Qui a peur de l’égalité entre les sexes? et l’Appel de Strasbourg.

Les milieux intégristes et réactionnaires ont lancé une campagne de désinformation sur la «théorie du genre» à l’école. L’enjeu : l’éducation à l’égalité entre filles et garçons.

Depuis quelques semaines, dans la mouvance de la Manifestation pour tous, une campagne de désinformation est lancée dont le but est de convaincre les parents d’élèves qu’une pernicieuse «théorie du genre» est en train de s’infiltrer à l’Education nationale. Cette «théorie», récemment inventée, fantasmée, par les milieux intégristes et réactionnaires, est accusée de nier à la fois le sexe, l’identité, les goûts et le libre arbitre des enfants.

Plus précisément, ces groupuscules ciblent le dispositif ministériel des «ABCD de l’Egalité» qui ont vocation à permettre aux enseignant-e-s d’aborder l’éducation à l’égalité entre filles et garçons par des séquences pédagogiques au sein de programmes existants : sciences, éducation physique et sportive, maîtrise de la langue, histoire etc. Leur stratégie a été de semer un vent de panique chez certains parents d’élèves en diffusant, par tracts ou SMS, de grossières calomnies : par exemple que les enfants de maternelle et de primaire allaient apprendre à se masturber à l’aide de sexes en bois, lors d’interventions données par des transsexuels et/ou homosexuels ! Sur la base de ce type de discours, en Alsace comme en Rhône-Alpes, ils ont organisé une journée de retrait des enfants (JRE) de l’école en signe de protestation…

Article publié sur liberation.fr par le Comité de l’Association de recherche sur le genre en éducation et formation (ARGEF) le 29/01/2014.
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Le genre à l’école: l’Appel de Strasbourg

POUR EN FINIR AVEC LES IDÉES REÇUES.

LES ÉTUDES DE GENRE, LA RECHERCHE ET L’ÉDUCATION : LA BONNE RENCONTRE.
Des enseignants et chercheurs de l’Université de Strasbourg réagissent.Depuis quelques jours, les élèves et les parents d’élèves sont harcelés de mails et de SMS provenant d’associations extrémistes qui propagent la rumeur selon laquelle, parce que « le genre » est introduit dans les programmes scolaires, leurs enfants seraient en danger à l’école. Non seulement cette manœuvre de déstabilisation des parents est révoltante (les enfants ont été privés d’école) mais de plus cette rumeur est totalement mensongère.NON, les enfants ne sont pas en danger. Non, il n’y aura pas de projection de films « sexuels » à l’école, et les garçons ne seront pas transformés en filles (et inversement). NON, la prétendue « théorie du genre » n’existe pas. Le genre est simplement un concept pour penser des réalités objectives. On n’est pas homme ou femme de la même manière au moyen-­âge et aujourd’hui. On n’est pas homme ou femme de la même manière en Afrique, en Asie, dans le monde arabe, en Suède, en France ou en Italie. On n’est pas homme ou femme de la même manière selon qu’on est cadre ou ouvrier. Le genre est un outil que les scientifiques utilisent pour penser et analyser ces différences.

OUI, les programmes scolaires invitent à réfléchir sur les stéréotypes de sexe, car l’école, le collège, le lycée sont le lieu où les enseignants promeuvent l’égalité et le respect mutuel, où les enfants apprennent le respect des différences (culturelle, sexuelle, religieuse).

OUI, l’école est le lieu où l’on permet à chacun, par les cours de français, d’histoire, de SVT, d’éducation civique, d’éducation physique, de réfléchir sur les conséquences néfastes des idées reçues et d’interroger certains préjugés, ceux qui ont fait que pendant des siècles un protestant ne se mariait pas avec une catholique, ceux qui font que l’on insulte encore aujourd’hui une ministre à cause de sa couleur de peau, ceux qui font que des petits garçons sont malmenés aux cris de « pédés » dans la cour de l’école, ceux qui font que Matteo n’osera jamais dire qu’il est élevé et aimé par deux mamans, ceux qui font qu’Alice veut mourir car on la traite de garçon manqué, ceux qui créent la haine et la discorde.

Les études de genre recouvrent un champ scientifique soutenu par le Ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur et le CNRS, et elles ont des utilités nombreuses dans l’éducation et la lutte contre les discriminations : ces études et ces travaux existent à l’université depuis longtemps. L’Académie de Strasbourg organise une journée de formation continue sur cette question, à destination des professeurs d’histoire géographie et, à l’Université de Strasbourg, un cours d’histoire des femmes et du genre est proposé dans la licence de Sciences historiques, tout comme, par exemple, plusieurs cours de sociologie, de sciences de l’éducation, d’anthropologie portent sur le genre. Des séances de sensibilisation aux questions d’égalité entre les sexes sont intégrées dans le parcours de formation des enseignants du primaire et du secondaire.

«Vati liest die Zeitung im Wohnzimmer. Mutti ist in der Küche.» (Papa lit le journal dans le salon, Maman est dans la cuisine). Voilà comment les petits Alsaciens apprenaient l’allemand, à travers les aventures de Rolf et Gisela, dans les années 1980.

Réfléchir sur le genre, c’est réfléchir sur les effets de ce type de messages. En permettant aux élèves de se demander pourquoi les princesses ne pourraient pas aussi sauver les princes, en montrant que, selon les lieux et les époques, les rôles des hommes et des femmes ont varié et que l’amour a des formes multiples, les chercheurs, les enseignants et les professeurs des écoles permettent aux enfants, citoyens et citoyennes de demain, de construire un monde plus égalitaire et plus harmonieux.

Publié sur liberation.fr le 30/01/2014

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