable révolution de la santé pour le 21e siècle : passons d’une logique de soins qui a toujours préexisté à une véritable logique de santé.
Cette révolution repose sur trois engagements : un accès universel et gratuit aux soins ; un plan majeur contre les maladies du mode de vies et les épidémies chroniques et un engagement national pour la transparence et l’indépendance du système de santé.
Et disons le sans détour, ces propositions ne s’appuient quant à elle sur celles d’aucun lobby ou groupe de pression, mais sur la simple conviction qu’en mettant la santé au coeur de nos vies nous pouvons toutes et tous vivre mieux.
Ce projet n’est pas non plus celui d’une marchande d’illusion, je l’ai mesuré et chiffré dans mon budget pour la justice écologique et social. Avec un nouveau partage, j’ai proposé d’investir dès 2012, 4,1 milliards supplémentaires dans la santé. Il ne s’agit pas de promettre l’impossible, ni de dire que cela va être facile, mais de proposer un chemin.
Le cercle vertueux que je propose pour notre santé, c’est d’investir prioritairement dans la prévention et dans la santé, pour que demain les charges de la maladie ne pèsent pas sur nos épaules et celles de nos enfants.
Car plus notre système tarde à intervenir, plus le coût de la santé pèse sur les finances de notre pays. Et c’est par la transparence que nous parviendrons à rétablir un juste prix des soins et des médicaments.
Les mal-soignés d’aujourd’hui seront les malades de demain. Je ne veux laisser personne au bord du chemin. Je veux faire de la santé non pas un coût, mais un bénéfice au profit de toutes et tous.
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Je veux un accès universel à la santé pour toutes et tous.
Le devoir d’un Etat responsable, c’est de protéger ceux dont il a la charge. La maladie ne choisit pas ou elle frappe.
Les plus précaires, les plus fragiles, les plus discriminés sont victimes d’une double peine sanitaire : non seulement ils ont plus de risques de tomber malades mais en plus, ils ont les plus grandes difficultés à se soigner.
Et lorsque la crise arrive et que les fins de mois se font difficiles, les Français dont l’on dénonce le prétendu goût pour les dépenses de santé sont les premiers à rogner sur les dépenses de santé.
Combien de ceux qui ne trouvent plus d’emploi se disent « j’ai mal aux dents, mais ça ira. je ferais ça quand j’aurais un boulot » ?
Combien ceux qui n’arrivent pas à payer leur loyer se disent : « j’ai mal au dos mais ça attendra. D’abord je m’occupe de mon toit » ?
Combien de celles et ceux qui sont des étudiants victimes de la galère se disent : « les lunettes c’est pour l’année prochaine » ?
Le résultat est sans appel. Notre système de soins, pourtant considéré comme l’un des meilleurs du monde il y a 10 ans, a chuté dans les classements de l’OMS.
La France détient le triste trophée d’afficher les inégalités de santé les plus fortes d’Europe : un travailleur manuel y a presque deux fois plus de risque de mourir d’un cancer qu’un cadre.
Comment en sommes-nous arrivés là ? C’est parce que, sous Nicolas Sarkozy, les malades sont devenus des coupables.
Les franchises médicales, l’augmentation du forfait hospitalier et la baisse du montant des indemnités journalières pour les salariés en arrêt maladie ont rendu plus difficile l’accès aux soins.
Ma priorité donnée à l’égalité territoriale, c’est d’abord faire en sorte que chacun puisse se soigner sur l’ensemble de notre territoire. Alors même que la crise que nous traversons exige un effort massif pour assurer à toutes et à tous un accès facilité aux services publics de santé, la loi Bachelot transforme l’hôpital en entreprise. La tarification à l’acte, la fermeture des hôpitaux de proximité et le manque de personnels désorganisent profondément les établissements. Des femmes sont obligées de partir à l’étranger pour avoir recours à un IVG !
J’ai constaté avec effarement les méfaits de cette politique lors de ma visite au service pédiatrique de l’hôpital Trousseau, dans le douzième arrondissement à Paris, condamné à disparaître sur l’autel de la rentabilité alors qu’il est le meilleur d’Europe !
Dès 2012, nous déciderons d’un moratoire sur la tarification à l’acte et nous reviendrons sur la convergence entre hôpital public et clinique privée.
Je veux rétablir un niveau de remboursement décent, donc plus élevé pour les soins utiles de base qui sont aujourd’hui mal pris en charge.
Nous supprimerons les franchises médicales et toutes les barrières financières à l’accès aux soins et nous rendrons l’ensemble des contraceptifs gratuits.
Je m’appuierais sur les médecins généralistes, qui sont la porte d’entrée de notre système de soins, en favorisant les maisons de santé pluridisciplinaires.
Nous stopperons « la course à l’acte » qui oblige les professionnels à multiplier les consultations et fait de la santé une marchandise.
Le développement des maisons de santé est une réponse aux déserts médicaux, mais si elle s’avérait insuffisante, nous redéfinirons avec les acteurs les droits et les devoirs en matière d’installation pour les médecins.
Dès les premières semaines de mon quinquennat, j’organiserai les états généraux des soins de proximité avec l’ensemble des professionnels concernés, les usagers et les représentants des malades.
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Je veux un plan majeur contre les maladies du mode de vie et les épidémies chroniques.
Ce n’est pas une seule question de santé, c’est une question de société.
Le stress au travail, « la malbouffe », les pesticides ou les perturbateurs endocriniens… Tout cela détériore chaque jour un peu plus la santé de nos concitoyens.
Aujourd’hui, c’est la société qui nous rend malade.
