Eva Joly : « l’écologie ouvre un nouveau chemin pour créer un million demplois »
Ce vendredi, Eva Joly est allée à la rencontre des salariés de M-Réal en Haute-Normandie, qui sopposent à la fermeture de leur usine rentable et défendent sa conversion écologique. La candidate des écologistes y a développé son Pacte Ecologique pour lemploi.
« La France poursuit des mirages et des impasses pour répondre au chômage, à commencer par lespérance vaine d’une croissance retrouvée. La réponse des écologistes pour créer un million demplois, cest l’économie verte et le vivre mieux, cest léconomie de proximité, cest le retour du long terme dans léconomie par la rénovation du dialogue social. En changeant de perspective, de modèle, nous montrons aujourd’hui que nous sommes les seuls à ouvrir le chemin pour créer de nouveaux emplois », a déclaré Eva Joly.
Le Pacte Ecologique pour l’Emploi repose sur cinq piliers :
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la création net dun million demplois dici 2020 par la transition écologique (voir le chiffrage détaillé en pièce jointe ou surhttp://evajoly2012.fr/files/2012/01/1-million-def-ok.pdf) ;
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le développement dune économie de la proximité par un plan de développement pour les entreprises locales et un engagement national en faveur de l’Economie Sociale et Solidaire
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la protection des salariés et des entreprises contre la logique financière de cour terme, en donnant aux salariés la moitié des sièges dans les conseils d’administration et un droit de préemption sur leur entreprise si elle est condamnée à la fermeture.
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le « travailler mieux pour travailler tous », en donnant aux salariés un droit d’opposition à toute mesure d’organisation du travail qui pourrait mettre en danger la santé au travail, et en ouvrant un dialogue national sur le partage du temps de travail
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la préférence sociale et environnementale, en Europe et à ses frontières.
« Jai tenu à présenter ce pacte avant le sommet social décrété par Nicolas Sarkozy, qui est lexemple même dune politique de coups sans lendemains. Dans cette campagne, je ne serai pas une marchande dillusions. Je ne vous mentirai pas. Je propose ce que je peux tenir en fonction du principe de responsabilité » a poursuivi Eva Joly.
Le discours d’Eva Joly est accessible ci-dessous et sur son site : http://evajoly2012.fr/2012/01/13/discours-deva-joly-sur-le-pacte-ecologique-pour-lemploi/
Projet « 1 million d’emplois » en pièce jointe
Agathe Remoué
Relations presse d’Eva Joly
Discours dEva Joly à Alizay sur le Pacte écologique pour lemploi
Cher-e-s ami-e-s,
Je vous ai donné rendez-vous aujourdhui sur ce site, non pas par anecdote ou comme on ferait la tournée des usines, pour vous réunir au milieu dun atelier. Lusine dAlizay dans laquelle nous nous trouvons aujourdhui a une histoire : un passé, un présent et, jen suis persuadée, un avenir. Je suis venue vous parler de son avenir, de notre avenir.
Lendroit où nous nous trouvons est une usine qui abrite lune des plus grandes machines de fabrication de papier dEurope. Le savoir-faire des salariés nest plus à démontrer. Pourtant, fin 2009, la société M-real a fermé les ateliers de production de pâte à papier du site dAlizay et le 4 mai 2011, ce groupe Finlandais a annoncé vouloir fermer définitivement tous les ateliers de production de papier encore en exploitation.
550 emplois pourraient disparaître dans une vallée déjà très touchée par le chômage. De nombreuses solutions ont étés proposées, mais la société M-real na rien voulu entendre. Le site dAlizay est rentable, mais M-real préfère regrouper ses activités ailleurs et fermer ce site pour empêcher toute concurrence.
Pourtant à quelques kilomètres dici, la raffinerie Pétroplus est en train de fermer ses portes. Si nous engagions la transition écologique, nous aurions dès demain les moyens de produire ici des agrocarburants de nouvelle génération qui correspondraient à 20% de la capacité de production de Pétroplus.
Ce projet de renouveau industriel, des investisseurs sont prêts à la financer et les salariés sont désireux de le soutenir. Pour tous cest lavenir. Mais pas pour la société M-real qui refuse de vendre cette usine et préfère la laisser mourir. Je propose de réformer le droit français pour permettre, dans des situations exceptionnelles comme celle-ci, de pouvoir obliger un actionnaire qui refuse de vendre à vendre quand même, au prix de marché bien sûr.
On a dit aux salariés de M-real et à ceux de Pétroplus quil ny avait plus rien à faire. Moi je leur dis : vous navez pas besoin de fausses promesses, de grandes déclarations ou dincantations : vous avez déjà un avenir !
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Une société qui nassure pas à chacun un emploi et un revenu décent est une société qui a fait son temps. Un nombre croissant et très important dentre nous ont peur, pour eux-mêmes, pour leur famille, pour leurs enfants et petits-enfants, pour leurs proches. Ils sont angoissés par la montée du chômage et le glissement vers la précarité.
Après cinq ans de présidence de Nicolas Sarkozy, davantage de Françaises et de Français sont sans emploi, et davantage travaillent plus et plus durement, pour gagner moins.
