Un monde sans femmes
Les manifestations d’indignation provoquées par le viol collectif d’une jeune indienne et sa mort, nous rappellent, que la question du viol et des violences contre les femmes n’est pas un simple fait divers en Inde : c’est une question politique, voire un phénomène qui structure la société indienne.
Or, s’il parait sain que la société dans son ensemble se dresse contre ce viol collectif, il est étonnant que sa cause profonde soit passée sous silence.
Il manque aujourd’hui en Inde 50 millions de femmes.
En 2003, le réalisateur Manish Jhâ avait déjà alerté sur le danger encouru par une société
indienne où les femmes viennent à manquer, du fait de leur élimination à la naissance. Son film, « Matrubhomi, un monde sans femmes » débutait par une scène terrifiante : un infanticide. Dans un village vidé de ses femmes, les hommes d’une même famille s’appropriaient collectivement une jeune femme. Un film en forme de fable qui posait la question de la sexualité et de la violence masculine dans un monde sans femmes. Impossible de ne pas faire le rapprochement avec ce viol collectif qui fait aujourd’hui la Une de l’actualité, en Inde, et par le monde.
On pourrait penser que la « rareté » des femmes les protègerait, qu’elles seraient choyées … que nenni ! La pénurie de femmes les fragilise, les expose à une appropriation masculine collective d’autant plus violente que le déséquilibre est patent. Dans l’Inde d’aujourd’hui, viols collectifs, enlèvements de fillettes, raids et rapts de filles dans les pays voisins, sont monnaie courante. Trafic de femmes et prostitution explosent.
LE TABOU DU DEFICIT DES NAISSANCES FEMININES
Le plus étonnant dans cette affaire de viol collectif, est ce silence autour du déficit des naissances féminines, déficit dû à la sélection traditionnelle (élimination à la naissance), ou à la sélection moderne (dépistage et éradication préventive des fœtus). L’Inde n’a d’ailleurs pas le monopole de ce phénomène répandu également en Chine. Pour autant, si la demande de la société indienne de lutter contre les violences faites aux femmes émerge dans les manifestations, la question des inégalités entre les filles et les garçons dès la naissance n’est pas posée.
A l’heure des vœux pour la nouvelle année, souhaitons aux féministes indiennes de réussir à mettre la question de l’égalité femmes/hommes sur le devant de la scène politique.
Article d’Arlette Zilberg, 31 décembre 2012, dans Novo Idéo
L’auteure Arlette Zilberg. Orthophoniste, intervenante sur la Petite Enfance et l’Égalité entre les hommes et les femmes, publie des articles sur des sites d’informations , animatrice du réseau social Femm’Ecolos, militante de l’Enfance, membre du Conseil d’Orientation Politique d’Europe Ecologie-Les Verts, ancienne adjointe au maire du 20ème arrondissement de Paris chargée de la Petite Enfance et du Bureau des Temps (élue Verte), ancienne responsable nationale de la commission féminisme des Verts, co-fondatrice de LEA Laïcité Ecologie Association.
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