Gérard Onesta – Invité de Médiapart –

Le sang des réfugiés coule dans nos veines

Gérard Onesta, vice président du Conseil régional de Midi Pyrénées et ancien vice président du Parlement Européen EELV, rappelle ici que sa région « est celle qui, en France, a été la plus fortement confrontée à la question de l’accueil des migrants au cours du XXe siècle ».Et adjure « cette gauche, visiblement encore perturbée par les débats malsains sur « l’identité nationale », de s’inspirer des valeurs de notre Occitanie et de notre Catalogne. »

« Quand le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres » (Tocqueville)

Dire qu’il a fallu qu’Aylan meure noyé pour que nos dirigeants, débordés par l’émotion planétaire face à ce gamin en qui chacun a reconnu le sien, sortent de leurs postures cyniques et prennent enfin la mesure de ce flot de détresse qui s’échoue à nos portes. Il est des déclarations compassionnelles bien trop tardives pour être sincères, mais au moins nous permettent-elles de nous pencher sur l’attitude qu’ont eue nos aïeux en de telles circonstances.

 

Si l’Histoire de nos territoires est écrite d’une encre riche de mille sources, ma région Languedoc Roussillon / Midi Pyrénées est celle qui, en France, a été la plus fortement confrontée à la question de l’accueil des migrants au cours du XXe siècle.

Dès les années 1920, elle a fait face à l’afflux de réfugiés italiens fuyant devant Mussolini. Mes grands-parents furent de ce voyage et l’engagement anti fasciste de ma famille fut la cause première de cette migration. Mais surtout, nous avons connu l’exil des républicains espagnols, un événement politique considérable qui a marqué notre terre. Cette Espagne républicaine qui – comme disait Nougaro, a « en nous poussé un peu sa corne » – nous a, au travers de ses multiples descendants, transmis la mémoire et les valeurs de cet exil tragique. N’oublions pas que le 24 Août 1944 les premiers éléments de l’armée française qui libéraient Paris parlaient espagnol. Les soldats de la « Nueve » étaient tous des réfugiés.

 

Plus tard, nos ports et nos villes accueilleront les vagues de migrants d’Algérie. Ainsi les eaux de Port-Vendres verront des milliers de rapatriés en déshérence débarquer en 1962, mais c’est leur installation sur le sol métropolitain qui permettra le développement des villes de Perpignan et de Montpellier, comme l’essor économique de nos campagnes.

Cette histoire particulière est lourde de déchirements, mais elle fait notre force et notre identité d’aujourd’hui. Alors nous lançons un appel pour qu’elle inspire le gouvernement de M. Valls afin qu’il mette en place une vraie politique d’accueil humaniste à l’égard des migrants. Car nous avons souffert de voir ce gouvernement balayer jusqu’à hier la proposition de répartir en Europe l’accueil des demandeurs d’asile pour faire face à l’afflux de malheureux fuyant ces guerres que nous n’avons pas su ou voulu éviter. Prenons notre « juste part », comme disait Michel Rocard, de ce devoir de solidarité universelle, plutôt que de pleurer hypocritement sur les milliers de cadavres qui couvrent, en vagues honteuses, cette Méditerranée qui a fondé notre civilisation.

Personne n’a oublié les images insupportables des forces de l’ordre de notre République harcelant ces miséreux dans les rues de Paris, alors qu’aucune prise en charge digne de ce nom n’est organisée pendant l’examen de leurs droits. Personne ne peut tolérer de voir des gares internationales barricadées ou des frontières hérissées de barbelés obscènes et dérisoires, Et de façon plus large, personne ne devrait non plus se réjouir de complaisantes ventes d’armes à des régimes dictatoriaux qui engendrent toujours, à terme, le flux du désespoir. L’Europe, comme la France, récoltent là le fruit de leur incurie, qu’au moins elles n’y ajoutent pas l’indécence de l’égoïsme.

 

Nous adjurons cette gauche, visiblement encore perturbée par les débats malsains sur « l’identité nationale », de s’inspirer des valeurs de notre Occitanie et de notre Catalogne. Messieurs Hollande et Valls devraient s’appuyer sur la force plurielle des racines profondes de la France, par exemple sur la « Convivència« , cet art du « vivre ensemble » qui sous-tend toute la culture méridionale et a permis l’apport positif des vagues de migrations.

 

Nous croyons à l’universalité de cette République métisse qui coule dans nos veines.

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