Quand jécoute un travailleur qui me dit comment son usine a fermé, je me souviens de tous ces hommes et ces femmes, que jai soutenus et pour lesquels je me suis battue il y a 20 ans lorsque jétais secrétaire général adjoint du Comité interministériel de restructuration industrielle, et que je me battais pour que des emplois soient sauvegardés. Il ny a pas de fatalité au chômage.
Le 14 juillet 1993, François Mitterrand, résigné, déclarait : « En matière de lutte contre le chômage, on a tout essayé ». Et bien, près de vingt ans plus tard, je le dis : non, nous navons pas tout essayé.
Pendant trente cinq ans on a poursuivi des mirages et des impasses : lespérance vaine dune croissance retrouvée, lillusion de la flexibilité du marché du travail, labaissement du coût du travail. Le « traitement statistique du chômage » consistant à radier temporairement ou définitivement les chômeurs.
En la matière Nicolas Sarkozy a échoué : « travailler plus pour gagner plus » est devenu « chômer plus pour gagner moins ». Les derniers chiffres du chômage signent la faillite de la droite au pouvoir. Non, vraiment, tout na pas été essayé et notamment pas la conversion de léconomie à lécologie. Une solution qui marche pourtant ailleurs.
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La France doit se doter enfin dune vision stratégique sur lemploi au lieu de répondre toujours trop tard et mal, au coup par coup. Notre vision nest pas une illusion. Les mesures en sont chiffrées ; elles sont structurées autour de deux axes clés : léconomie verte et le vivre-mieux.
Jai tenu à présenter le volet concernant la transition écologique de léconomie de mon Pacte écologique pour lemploi quelques jours avant le sommet social décrété par Nicolas Sarkozy, qui est lexemple même dune politique de coups sans lendemain, deffets dannonce non suivis de faits tangibles, desbroufe et surtout, surtout, de fausse concertation.
Pendant longtemps écologie et emplois ont semblé sopposer. Nous savons aujourdhui que cela est faux. LAllemagne ou encore le Danemark le montrent: ce qui est bon pour la planète est bon pour lemploi. Le Pacte écologique pour lemploi que je vous propose aujourdhui repose sur cinq piliers :
1) Tout dabord, dici 2020, nous pouvons créer 1 million demplois. Il ne sagit pas dune promesse en lair, nous avons chiffré et mesuré limpact de la transition écologique de léconomie. Ma priorité, cest de montrer quen France, créer de lemploi, oui cest possible.
Un million demplois, cest faire le choix de la transition énergétique, des énergies renouvelables et des économies dénergie !
Un million demplois, cest choisir une agriculture paysanne qui permette une alimentation de qualité pour tous !
Un million demplois, cest offrir un logement décent à chacun en construisant 100 000 logements de plus par an !
Un million demplois, cest offrir une place de crèche à tous !
Un million demplois, cest organiser une prise en charge solidaire de la dépendance.
Un million demplois, cest prendre un engagement national en faveur de léconomie sociale et solidaire, doté dune loi-cadre et de fonds dinvestissements locaux et régionaux.
M. Proglio avait fait de nous des adversaires de lemploi, nous montrons aujourdhui que nous sommes les seuls à ouvrir le chemin pour véritablement créer de nouveaux emplois. Ces chiffres sont précis et calculés dans le dossier de presse que vous avez entre les mains.
Ces emplois ne se créent pas de manière spontanée, mais par un investissement sur lavenir. Ces emplois ne tomberont pas du ciel. Mais ils viendront de nouvelles politiques publiques. En somme, au lieu de dire comme notre président actuel, « lenvironnement ça suffit », faisons dès aujourdhui le pari de répondre aujourdhui à lurgence écologique,
2) Le deuxième pilier de mon pacte, cest le plan de développement pour les entreprises locales. Mon engagement, cest une économie de la proximité. Nous voulons créer des emplois durables et non délocalisables, pas des emplois jetables et précaires que lon élimine du jour au lendemain. Je veux permettre à chacun davoir accès à un emploi à côté de chez lui et non pas de devoir sexiler à des kilomètres de son domicile pour pouvoir nourrir sa famille.
Cest pour cela que je propose à la fois un plan de développement pour les entreprises locales, avec une fiscalité soutenant les TPE/PME et les entreprises locales et écologiques ; des mesures de soutien à linnovation et à la recherche dans les PME ; la responsabilisation des administrations publiques vis-à-vis des PME comme lapplication stricte des délais de paiement pour ladministration elle-même, lEtat et les collectivités ; et laide à linstallation des artisans débutants.
3) Je veux protéger les salariés et les entreprises de la logique financière. À la logique de la rentabilité et du court terme, je veux faire succéder limpératif de la durabilité et du long terme.
Les salariés doivent avoir toute leur place dans la décision. Cest pourquoi je veux rénover le dialogue social en donnant, dans les entreprises de plus de 500 salariés, la moitié des sièges dans les conseils dadministration ou les conseils de surveillance aux représentants des salariés. Cela existe dans un petit pays exotique que jai déjà cité quand jai parlé du blocage des loyers. Ce petit pays exotique, cest lAllemagne.
