Manifestation Gens du voyage Seysses : Catherine Grèze écrit au Préfet
Bonjour,
Vous trouverez ci-dessous et en pièce jointe la lettre que Catherine Grèze a adressé jeudi au Préfet de Haute-Garonne au sujet de la manifestation de Gens du voyage qui a eu lieu le matin-même à Seysses et sur le périphérique toulousain.
Bien cordialement,
Fanny Thibert
Attachée parlementaire locale de Catherine Grèze
06 58 41 47 75
Monsieur le Préfet,
Je viens d’être alertée qu’une manifestation de grande ampleur de plusieurs familles de Gens du voyage avait actuellement lieu à Seysses, perturbant notamment la circulation sur le périphérique toulousain. Il me semble que vous avez d’ailleurs reçu aujourd’hui ces familles s’exprimant aujourd’hui publiquement. J’aimerais vous faire part de mon point de vue au sujet de leurs revendications.
Il s’agit de 22 familles, représentant 120 personnes dont 40 enfants scolarisés. Elles sont installées depuis plus de 20 ans sur la commune de Seysses : bien que se trouvant en zone agricole, leur présence a été pendant des années tolérées, on a fermé les yeux en les laissant construire leurs habitations. Le climat actuel a changé la donne et sur demande du Maire de la commune, elles viennent d’être condamnées en première instance à détruire ces habitations. Un procès en deuxième instance est prévu pour le mois de février et ces familles n’ont que peu d’espoir quant à l’issue du procès.
Dans ses déclarations publiques, le Monsieur le Maire de Seysses explique qu’il existe une solution alternative : l’aire d’accueil de l’agglomération. Certes, au titre de l’article 7 de la loi Besson, dès lors qu’une aire d’accueil se trouve sur une commune, ou sur une agglomération lorsque la compétence est déléguée, il peut être procédé à l’expulsion de toute personne de la communauté des Gens du voyage se trouvant en situation illégale. Mais c’est une ineptie : les aires d’accueil ne répondent aucunement aux besoins des familles se sédentarisant, elles sont destinées aux voyageurs. Les besoins en terrains familiaux sont clairement identifiés et de plus en plus de familles choisissent cette option. Et pour cause : elle permet un véritable ancrage territorial, et donc une scolarisation suivie des enfants, tout en conciliant tradition culturelle et adaptation au mode de vie de la société globale. Le Schéma départemental d’accueil des Gens du voyage de Haute-Garonne répertorie 35 000 personnes issues de cette communauté, dont 800 se trouveraient sur des « terrains familiaux » ! Or, on comptabilise aujourd’hui … un seul terrain familial légalisé sur le département.
Au niveau national, la circulaire de juillet 2001 stipule que « les Gens du voyage n’étant pas un groupe homogène, l’habitat doit leur être adapté (…) en tenant compte des fondements culturels, professionnels et familiaux ». Il serait nécessaire de prendre en compte dans les dispositifs de droit commun d’urbanisme, d’habitat ou de logement la diversité des besoins d’habitat des Gens du voyage, notamment des « terrains familiaux » c’est-à-dire des terrains dont les Gens du voyage sont propriétaire ou locataires et où ils se sédentarisent (ou semi-sédentarisent). L’Union européenne va elle aussi dans ce sens. Au Parlement européen, j’ai amendé le règlement relatif au FEDER (Fonds européen de développement régional), afin d’élargir les critères d’éligibilité de ce fonds aux communautés marginalisées, dont les Gens du voyage. Dans la circulaire de la DATAR du 16 mars 2011, il est même spécifié que ces fonds pourraient être utilisés à l’instauration de « terrains familiaux » !
Il existe des solutions concrètes à disposition des Maires de commune afin de mettre fin à ces situations d’illégalité renforçant la discrimination à l’égard des Gens du voyage. Chaque modification de Plan local d’urbanisme (PLU) pourrait être l’occasion d’intégrer ce type d’habitats : il s’agit donc d’une simple question de volonté politique. Je prendrai l’exemple de la commune de Couëron en Loire Atlantique où pas moins de 300 personnes issues de la communauté des Gens du voyage sont accompagnés pour légaliser leur situation d’habitat. Il a d’ores et déjà été décidé que les zones où étaient regroupées les terrains familiaux existant seraient requalifiées comme « constructibles » dans le prochain plan local d’urbanisme. De même, dans le département de la Mayenne, il a été décidé de créer une nouvelle catégorie de zone d’urbanisme : les « non-constructibles Gens du voyage ». Il est prévu que la taille des terrains familiaux se trouvant dans des zones soit clairement encadrée. Il ne s’agit donc pas d’accepter un étalement urbain excessif ou des installations sauvages, mais bien de mettre fin à une situation d’illégalité nuisible pour tous. Malheureusement, pour l’instant, les terrains familiaux se trouvent dans les annexes des schémas départementaux, dont la mise en œuvre n’est pas rendue obligatoire.
Pourquoi aller contre un modèle défendu à la fois à l’échelle nationale et européenne ? Pourquoi ne pas s’inspirer des collectivités ayant trouvé des solutions innovantes ? On ne peut pas à la fois demander aux Gens du voyage de se sédentariser et les en empêcher quand ils en montrent la volonté.
En l’attente d’une réponse de votre part, je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, l’_expression_ de mes salutations distinguées.
Catherine Grèze
- Députée européenne