Pourquoi je vais voter EELV et pas Front de gauche

Nous sommes nombreux, en France, à Gauche, à comprendre qu’un monde s’éteint, qu’un autre est à construire. A constater l’injustice, à l’échelle nationale et mondiale. A être conscients du caractère limité des ressources naturelles, incompatible avec notre mode de vie. A être intimement persuadés que la fuite en avant n’est pas la solution, qu’il faut changer de modèle.

Mais une fois les constats posés, que faire ? Par quel bout prendre le problème ? Et à la présidentielle, pour qui voter ? A quelques jours du 1er tour de l’élection, j’ai fait mon choix.

D’où je parle…

Je suis un trentenaire, festif, joyeux, écologiste (en tout cas je fais de mon mieux, dans les trois catégories). Festif ET écologiste, si si, c’est compatible. Le coup de l’écologie punitive, on ne me le fait pas. Comme Edgard Morin le dit si bien, « le retour à la sobriété quotidienne doit s’accompagner du retour aux excès et débordements des jours et nuits de fête ».

Je bouquine, Gorz, Illich, Rifkin, Latouche, etc. J’essaye d’avancer personnellement (être chaque jour plus autonome) et m’investis aussi dans des actions collectives qui ont du sens. Je me reconnais plus dans la militance associative que dans les modes d’actions politiques traditionnels. Je préfère passer une demi-journée à réparer des vélos dans une association qu’à coller des affiches qui seront recouvertes le lendemain.

A la primaire de l’écologie, j’ai voté Nicolas Hulot, parce qu’il me semblait le mieux à même de diffuser les idées du mouvement au plus grand nombre. Avec le recul, je pense que, lui aussi, en novice de la politique, aurait rencontré les freins que rencontre aujourd’hui Eva Joly. Lui aussi aurait fait des déclarations qui, soigneusement déformées, lui auraient valu critiques, quolibets, marginalisation. Lui aussi aurait du se débrouiller avec un budget plusieurs dizaines de fois inférieur à celui des grandes écuries. Et il n’est pas certain que les intentions de votes en sa faveur à trois semaines de l’élection eut été meilleures. L’élection présidentielle est une affaire de spécialistes, souvent cumulards, qui font de la politique depuis des années, connaissent les codes. Les autres sont voués à la moquerie ou à la vindicte.

Quels projets alternatifs ?

Les Français cherchent l’Homme providentiel, qui a un avis sur tout, sait tout. Pourtant c’est bien de projet de société dont il faudrait parler. En procédant par élimination, à Gauche, il n’y a finalement que deux choix possibles pour celui ou celle qui porte l’espoir de sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes : Europe écologie – Les Verts, ou le Front de gauche .

Je mets volontairement de coté les candidats d’extrême gauche, car si leurs projets peuvent en effet être considérés comme des alternatives au système, ils n’envisagent pas de s’allier pour pouvoir faire avancer leur idées. Ils espèrent le grand soir, celui où leurs idées seront à elles seules majoritaires. Autant dire, dans la situation actuelle, ça ne sera pas pour demain. Je compte bien plus sur les petits matins, donc sur celles et ceux qui prennent le risque du pouvoir et assument les compromis.

Quant au PS, cela fait bien longtemps que je n’ai plus d’illusions. Cela fait des années que ce parti tourne en rond, ne renouvelle ni ses idées ni celles et ceux qui les portent. Bien longtemps qu’il aurait du se diviser en deux, d’un coté l’aile gauche anti-productiviste, de l’autre les socio-démocrates, actuellement majoritaires. Bien longtemps que le projet socialiste ne me fait plus rêver, et/car relève plus de l’aménagement du système que d’un changement de modèle. Inutile de m’agiter le torchon brun du FN pour m’inciter à voter « utile ». Voter PS au premier tour ne serait utile pour moi qu’à renforcer l’immobilisme. Or, comme dirait l’autre, le changement, je le souhaite dès maintenant.

Ce qu’apporte le Front de gauche

Tandis que nombre de ses camarades de l’aile gauche du PS pensent encore pouvoir réformer le parti de l’intérieur, J-L Mélenchon a sauté le pas, quitté le PS et crée le Parti de Gauche, puis a su, avec d’autres, faire aboutir une démarche unitaire qui avait échoué à la dernière élection présidentielle (après négociations, finalement J. Bové, O. Besancenot, et M-G Buffet étaient partis chacun de leurs cotés).

On peut critiquer le coté fourre tout du collectif : le parti de gauche est anti-nucléaire, anti-productiviste. Les communistes tout l’inverse. C’est vrai, mais ça ne m’intéresse pas. C’est aussi ce qu’on reprochait aux écolos aux élections européennes, sur d’autres sujets. L’alliance de la carpe et du lapin disait-on « ah ah ah, Bové le repris de justice et qui a voté non à la constitution avec Eva joly la Juge d’instruction et Cohn Bendit qui a voté oui… ». C’est pourtant ce qui a fait le succès. Le Front de gauche reprend la recette : des parcours différents, des divergences actées sur certaines solutions, mais une convergence sur les constats, une démarche collective, un projet de rupture. La colonne vertébrale d’Europe Ecologie en 2007, c’était la crise écologique, et la nécessité d’agir à l’échelle Européenne. Celle du Front de gauche en 2012, c’est la crise sociale, le retour de l’État protecteur et du service public. Seule différence, pas annodine : alors qu’EELV est le dépassement des Verts par l’ouverture au monde associatif (d’abord écolo puis plus largement), le Front de Gauche est un assemblage de partis existants.

