Le casse du siècle : Il est déjà si tard

Meeting Unitaire du 30 Novembre 2011
« Le casse du siècle »
Intervention de Régis Godec pour EELV
Il est déjà si tard…

Quelle heure est-il au juste sur l’horloge de l’économie mondiale ? Sommes nous le jour, sommes nous la nuit ? Les contours de la parole semblent se confondre dans le brouillard des déclarations successives ? Ceux qui hier donnaient des leçons de néo-libéralisme se retrouvent aujourd’hui à chanter des complaintes pour mettre au pas la finance…

Depuis combien de temps maintenant sommes nous mobilisés pour dénoncer le chemin fou qu’a pris l’économie mondiale ?

Combien de meetings ? Combien de contre-sommets ? Combien de fois avons nous sortis nos drapeaux, nos tracts, nos banderoles ou nos mégaphones ?

Nous avons tenté de convaincre, d’expliquer le chemin que prenait notre monde en remettant son destin aux mains de la finance et du libéralisme économique. Et ce qui se déroule sous nos yeux en ce moment confirme les analyses que nous avons formulés hier. Alors, nous devrions être des milliers ce soir à participer à ce meeting. Nous devrions être des millions demain au travers de l’Europe pour réclamer qu’on change enfin de cap. Au lieu de ça, il nous faudrait supporter d’entendre à longueur de journées ceux qui nous ont mis dans cette crise, nous expliquer que le responsable ce serait l’Etat trop dépensier ? Le responsable serait le modèle social trop couteux de nos Etats qu’il faudrait démanteler pour « rassurer les marchés » ? Ce discours nous ne pouvons l’entendre, nous ne pouvons l’admettre et tous ensemble nous le combattrons.


La dette, le casse du siècle‏ par eelv-midipyrenees

Faut-il rappeler ici qu’il n’y a dans cette histoire aucune fatalité divine ?
Faut-il rappeler que nous avions d’autres possibilités que celle de faire financer notre endettement par le marché de la finance et de laisser les agences de notation fixer notre taux de crédit ?

Faut-il rappeler ici la manière dont la montée des inégalités a été organisée au travers de l’Europe, comment le chômage de masse et la misère sont devenus des instruments de contrôle social destinés à dissuader les citoyens européens de se mobiliser ?

Faut-il rappeler ici les choix économiques qui ont-été faits pour favoriser ces détenteurs de patrimoine, pour préserver les paradis fiscaux ? Pour diminuer la contribution des grandes entreprises ?

Chiffres sur les mesures Sarkozy de la TEPA

Faut-il rappeler ici la manière dont le service public est démantelé branche par branche ? Energie, Ferroviaire, Education, Poste

Non, sans doute, il n’est pas nécessaire de le rappeler ici. Depuis des années nous militons, vous militez pour rendre ces vérités visibles et dresser des remparts face à la désinformation.

Aujourd’hui, à la lumière des enseignements de cette crise de la dette nous pouvons dire que nous avions raison de vouloir défendre le modèle de l’Etat providence. Quand les marchés dictent leur loi de cette façon, quand la spéculation fait ou défait nos gouvernements. Ecrit les mesures d’austérité que les parlementaires sont invités à ratifier. Oui tous les personnes honnêtes intellectuellement doivent reconnaître que nous avions raison. Mais la terre n’est pas peuplée que de gens honnêtes.

En spéculant sur la dette des Etats, les marchés tentent de saisir le levier ultime pour prendre le pouvoir sur nos destinées. En ayant la main sur les taux de remboursement des dettes souveraines, ils pensent détenir la réalité des moyens publics sur l’économie. C’est cette vieille recette du « consensus de Washington » qui nous est appliquée aujourd’hui : Restructuration de la dette – Plan d’austérité – Ajustement structurel. Une recette qui a fait ses preuves dans beaucoup de pays du Sud et qui a permis d’imposer le néo-libéralisme aux peuples à leurs dépens.

Cette spirale qui se met en oeuvre aujourd’hui en Europe, nous avons les moyens la contrer maintenant. C’est à cet instant présent de l’histoire que les peuples européens doivent se faire entendre pour rejeter cette politique d’un seul bloc.

Par les urnes, par la rue, par des mobilisations unitaires à l’échelle européenne, nous devons dresser un front uni pour s’opposer à ce qu’ils veulent nous imposer.

