Procès des faucheurs volontaires

Poitiers le 13 janvier 2012

Un procès de haute volée intellectuelle où une noble idée de la science vient appuyer les indigné-e-s qui passent à l’action.

Les 8 prévenu-e-s, assis sur des bancs face à la cour, sont jugées en appel devant un tribunal correctionnel pour avoir, le 15 août 2008, fauché 2 parcelles de champs de maïs transgéniques (mélange de Mon810 et de NK603), à Civaux et à Valdivienne.

Le 1er procès avait conclu à une relaxe car si les faits étaient reconnus sans ambiguïté, la partie civile avait porté son accusation sur les destructions de cultures pour une mise sur le marché et non pour des essais expérimentaux.

Chaque prévenu passe à la barre pour expliquer et justifier ses actes. Certains sont « récidivistes », d’autres ont découvert l’art du fauchage le 15 août 2008.

Des célèbres, José Bové, François Dufour, vice-président de la région Basse-Normandie mais aussi des plus anonymes mettent en avant leur inquiétude et leur responsabilité vis-vis des générations futures.

« Nous, paysans bio, nous devons prévenir et ne pas laisser faire. »
«  Si des cultures bio sont contaminées par des OGM, les consommateurs peuvent porter plainte contre l’agriculteur. »
« C’est ma liberté de consommatrice qui est mise à mal. Je me sens en légitime défense lorsque je vais nettoyer des parcelles. »
« Le logo européen bio accepte 0,9% d’OGM ! Ça n’a plus de sens ! »
« Ce modèle agricole est un modèle totalitaire au sens où il s’impose au détriment des autres. »
« La logique du brevet et la privatisation des semences sont contre les intérêts de la biodiversité. »
« Monsanto est une entreprise de mort avec des mots finissant en « cide. »
« Le mélange herbicide/insecticide n’a pas été évalué par l’agence européenne. L’agence européenne joue les apprentis sorciers. Elle est inféodée à l’industrie agro-alimentaire. »

« Mais nous ne sommes pas sur Arte ou France Culture ici ! Ni dans un débat à C dans l’air ! » s’exclame l’avocat général après la déposition des 2 témoins scientifiques : Jacques Testart, biologiste à l‘INSERM et « père » d’Amandine, 1er bébé éprouvette de France et Pierre-Henri Gouyon, biologiste spécialiste en génétique, botanique et écologie.

C’est vrai que l’intelligence et le savoir de ces deux-là font oublier un instant l’enjeu et le cadre.

Au moment de prêter serment P-H Gouyon avec humilité fait remarquer que jurer de dire la vérité était difficile pour un scientifique. Puis il ajoute que dans l’état actuel des connaissances, nous sommes dans l’incapacité de prévoir ce que va donner un gène introduit dans une plante. Il cite l’exemple de 2 trèfles contenant des protéines différentes donnant une fois croisés un trèfle riche en cyanure.
J. Testart faisant référence à « Tintin et les oranges bleues » accuse Monsanto de jouer les Professeurs Tournesol.
Benoît Biteau, vice-président de la région, agriculteur bio, reproche au modèle OGM de servir un intérêt individuel au bénéfice de quelques-uns.
« Quand on est soutenu à ce point par l’argent public, on doit avoir un contrat moral pour l’intérêt général. »

Pour les avocats de Monsanto et d’Idemaïs, « les faucheurs ont agi en commando avec une extrême violence ». Ils « écornent l’image de Monsanto ». Ils se font « justice eux-mêmes ». « L’argument d’état de nécessité est la porte ouverte à tous les abus. » « Il y a un préjudice moral et matériel pour la société Idemaïs. »

L’avocat général cite Edgar Morin pour justifier son idée de la justice permettant un idéal de vie ensemble.
« Je partage votre combat mais vous vous trompez de moyens. » « Vous n’avez pas agi par nécessité mais par choix politique. »

Les avocats de la défense comparent les faucheurs à des baïonnettes intelligentes. « S’il n’y avait pas eu d’arrachage, qui aurait parlé des OGM ? » « L’état de droit prime sur la loi. » « Les gens qui se lèvent, ça s’appelle des consciences. » « La propriété n’est pas un droit absolu. »

Des jours-amende ont été requis par l’avocat général allant de 100 jours à 6 € à 200 jours à 10 € pour José Bové.

Des peines qualifiées de clémentes par José Bové qui reste confiant pour la relaxe. Nous aussi !
Résultat le 16 février.

 

En savoir plus :
France 3
Nouvelle République
Témoignage de soutien de Stéphane Hessel refusé par la cour

Pierre-Henri Gouyon : changement climatique et OGM

Jacques Testart sur France Inter le 3 janvier 2011



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