Les cancers se développent chez les agriculteurs sous l’effet de l’utilisation de produits nocifs ; les troubles musculo-squelettiques frappent massivement les travailleurs pressurisés ; le diabète touche près de 4 millions de personnes et 200 000 viennent tous les ans grossir le rang des malades.
Le seul diabète coûte 13 milliards d’euros à l’assurance maladie chaque année, soit plus que son déficit pour 2011 ! Car cette réalité sanitaire se traduit directement dans les comptes de l’assurance maladie. La prise en charge des maladies chroniques absorbe à elle seule les deux tiers des dépenses de santé et pèse dangereusement sur les comptes de notre protection sociale.
Et pourtant à tous es étages on supprime les crédits alloués à la recherche en santé environnementale. Certains, ceux là même qui hier niaient le scandale de l’amiante voir le réchauffement climatique, voudrait faire passer les causes environnementales de l’épidémie de cancers pour une seule lubie des écolos !
Voilà pourquoi nous devons lutter avec acharnement contre les maladies chroniques.
En premier lieu, il nous faut changer radicalement nos modes de vie et transformer de fond en comble nos façons de produire et de consommer. C’est un enjeu primordial, et l’honnêteté m’oblige à dire que seuls les écologistes proposent de s’engager dans cette voie.
La première priorité c’est l’alimentation.
Chacun doit pouvoir bénéficier d’une nourriture équilibrée et de qualité, issue d’une agriculture raisonnée et sans pesticides.
L’alimentation bio dans les cantines et l’interdiction de la publicité à destination des enfants pour les produits trop gras, trop salés et trop sucrés seront mis en place, tout comme une véritable politique de prévention et d’éducation pour la santé.
La seconde priorité, c’est la recherche en santé environnementale, et plus particulièrement sur les perturbateurs endocriniens, pour mieux les circonscrire et les interdire. Cette fois, nous n’attendrons pas quinze ans pour prendre les mesures qui s’imposent, comme ce fut le cas avec le bisphénol A !
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Je veux un engagement national pour la transparence et l’indépendance du système de santé.
L’affaire du Médiator a rappelé les méfaits de l’influence des industriels à tous les niveaux de la chaine de décisions. Jusqu’à son interdiction, alors même que tous les médecins connaissaient l’inutilité complète de ce médicament, le Médiator a été pris en charge par l’assurance maladie ! On connaît la suite : plusieurs milliers de malades sont morts d’en avoir consommé.
Il y a encore quelques jours, nous avons découvert comment pendant dix ans, on a laissé l’entreprise PIP mettre en danger la vie de dizaines de milliers de femmes. Une simple affaire d’escrocs ? Peut-être, mais pas sans conséquences, et pas sans avoir berné les centre les plus spécialisés de l’AP-HP.
Sous prétexte de soutenir l’industrie pharmaceutique, nous consommons plus de médicaments que nos voisins européens et, surtout, nous consommons plus de médicaments très chers.
La logique de fixation des prix repose moins sur la mesure de l’intérêt thérapeutique que sur le souci de soutenir économiquement les laboratoires pharmaceutiques, notamment français.
Cette situation met en danger notre protection sociale et grève le portefeuille des ménages. Nous ouvrirons un débat national sur le prix du médicament, car à l’insupportable nul n’est contraint de se résigner.
Je garantirai la transparence et l’indépendance des professionnels de santé et des experts vis-à-vis des industriels. Les récentes réformes sur la politique du médicament proposées par Xavier Bertrand sont insuffisantes. Tous les débats relatifs à la mise sur le marché de nouveaux produits doivent être rendus publics.
Nous ne pouvons pas continuer à assurer des rentes de situation aux industriels. Les nouveaux médicaments doivent être évalués en fonction de leur intérêt thérapeutique par rapport à ceux déjà existants sur le marché. Pour cela, nous avons besoin d’experts indépendants. Il est grand temps de sortir de la confusion entre les intérêts industriels et l’expertise dans les cabinets ministériels ou les agences de l’État, en rendant publiques et accessibles toutes les déclarations d’intérêt.
Enfin, nous avons besoin d’un statut protecteur pour les lanceurs d’alerte.
La démocratie sanitaire n’est pas un vain mot, elle est le socle sur lequel doit se fonder le renouveau de notre système de santé. Nous associerons toutes les partie prenantes : élus, usagers, représentants de malades, ONG, lanceurs d’alertes…
Se prononcer sur sa santé, c’est un droit !
Cette révolution de la santé que je propose n’est pas un sujet technique, c’est un véritable projet de société.
C’est un des piliers de cette société du mieux vivre à laquelle nous aspirons et où les biens fondamentaux sont garantis pour toutes et tous. C’est au coeur même de l’idée centrale défendue par les écologistes : Vivre mieux c’est possible !
C’est ce projet que je vous invite à construire avec moi. Votre bulletin de vote peut changer la donne. Votre bulletin de vote peut faire la différence. Alors je vous demande de résister au chantage au vote utile.
Il ne suffira pas de battre Nicolas Sarkozy pour que les choses changent. Il faut aussi exprimer clairement votre soutien à une autre logique. C’est ce que j’appelle voter juste.
Ma campagne vit un moment de vérité : nous devons tenir bon. Ne vous laissez impressionner ni par les sondages, ni par les attaques, ni par les mensonges et les coups bas. La vérité éclaire notre route. Et c’est cette vérité qui dérange que je mets au cœur de mon combat pour l’écologie. Alors, pour une nouvelle donne sanitaire, pour une autre politique de santé, choisissez l’écologie, votez Juste.
Je vous remercie,