Référendum en Écosse : et s’il ouvrait une nouvelle étape de la construction européenne ?
Publié le 18-09-2014 à 08h05 – Modifié à 11h39
Par Pascal Durand Député européen EELV
LE PLUS. Ce jeudi, les Écossais votent par référendum pour décider si oui ou non, ils veulent rester membres du Royaume-Uni. Une sécession serait-elle un drame pour l’Union européenne ? Pas du tout, répond Pascal Durand, député européen EELV. Au contraire, quel que soit le résultat, on peut voir une issue positive à cette consultation.Bas du formulaire
Le vote référendaire du 18 septembre sur l’indépendance de l’Écosse préoccupe beaucoup les observateurs et analystes sur ses effets juridiques ou sur la procédure à adopter en cas de vote positif.
Peu soulignent l’importance du processus démocratique en lui-même. Pourtant, le référendum écossais, quel qu’en soit le résultat, est déjà une grande réussite européenne dont nous devrions, démocrates et pacifistes de tous bords, nous féliciter.
L’occasion de se poser la bonne question
Combien de fois, sur notre continent, la modification des frontières d’un État a pu être abordée de manière si démocratique ? Combien de fois la liberté d’un peuple à disposer de son avenir s’est vue réglée pacifiquement, loin des mouvements de chars et des bruits de bottes, à travers un débat transparent, un scrutin ouvert et accepté par l’ensemble des parties ?
L’Europe démontre ainsi qu’elle n’est pas figée en un ensemble d’États aux frontières immuables, éternelles et indépassables, mais au contraire qu’elle est un corps vivant, composée de différents peuples, dont la maturité démocratique peut permettre l’autodétermination d’un territoire sans engendrer la guerre, ni le repli identitaire.
Toutefois, ce vote s’effectue dans un climat politique extrêmement tendu en Europe, et nous ne pouvons ignorer ceux qui, européens convaincus, craignent la montée des nationalismes, le repli identitaire, le rejet de l’autre – surtout s’il est plus pauvre – et à terme la balkanisation du continent.
Dès lors, le véritable enjeu de ce scrutin, bien au-delà de la détermination des modalités d’adhésion d’un nouvel État, est de s’interroger sur l’existence d’un véritable espace d’intérêt général européen et sur la capacité de l’Europe à se réformer pour s’ouvrir à ces évolutions.
Organiser la solidarité au niveau européen, pas des États-nations
Plutôt que de craindre cette avancée démocratique, les fédéralistes doivent s’attacher à faire de l’Europe l’espace de l’intérêt général, celui où s’arbitreront effectivement les solidarités entre les territoires.
Notre projet européen doit donner tout son sens à la célèbre phrase que Jean Monnet prononça à Washington en 1952 : « Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes ».
En ce sens, la question de savoir si l’Écosse devra ou non recourir à une procédure d’adhésion classique à l’UE, comme certains le prétendent, n’est plus une simple question de juriste. Elle est une question éminemment politique.
En effet, on ne peut à la fois reconnaître à des hommes et des femmes un ensemble de droits liés à leur citoyenneté européenne, droits exercés, au demeurant, depuis plus de 40 ans, et prétendre en même temps que l’exercice d’un autre droit, celui à l’autodétermination, pourrait le leur faire perdre.
De ce fait, en admettant que les Écossais demeureront, de jure des citoyens européens, nous faisons définitivement un pas en direction d’une Europe citoyenne, échappant ainsi au débat permanent entre les tenants d’une Europe d’États-nations et celles et ceux qui défendent plutôt une Europe dite des « régions ».
Il suffirait, pour cela, de faire en sorte que la solidarité, condition sine qua non du contrat social, ne soit pas la prérogative exclusive des États-nations mais, au contraire, s’organise au niveau où les interdépendances existent, c’est à dire au niveau européen.
Franchir un nouvel échelon
Aussi, plutôt que d’intimider un peuple qui s’apprête à voter, plutôt que de tenter de dramatiser les conséquences d’un choix libre et démocratique, nous devrions saisir cette occasion pour faire le pas vers la citoyenneté moderne dont l’Europe a besoin.
Cela passe certes par une modification rapide des Traités pour qu’ils intègrent la question de la citoyenneté. Mais cela passe surtout par une volonté politique, celle d’une progression vers une Europe sociale et fiscale, dans laquelle les investissements, la redistribution des richesses ne serait pas confinée aux seules frontières nationales, mais au contraire un outil de justice sociale à l’échelle du continent.
Le référendum écossais ouvrirait ainsi une nouvelle étape de la construction européenne, plus proche des territoires et des préoccupations quotidiennes des citoyens et des citoyennes en leur accordant plus d’autonomie et de liberté, elle créerait un véritable espace d’arbitrage au niveau européen, conjuguant ainsi harmonieusement le local et le global.