Car un autre chemin est possible.

Un autre chemin s’offre à nous pour sortir de cette crise qui porte tant de facettes : économique, sociale, écologique, civilisationnelle.

Cet autre chemin nous devons le tracer ensemble. Toutes les forces engagées aujourd’hui dans ce meeting unitaire, et toutes celles qui se reconnaitraient dans notre démarche doivent s’engager sur cet autre chemin.

Mais pour cela, il nous faut également prendre le temps d’analyser pleinement ce qui se joue aujourd’hui.

Car derrière cette crise de la dette, il y a avant tout une crise de la croissance. Cette croissance qui a été rendue possible par des gains de productivité importants sur les dernières décennies est aujourd’hui essoufflée. Avant-même la crise des subprimes et la faillite de Lehmann-Brothers les indicateurs de gain de productivité étaient au rouge. Face à cette crise de croissance la réponse économique a été le recours à l’endettement privé et public pour tenter de relancer la consommation, aujourd’hui c’est aussi l’échec de cette politique de relance qu’il nous faut comprendre et analyser.

Nous sommes parvenus au terme d’un cycle de croissance qui n’a été rendu possible que grâce à l’aptitude de notre système mondialisé de fournir des matières premières à bas prix et de la main d’oeuvre à bon marché.

C’est en mettant en concurrence les travailleurs entre eux, c’est en pillant les ressources de la terre et tout particulièrement celles des pays du Sud que cette croissance a été rendue possible. C’est contre ce modèle que nous nous sommes battus les uns et les autres, mais c’est de croissance que nous avons également bénéficié. Alors, j’entends dans les discours ,ici ou là, invoquer le retour de la croissance, la relance de la consommation comme réponses au néo-libéralisme. A ceux-là j’ai envie de demander « Est-ce bien cette croissance là que vous voulez relancer ? »

« Voici venu le temps du monde fini », ce ne sont pas mes mots, ce sont ceux de Paul Valéry en 1932. Ce n’est pas moi qui les ressuscite c’est une membre du conseil scientifique d’ATTAC. Il s’agit de Geneviève Azam qui a choisi cette phrase pour titre a son dernier ouvrage.

Ces paroles oubliés, ces mots que les contemporains de Paul Valéry n’ont pas su entendre, il nous faut aujourd’hui les faire nôtre, si nous voulons vraiment prendre cet autre chemin.

Si nous voulons apporter une réplique radicale à cette crise de la dette, il nous agir sur les causes de la maladie et pas seulement sur ses symptômes.

Cessons de courir après les vieilles lunes d’une hypothétique relance de la consommation.

Cessons de vouloir invoquer un développement fût-il issu d’un autre modèle, fût-il qualifié de durable… Ce terme de développement, vous le savez, a su s’accommoder de tous les changements depuis 150 ans, il a justifié le colonialisme mais aussi une prétendue réponse à la crise écologique. Le développement cette « croyance occidentale », comme le qualifie Gilbert Rist, a su cautionner tous les modèles d’exploitation de l’homme et de la terre.

Il nous faut aujourd’hui prendre le chemin d’une prospérité sans croissance, tel que nous invite à le faire l’économiste Tim Jackson.

Pour prendre cet autre chemin, ce n’est pas de plan d’austérité dont nous avons besoin. Ce n’est pas de règle d’or, mais ce n’est pas non plus d’une politique de courte vue de relance de la consommation.

Ce dont nous avons besoin c’est d’un grand plan d’investissement capable de répondre au défi climatique et énergétique du temps présent.

Capable d’assurer notre prospérité dans un monde au sein duquel le pétrole se raréfie, les matières premières se font rares.

Oui, en réponse à la crise, il est urgent de mettre en oeuvre ce « New Deal Vert » au lieu de nous égarer dans des investissements inutiles et dispendieux. Qui n’ont le mérite que de créer pendant quelques années des emplois dans les travaux publics. Les exemples sont nombreux en Grèce (JO d’Athènes), au Portugal (Euro), en Espagne. Mais ils sont aussi nombreux en France.

