Grave incident à la centrale nucléaire de Penly
Jeudi 5 avril, deux départs de feu ont eu lieu sur une pompe du circuit primaire du réacteur n°2 de la centrale nucléaire de Penly (Seine-Maritime). Le Réseau revient sur les affirmations d’EDF et de l’ASN qui visent une fois de plus à dissimuler aux Français les défauts de sûreté récurrents du parc nucléaire hexagonal.
Point sur la situation
Point de la situation au 12 avril 2012 suite à l’incident survenu le 5 avril 2012, à 12h20 sur le réacteur n°2
Accident de Penly : grave minimisation des faits par EDF
Le 5 avril, un départ de feu a eu lieu sur une des pompes du circuit primaire du réacteur n°2 de la centrale nucléaire de Penly, suivi quelques heures après d’une importante fuite d’eau du circuit primaire suite à un défaut sur un joint. La lettre de suite d’inspection de l’ASN relative à cet accident, parue le jeudi 12 avril, fait entrevoir la gravité des événements. Le Réseau « Sortir du nucléaire » dénonce l’opacité d’EDF et rappelle la nécessité d’une sortie du nucléaire au plus vite, avant que de tels accidents ne se multiplient.
Quand « deux petites flaques d’huile » masquent une fuite importante
Selon EDF, le départ de feu à l’origine de l’ »incident » de Penly serait lié à « deux petites flaques d’huile » qui se seraient enflammées. Pourtant, la lettre de suivi d’inspection de l’Autorité de Sûreté Nucléaire fait état de « la présence d’huile sur différents équipements (calorifuges, tuyauteries, etc.), planchers et charpentes métalliques », et évoque même « une perte importante d’huile du système de lubrification du moteur électrique de la pompe primaire n° 1 » !
Ce cas ne constitue probablement qu’un des nombreux exemple de la minimisation des faits par l’exploitant nucléaire. On relévera ainsi que pour Henri Proglio, ce qui s’est passé à Penly n’est qu’un « accident technique », alors que selon la terminologie interne d’EDF, une perte de réfrigérant primaire constitue bel et bien un accident.
EDF occulte les pertes de contrôle
En évoquant une situation sous contrôle, EDF passe sous silence les imprévus survenus lors des divers tentatives des travailleurs pour stopper la fuite d’eau de la pompe. Il apparaît en effet que la manipulation d’une vanne pour maîtriser la fuite d’eau a déclenché « de manière inattendue » sa refermeture automatique, ainsi que celle d’une autre vanne. Il est inquiétant de constater que les opérations de reprise en main des équipements défectueux s’apparentent à du bricolage.
Quelles conséquences pour les travailleurs et l’environnement ?
Selon Henri Proglio, les problèmes survenus à Penly sont « sans conséquences pour l’environnement ». Comment expliquer alors que l’ACRO aie été empêchée de réaliser une partie des mesures aux abords de la centrale ? Par ailleurs, aucune donnée n’a été publiée sur l’exposition des travailleurs et des pompiers, et sur l’irradiation externe qu’ils ont pu subir. Rappelons que plusieurs litres d’eau ont fuit depuis le circuit primaire, une eau chargée en éléments radioactifs provenant de l’usure du combustible.
Un symptôme inquiétant de l’état de sûreté du parc
Cet accident survient sur une centrale relativement récente et censée avoir passé avec succès l’épreuve des « stress tests ». Est-il dû à une anomalie sur la pompe, susceptible de se retrouver sur les autres réacteurs de la même série ? À un défaut de maintenance lié à la dégradation des conditions de travail des sous-traitants ? À une usure accélérée du parc nucléaire due à des impératifs de productivité ? Quoi qu’il en soit, ce problème est révélateur d’un état de sûreté défaillant qui dépasse probablement le réacteur n°2 de Penly, et les candidats à la présidentielles ne peuvent plus décemment continuer à faire comme si tout allait pour le mieux, sous peine de devoir prochainement gérer un accident d’une gravité supérieure. Pour le Réseau « Sortir du nucléaire », il est inacceptable que les politiques restent passifs alors que les avertissements s’accumulent. N’attendons pas un accident plus grave pour envisager enfin un changement de politique énergétique !