Les deux formations sont conscientes que crise écologique et crise sociale sont intimement liées. Les deux formations ont un projet de rupture. Alors ? Comment choisir entre Europe Ecologie Les Verts et le Front de Gauche ?

Ce qui n’influence pas mon choix

Mettons de coté le style des deux candidats. Comme quand je fais mes courses, ce n’est pas l’emballage qui m’intéresse, mais bien ce qu’il y a dedans et comment cela est produit.

Je mets de coté aussi les sorties plus que douteuses de Mélenchon sur Cuba (qui ne serait pas une dictature) ou le Tibet. Loin d’être anecdotiques, elles ne concernent que le porte drapeau, et, encore une fois, ce qui m’intéresse ici, c’est le projet qu’il porte.

Mettons de coté enfin les divergences (évoquées plus haut) qui existent au sein du Front de gauche sur des questions écologiques majeures et structurantes (nucléaire, productivisme). Ces divergences expliquent pourquoi le projet du Front de gauche est en demi-teinte, ou disons plutôt inabouti, sur le plan écologique (il fallait ménager les susceptibilités de chacun). Mais, même si le chemin est encore long, il est engagé, et je pense sincèrement que les anti-productivistes et les anti-nucléaires sont en train de gagner la bataille des idées au sein du Front de gauche. Les communistes (en tous cas la base du parti), évoluent sur ces questions. Les contraintes de réalité (coût du nucléaire, nombre d’emplois, ressources naturelles limitées) finiront le travail.

Soulignons pour finir que de nombreuses convergences existent entre les projets d’Europe Ecologie – les Verts et du Front de Gauche concernant les questions institutionnelles (VIème république, incluant une part de proportionnelle aux élections), fiscales (salaire maximal, justice fiscale) et sociétales.

Bref, tout celà mis de coté, le clivage, l’une des différences majeure qui reste entre les projets des deux formations, c’est la place de l’Etat.

Ce qui pour moi fait la différence

Les écologistes pensent que la solution aux crises mêlées (écologique, sociale, économique, démocratique) passe par un renforcement de l’autonomie des Régions et par un saut fédéraliste à l’échelle Européenne. D’un coté avoir des régions plus grandes, et renforcer leurs pouvoirs pour qu’elles puissent agir en fonction des contextes locaux donc leur permettre d’innover. De l’autre, une Europe dans laquelle on homogénéise le coût du travail, met en commun des budgets (la Défense par exemple), organise la lutte contre le changement climatique, etc.

Au Front de gauche, l’échelle stratégique c’est l’État : Planification écologique, nationalisation, etc. La régionalisation est vue comme une potentielle atteinte à l’unité nationale. Une plus grande coordination à l’échelle européenne poserait pour eux des problèmes de souveraineté, d’indépendance.

Je ne me reconnais pas dans cette vision. Rien à voir avec le folklore des drapeaux bleu blanc rouge et de la marseillaise dans les meetings. Non. Je pense simplement qu’elle est dépassée, pas au sens « ringarde », mais en terme d’efficacité.

L’échelle nationale est trop petite pour lutter contre les problèmes environnementaux (changement climatique, effondrement de la biodiversité) comme pour combattre le système financier. L’épisode de la Grèce a bien montré que nous manquions d’outils de coordinnation pour s’aider entre Etats membres et coordonner une action lorsque l’un d’entre-nous est attaqué.

L’échelle nationale est trop grande pour coller à la diversité des réalités régionales. Il est urgent de donner du pouvoir aux Régions si l’on veut démultiplier notre capacité d’innover, et inventer des solutions nouvelles face aux crises. Nous sommes un des rares pays d’Europe a être autant centralisé. L’unité dans un pays ne signifie pas uniformité, bien au contraire. La diversité est une richesse. Elle permet la résilience, le renouvellement, on le constate d’ailleurs dans le vivant. Je crois à l’écologisation participative de la société, à l’horizontalité. La planification écologique, verticale, centralisée, rigide, ne me semble pas du tout être un outil adapté.

Je voterai Eva Joly au premier tour de l’élection présidentielle.

Le prix du pétrole monte et les stocks s’épuisent, une plate-forme de gaz fuit en Mer du nord, il y a un an Fukushima, en Ile de France et dans plusieurs régions la pollution de l’air atteint des sommets ces jours-ci, la biodiversité fond comme neige au soleil, les agriculteurs crèvent et pourtant nous bouffons mal et cher, les inégalités Nord-Sud s’accroissent, ici comme ailleurs, certains se gavent pendant que d’autres tendent la main. Les écologistes ont longtemps été des lanceurs d’alerte, et, malheureusement dirais-je, les risques qu’ils pointaient furent souvent avérés. L’élection présidentielle, c’est le choix d’un projet de société. L’écologie politique porte un projet moderne, innovant, émancipateur, un projet de justice sociale. Il est grand temps de faire place au vrai changement. Je voterai Eva Joly au premier tour de l’élection présidentielle.

Ludo B.

Source : Le Citron Vert

 

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