A ce propos, je continue de ne pas comprendre pourquoi des projets pharaoniques fleurissent aujourd’hui en France et parfois même tout près d’ici et reçoivent l’approbation des élus locaux alors que le bien-fondé de ces investissements par rapport à l’urgence écologique est critiquable… Notons également qu’ils sont souvent financés par des PPP qui mettent encore plus notre avenir dans les mains de la finance… A ce titre, je me félicite d’appartenir à une formation politique cohérente (EELV) qui s’oppose à ces investissements stupides qu’il s’agisse de Parc des Expositions, de création ou d’agrandissement de stades, ou de financement de LGV en lieu et place de la modernisation des voies existantes…

Mais soyons clairs, ce plan d’investissement écologique selon nous doit se mener avant tout à l’échelon européen. Nous sommes convaincus que l’Europe reste l’échelon politique pertinent pour répondre au néo-libéralisme. L’Union Européenne démontre en ce moment toutes ses imperfections, toute l’insuffisance de ses institutions et par là-même sa fragilité. Nous le disons depuis des années, la construction européenne est rendue fragile par les égoïsmes nationaux de ses gouvernements. Il n’est plus possible de gérer un espace de 400 millions d’habitants de cette façon. Quand les décisions majeures se prennent dans les couloirs des sommets européens. Ou dans des discussions téléphoniques entre présidents d’exécutifs, sans consultation des parlementaires des pays impliqués, mais surtout sans implication des élus européens des parlementaires dont les positions doivent primer sur les décisions intergouvernementales.

Nous répondrons à tous les souverainistes réveillés par la crise qui traverse nos institutions européennes que déconstruire l’Europe serait en réalité renforcer le pouvoir de la Finance.

Au contraire cette crise doit permettre le sursaut du projet européen, renforcer la place des peuples européens au sein de nos institutions et nous permettre de construire enfin l’Europe sociale, l’Europe fiscale, l’Europe fédérale dont nous avons besoin. Cela ne sera possible que si notre mobilisation est unitaire sur ce point-là comme sur les autres.

Cette crise doit nous permettre de réformer les traités européens de manière à :
– rendre possible le financement public par la BCE
– doter l’Union d’une compétence fiscale pour permettre de taxer fortement les revenus et le patrimoine des plus riches
– d’interdire le recours aux paradis fiscaux et aux instruments d’opacité
– créer une fiscalité écologique pour réorienter notre économie
– donner naissance à une harmonisation des régimes sociaux européens, établir un revenu minimum dans chaque pays de l’Union, une protection sociale et un droit à la retraite par répartition pour tous.

Cette crise doit nous permettre de réformer en profondeur le système de la finance en Europe :
– En séparant les banques de crédit et les banques de dépôt
– En instaurant une taxation sur les transactions financières

« Quelle heure est-il au juste sur l’horloge de l’économie mondiale ? Sommes nous le jour, sommes nous la nuit ? »

Nous sommes au crépuscule du libéralisme. Nous sommes à cette heure précise du soir ou le contour des silhouettes devient moins précis. Cette heure précise du doute et de l’angoisse où l’on découvre que les certitudes d’hier étaient construites de sable. Ce moment au coeur duquel les paroles des futurologues autoproclamés deviennent caduques. Ceux qui nous promettaient l’avenir radieux dans un monde libéral qui aurait atteint cette fameuse étape de la « fin de l’histoire » se révèlent être des pantins risibles. C’est à cette heure que dans les contes, les enfants découvrent que cet homme qui leur a offert l’hospitalité se révèle être un ogre. C’est à cette heure que l’on découvre que le néo-libéralisme est une révolution qui tel Saturne dévore ses propres enfants.

C’est à ce moment précis du basculement du monde que les peuples peuvent agir pour que nous passions subitement du crépuscule à l’aube d’une histoire nouvelle. Il nous appartient de nous mobiliser pour bouleverser le mouvement régulier de l’horloge de l’Histoire. Il nous faut prendre les rênes du pouvoir, par les urnes, par la rue, par des mobilisations à l’échelle européenne. Il nous faut désarmer les seigneurs de la guerre de la finance et permettre la naissance de l’aube d’un nouveau monde. Ensemble, nous pouvons y parvenir, ensemble nous pouvons prendre ce nouveau chemin de civilisation. Nous avons le devoir d’y parvenir malgré nos différences.

Régis GODEC 
Maire Adjoint de Toulouse

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