NB : L’étendue réelle de l’accident reste encore inconnue. Les informations publiées jusqu’ici restent encore insuffisante pour comprendre l’origine et les conséquences réelles de ce qui s’est passé à Penly. Le Réseau « Sortir du nucléaire » et les collectifs proches de Penly resteront en alerte pendant les prochains jours.
Historique :
Selon Edf [1] : le 5 avril 2012, à 12h20, une alarme incendie s’est déclenchée suite à un dégagement de fumée dans un local situé dans le bâtiment réacteur de l’unité de production n°2 de la centrale nucléaire de Penly. Les systèmes de sécurité se sont enclenchés normalement et le réacteur s’est arrêté automatiquement. Conformément aux procédures, les pompiers ont été prévenus et sont d’ores et déjà sur place avec une dizaine de véhicules d’intervention. Par ailleurs, les équipes et les moyens de la centrale sont mobilisés. Il n’y a pas de blessé et les installations sont en sécurité. L’Autorité de sûreté nucléaire, la préfecture de région, la sous-préfecture de Dieppe et la Commission locale d’information ont été immédiatement informées de cet évènement.
Selon l’Asn [2] : Le 5 avril 2012, vers midi, l’ASN a été informée par EDF de la survenue d’un départ de feu sur le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Penly et de la mise à l’arrêt automatique du réacteur. Des équipes d’EDF et des pompiers sont entrés dans le bâtiment réacteur et ont éteint des flaques d’huile en feu. Le 5 avril 2012, vers 19h30, à la suite du départ de feu survenu dans l’après-midi, l’ASN a été informée par EDF d’une fuite anormale sur le circuit primaire du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Penly. EDF indique que l’eau provenant de la fuite est collectée via des circuits prévus à cet effet. Cette situation a conduit EDF à appliquer les procédures de conduite incidentelle pour piloter le réacteur. La situation actuelle n’a pas nécessité le déclenchement du plan d’urgence par l’exploitant. L’ASN a mobilisé ses équipes dans son centre d’urgence parisien ainsi que la division de Caen pour analyser la situation et suivre son évolution, en relation avec l’IRSN.
Première analyse du Réseau le 6 avril 2012 en attendant les précisions de l’ASN
Les données actuelles ne permettent pas de savoir si c’est le déséquilibre de la puissance du cœur, la baisse de pression suite à la fuite du circuit primaire ou encore l’incendie qui sont à l’origine de l’arrêt automatique du réacteur.
Ce n’est pas forcément sur un réacteur de première génération que des incidents graves arrivent. Penly 2 est un réacteur 1300 MW (palier P’4) mis en service en 1992. De plus, le risque incendie est un risque grave pour la sûreté nucléaire et ce risque n’est pas traité correctement, cf les effectifs et les budgets de lutte contre le feu dans les centrales et les scandales révélés par le Réseau « Sortir du nucléaire » il y a quelques années. Cela remet aussi en cause la capacité d’EDF à assurer la sûreté de ses installations et la crédibilité de son discours post Fukushima.
Dans tous les cas l’affaire est grave puisque c’est le refroidissement du combustible qui se retrouve déséquilibré par la perte d’une des quatre pompes du circuit primaire (Si le réacteur fonctionnait à pleine puissance au moment de l’incident, il était à 5 milliards de Watts thermiques).
Les pompiers et les personnels de secours sont intervenus dans une atmosphère radioactive et probablement contaminée par l’incendie : des données sur cet aspect doivent être fournies d’urgence par l’Autorité de Sûreté Nucléaire.
Comme toujours en matière de nucléaire, pour avoir une idée de ce que représente le terme anodin de « pompe » il suffit de se reporter à la photo ci-dessous pour appréhender un peu mieux la réalité.
- D’une hauteur de 8,3 m la pompe pèse 107 tonnes : le moteur consomme 6 Millions de Watts
- Photo extraite de L’Ère nucléaire – Jacques Leclercq – Hachette