Jean-Pierre Goumard : « Ils ne veulent pas limiter les entrées sur l’île de Ré »

Jean-Pierre Goumard, représentant de Nature Environnement 17 sur l’île de Ré, revient sur la confusion dans le SCOT entre la capacité d’accueil et la capacité d’hébergement.

Jean-Pierre Goumard : "Ils ne veulent pas limiter les entrées sur l'île"Le Phare de Ré : Que pensez-vous du SCOT, de façon générale ?
Jean-Pierre Goumard : Ce que je remarque, c’est que depuis le début de la procédure, beaucoup de thématiques ont évolué dans le bon sens. Ainsi en a-t-il été des activités agricoles, non considérées dans un premier temps. Depuis, dans les orientations, il est proposé de définir des périmètres de terrains agricoles, de mutualiser des bâtiments agricoles, de réserver une partie des logements aidés pour des agriculteurs. Tout cela est très bien. De même, l’effort consenti pour le développement des logements aidés est très bien, comme la volonté de restreindre l’urbanisation. Une fois dit cela, force est de constater que l’étude du SCOT n’a pas été gérée de manière logique et que de nombreux pans ont été oubliés.À quoi faites-vous référence quand vous évoquez une gestion dépourvue de logique ?
Lionel Quillet dit que l’on va pouvoir restreindre l’urbanisation. C’est très bien, sauf que, dans le même temps, on laisse rentrer sur l’île tout le monde. Autrement dit, la capacité d’accueil, soit quelle est la limite de population que peut accueillir l’île sans qu’il ne soit porté atteinte à son intégrité, à ses équilibres et à sa qualité de vie, n’a pas été définie. Lionel Quillet fait une confusion entre la capacité d’accueil et la capacité d’hébergement. En effet, la capacité d’accueil ne se limite pas à la capacité de logement et d’hébergement. C’est à croire qu’ils ne veulent pas limiter les entrées sur l’île.

Toutefois, le ratio 80-20 proposé pour limiter l’urbanisation est courageux ?
C’est en effet une bonne chose. Sauf que le 0,7 % qui reste sur les 20 % d’espaces urbains, soit 23 hectares urbanisables, on n’était pas obligé d’aller le chercher. Il y a aussi 263,5 hectares de résiduels urbanisables, qui offrent la possibilité de 4 500 logements, soit environ 17 000 personnes. Quid de la capacité d’accueil ?

L’objectif est pourtant d’infléchir, est-il écrit, la courbe de croissance des résidants secondaires, comme de la population touristique hébergée.
Sauf que rien n’est proposé pour limiter les capacités d’hébergements touristiques. Dans d’autres chapitres, on peut lire que de nouvelles structures sont envisagées. Or, la multiplication des structures touristiques est une véritable « pompe » à clients. On laisse donc les portes ouvertes aux installations, sans que ne soit jamais posée la question de combien de personnes on peut accepter sur l’île.

Est-ce que l’extension des ports, envisagée dans le document, mais pas soutenue par l’État, participera à cette croissance de la population, secondaire et touristique, que vous évoquez ?
Il n’y a vraiment pas besoin de nouveaux ports ou d’extensions sur l’île. Si cela se produit tout de même, on va pour le coup augmenter la capacité touristique. Ce qui va se traduire par des gens en plus et des voitures en plus. C’est là d’ailleurs où l’on peut noter qu’il n’y a aucune cohérence entre le discours « on protège » et des choix qui  ouvrent l’île à tous vents.
Quels sont les pans entiers oubliés dans ce document, que vous évoquiez au tout début ?
Le SCOT est défini sur un périmètre. Ici, il est connu, c’est le trait de côte. Or, ce trait bouge, car les dunes ont reculé après le passage de Xynthia et les digues ont cédé. Or, dans le SCOT, aucune mention n’est faite sur la pérennité du trait de côte.
Autre exemple, la population de l’île de Ré est vieillissante. Les personnes âgées sont très nombreuses sur l’île et le seront de plus en plus. Que fera-t-on pour elle ? Là encore, rien n’est prévu en termes de soins, d’hébergements et même de places dans les cimetières. C’est pourtant un élément essentiel dans la réflexion à mener sur l’aménagement du territoire.

Qu’est-ce qui vous gêne encore dans ce SCOT ?
Ce document manque bel et bien d’ambition, car il n’est pas assez prescriptif dans les objectifs d’urbanisation qu’il définit pour les différents maires des dix communes de l’île. Il manque de mesures coercitives. Or, comme tous les maires sont sous la pression de leurs habitants, car ils veulent être réélus, ils se montreront forcément plus tolérants par rapport aux prescriptions du SCOT. C’est tout à fait regrettable, car cela va casser les quelques dynamiques que celui-ci pouvait porter.

Propos recueillis par :
F.G.

Lire l’article dans le Phare de Ré du 09/02/2011…

Remonter