José Bové réagit sur le Budget européen : se donner les moyens de répondre aux défis communs de notre temps
José Bové réagit sur le Budget européen : se donner les moyens de répondre aux défis communs de notre temps
La mise en place d’un cadre financier pluriannuel est une étape fondamentale pour l’Union européenne. Ce cadre définit pour les 7 prochaines années, le montant dont l’Union européenne disposera pour mettre en œuvre ses politiques. La Commission a fait une proposition demandant 1047 milliards d’euros, soit environ 150 milliards par an.
Le Parlement européen a voté à une écrasante majorité une enveloppe budgétaire de 1100 milliards, soit 50 milliards de plus, car il estime que les nouvelles politiques telle que la recherche et la lutte contre le réchauffement climatique ont besoin de moyens financiers pour avoir une chance de réussite et que l’on ne peut pas se permettre de déshabiller Paul (la PAC et les politiques de cohésion), pour habiller Pierre (la recherche, l’éducation, la culture, l’aide au développement. Le Parlement considère également que l’Europe c’est la solidarité, les membres les plus riches doivent contribuer plus que les Etats les plus pauvres.
Le Conseil européen, par la voix de son Président Van Rompuy, lui est parti dans l’autre direction. Les chefs d’états, à l’unisson, estime que le budget européen doit être raboté de 75 milliards. L’austérité, doit s’appliquer à tous les étages de l’Union européenne.
Il y 7 ans, les négociations ont duré pendant plus de six mois avec un Tony Blair, droit dans ses bottes qui refusait de faire la moindre concession. 7 ans plus tard, c’est au tour de M. Cameron de ressortir le costume de Margareth Thatcher et d’arriver à Bruxelles en brandissant son droit de véto et en exigeant des coupes sombres dans le budget européen.
Malgré cette manie britannique de jouer seul contre tous, je tiens à souligner qu’en Grande Bretagne, le Parlement britannique à son mot à dire sur la question du budget européen. Réunis à Westminster, le 1er novembre, les députés britanniques ont envoyé un message très clairs à leur premier ministre : l’Union européenne nous coute trop chère ! Il faut réduire les dépenses agricoles et raboter le budget proposé par la Commission de près de 20 % en exigeant une baisse de 200 milliards d’€.
Madame Merkel arrive également avec une volonté affirmée de réduire le budget de l’Union de 100 milliards d’euros. Mais, là aussi, la question a été débattue de manière démocratique et transparente au Bundestag, le Parlement allemand. Il en va de même dans la plupart des pays de l’Union européenne. Les chefs d’états ou de gouvernements sont les porte-voix des Assemblées de leur pays.
François Hollande, lui, reprend les habitudes de ses prédécesseurs. L’avis du Parlement ? Pour quoi faire ? Questionner le Sénat. Une perte de temps ! Non, la tradition gaullienne est perpétuée : le Chef de l’Etat décide seul de la position de la France. Dans les couloirs du Parlement européen à Strasbourg des rumeurs courent. «Cazeneuve aurait dit qu’il était prêt à accepter une baisse de 80 milliards. Hollande se serait mis d’accord avec Merkel et pourrait descendre jusqu’à 100 milliards. »
Un jour, M. Hollande est à Madrid pour cajoler Mariano Rajoy et lui promettre qu’il ne cédera pas un euro sur le budget de la PAC. Peu de temps après, il s’envole pour Varsovie où, la main sur le cœur, il s’engage vis-à-vis de Donald Tusk à ne pas lâcher un centime pour les politiques de cohésion. La France au lieu de donner des leçons de démocratie à ses voisins serait bien inspirer d’impliquer enfin les élus dans ce débat si fondamental pour l’Europe, nos concitoyens ont le droit de savoir ce que les négociations qui viennent d’échouer à Bruxelles signifie
Le budget européen, qui permet de lancer des politiques qui concernent ½ milliards de personnes est à peu près aussi important que celui de l’Autriche qui ne compte même pas 9 millions d’habitants ! Avec ces 150 milliards de dépenses annuel, il ne représente que 1% du budget européen. Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, Barack Obama peut compter sur 2750 milliards d’euros chaque année. Les dépenses fédérales pour la santé représentent la bagatelle de 500 milliards d’euros par an. En 1940, le budget fédéral représentait 10 % du PNB, aujourd’hui, il dépasse 23%. La montée en puissance à été graduelle, et si un état comme la Californie est au bord de la Banqueroute, le dollar n’est pas attaqué pour autant.
Le Conseil européen, lui pense nous sortir de l’ornière en allant dans le sens opposé : réduire le budget année après année. Comment créer dans ces conditions une Union européenne forte, capable de donner confiance à ses citoyens ? Nous avons besoin d’une Union européenne audacieuse qui se projette dans l’avenir, et qui prenne à bras le corps la question du réchauffement climatique en développant les énergies renouvelables.
En 1992, les taxes prélevées sur les importations représentaient 75 % du budget de l’Union européenne. Après la signature de l’OMC, et la mise en place de politiques libérales qui ont ouvert nos frontières ses ressources ont fondu comme neige au soleil. Les taxes douanières ne représentent aujourd’hui plus que 10 % du budget. L’OMC nous a littéralement mis à genoux. Ce sont les budgets nationaux qui ont été mis à contribution pour combler le manque à gagner. Alors M. Hollande sort sa calculette : je paie 19 milliards, j’en récupère 13,6, cela me coûte donc 6,4 milliards par an. De l’autre côté, des Pyrénées, Rajoy lui arrive à un gain de 3 milliards par an et à Varsovie, M. Tusk se félicite d’engranger 11 milliards. Madame Merkel a du mal a accepter la facture de 9 milliards et M. Cameron s’étrangle sur les 5,5 milliards qu’il doit verser au pot commune.
Cela fait pourtant maintenant plus de deux ans que le Parlement européen s’est prononcé pour la mise en place d’une taxation sur les transactions qui permettrait rapidement de récupérer 50 voire 100 milliards d’euros par an sans que le contribuable ne soit impacté. Mais les banques de la City ne veulent pas en entendre parler et les Chefs d’état trainent les pieds car ils savent pertinemment qu’en dotant l’Union européenne de ressources propres, il concède une part de leur sacro-sainte souveraineté nationale.
Les chefs d’état n’ont toujours pas compris que le Parlement européen dispose depuis peu d’un droit de véto. Le bras de fer est maintenant engagé.
Anne Lacouture