Proposition d’Eva Joly sur les fêtes religieuses de Kippour et de l’Aïd-el-Kébir
Dans son discours prononcé à la Nuit de l’Égalité, Eva Joly a appelé de ses vœux une République de la reconnaissance. « La reconnaissance, c’est admettre que la France est riche de ses différences et peut dans son rêve et sa promesse d’égalité rassembler chacune et chacun. »
« Je propose que la République s’assure que chaque religion bénéficie d’un égal traitement dans l’espace public. Il y a quelques années, la commission Stasi sur la laïcité proposait qu’un jour férié soit réservé aux autres cultes que le culte catholique. Je reprends cette proposition qui faisait consensus il y a quelques années à mon compte : je veux que les juifs et les musulmans puissent célébrer Kippour et l’Aïd-el-Kébir lors d’un jour férié. Si tel est le cas, l’égalité et la laïcité auront avancé dans notre pays. »
Telle était en effet la proposition de la « commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République » (dite commission Stasi) en 2003. Cette commission, confiée par Jacques Chirac à Bernard Stasi, médiateur de la République, était composée de chercheurs, juristes, politiques, responsables d’établissements scolaires. Elle s’est prononcée après 140 auditions pour l’interdiction des signes religieux à l’école. Mais, parmi ses propositions moins connues, elle s’est également prononcée pour que les cantines proposent des repas adaptés à toutes les religions, et pour faire des fêtes religieuses de Kippour et de l’Aïd-el-Kébir des jours fériés, en particulier dans toutes les écoles de la République. Nous reproduisons ici la formule exacte de la proposition faite dans le rapport :
« Prendre en considération les fêtes les plus solennelles des religions les plus représentées. »
Il n’est pas question de remettre en cause le calendrier conçu principalement autour des fêtes catholiques (quatre des onze jours fériés, les lundis de Pentecôte et de Pâques ayant en fait une origine laïque). Mais il convient de prendre en considération que le paysage spirituel français a changé en un siècle. La République s’honorerait donc en reconnaissant les jours les plus sacrés des deux autres grandes religions monothéistes présentes en France, les bouddhistes organisant leur fête annuelle principale un dimanche de mai. Ainsi à l’école, l’ensemble des élèves ne travailleraient pas les jours de Kippour et de l’Aïd-el-Kébir. Ces deux jours fériés supplémentaires devraient être compensés. La République marquerait ainsi avec force son respect de la pluralité des options spirituelles et philosophiques et sa volonté que ce respect soit partagé par tous les enfants de France.
Dans le monde de l’entreprise, le Kippour, l’Aïd-el-Kébir, le Noël orthodoxe ou des chrétiens orientaux seraient reconnus comme jours fériés. Ils seraient substituables à un autre jour férié à la discrétion du salarié. Cette proposition serait définie après concertation avec les partenaires sociaux, et en tenant compte des spécificités des petites et moyennes entreprises. Cette pratique du crédit du jour férié est déjà courante dans certains pays ou organisations internationales comme l’Organisation des Nations Unies.
Ajoutons qu’à l’époque, François Hollande, premier secrétaire du PS et aujourd’hui candidat socialiste à l’élection présidentielle, avait assuré qu’une telle mesure ne le « choquait pas, parce qu’il trouvait normal que, dès lors qu’il y a des fêtes religieuses il y en ait pour toutes les religions ; c’est aussi cela la laïcité, c’est le respect de toutes les religions ».
Face à l’argument du trop grand nombre de jours fériés en France, il est possible d’envisager des aménagements simples, tels que le rattrapage de ces deux jours sur les vacances scolaires. Dans l’entreprise, ces aménagements rentreraient dans la discussion générale sur les congés et le temps de travail.
Loin d’une mesure anti-républicaine ou communautariste, il s’agit bien plus d’une volonté politique d’apprendre aux élèves la tolérance et le pluralisme, et d’aider les croyants à pratiquer leur culte librement dans notre République. Il ne s’agit nullement par ailleurs de remettre en cause l’importance des jours fériés d’héritage chrétien en France ; mais d’aménager notre calendrier républicain pour y respecter l’existence de la diversité religieuse.