Ainsi, nous pouvons être certains quils ne seront pas otages de la décision de quelques actionnaires, qui ne regardent une activité quà la taille de ses dividendes.
4) Ensuite, je veux proposer aux Français-es de travailler mieux pour travailler tous. Je sais que cette proposition apparaît comme inhabituelle, mais cinq ans après le « travailler plus pour gagner plus », que les Français ont-ils gagné à part du stress, de langoisse et du chômage ? Je veux dire ici quun travail de qualité, cest un droit pour tous les citoyens mais cest aussi une chance pour chacun de conserver son emploi.
Cest pourquoi je veux que nous donnions à tous les salariés un droit dopposition à toute mesure dorganisation du travail qui pourrait mettre en danger la santé au travail.
Je veux ouvrir un dialogue national sur le partage du temps de travail qui passe par la baisse de la durée collective du temps de travail, et donc la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires et laugmentation de leur rémunération. Si nous devons en finir avec le détricotage des 35 heures, nous devons mettre en place des processus de concertation sur la RTT par branche, qui impose la création demplois. Je relancerai la négociation sur la réduction du temps de travail tout au long de la vie, dès 2012.
Il ne sagit pas de sengager dès aujourdhui pour les 32 heures partout, mais douvrir un débat national pour que nous refusions de toujours travailler plus pour gagner moins. Refuser dexplorer cette voie, cest faire de lidéologie. Moi, je suis pragmatique.
5) Je veux mettre en place une préférence sociale et environnementale. Pour moi ça nest pas la nationalité qui compte, cest la qualité. Quelle ironie de voir ceux qui étaient hier les défenseurs de lEurope, ne parler plus dans cette campagne que de nationalité.
La qualité, cest la proximité.
La qualité, cest le respect des normes environnementales.
La qualité, cest de contribuer à lutter contre le dérèglement climatique.
La qualité, cest le respect des droits sociaux.
La qualité, cest le respect de légalité salariale entre les hommes et les femmes.
Cette préférence je la porte en Europe et nous gagnons du terrain. Déjà lEurope est en train de se convertir à la réciprocité dans les échanges commerciaux. Mais cette préférence sociale et environnementale peut sappliquer dès maintenant sur notre territoire.
Je mettrai en place une éco-conditionnalité des aides publiques : pas un euro dargent public ne doit aller à une entreprise qui ne respecte pas les meilleures exigences environnementales, ou ne garantit pas de véritables droits sociaux dans lentreprise. Cest à lÉtat dêtre exemplaire, lorsquil sagit de ses citoyens !
Je demande à ce que ces propositions soient versées au sommet social de la semaine prochaine. Je rencontrerai les organisations syndicales à ce sujet dans les prochains jours ; parce que ces mesures ne peuvent pas être appliquées sans que des États généraux de la transformation écologique de léconomie soient mises en oeuvre, pour vérifier secteur après secteur combien nous pouvons créer demplois et combien nous allons en perdre.
Je sais déjà que dans lindustrie automobile et dans lindustrie nucléaire, et vous pouvez le vérifier dans ma proposition de Pacte, le processus de reconversion ne débouchera pas sur la destruction massive demplois. Bien au contraire, anticiper lavenir dans ces secteurs nous empêchera de connaître le destin de la sidérurgie dans les années 1980. Je ne laisserai pas la pétrochimie et le raffinage finir comme la sidérurgie. Je ne dirai pas aux salariés de ces secteurs : « prends ton chèque et tais-toi ».
Personne ne doit rester au bord du chemin. Le chômage, cest aussi une injustice qui mine les principes sur lesquels se construisent une société et un État. Lorsque lÉtat ne remplit plus ses obligations, lorsque la République ne protège plus et abandonne les citoyens en les laissant seuls face à la loi du marché, ceux-ci abandonnent la République.
La montée du Front national ne sexplique pas sans le chômage de masse et lexclusion. Cest ce qui sest passé depuis des dizaines dannées sous les gouvernements de droite ou de gauche.
Cest pourquoi il faut que nous changions de perspective , que nous changions de modèle de développement, que nous changions déconomie. Cest pour cela que nous devons en même temps que faire baisser le chômage, améliorer la qualité de lemploi en faisant reculer la précarité, en assurant une formation tout au long de la vie et en combattant les discriminations qui existent sur le marché du travail envers les jeunes, les femmes, les moins qualifiés et les seniors.
Pour les écologistes, la dignité est la valeur suprême. La dignité humaine est atteinte par le chômage. La perte de son emploi est non seulement un drame humain, mais une amputation pour toute la société.
Cest pour cette raison que nous ne devons pas baisser les bras, que je ne baisserai pas les bras. Je suis triste de voir mon pays rater le train de la nouvelle révolution industrielle écologique.
Ce que je veux dire aux Français, cest que oui, cest possible. Nous navons pas tout essayé, il existe un espoir, un chemin. Un chemin que dautres pays empruntent avec succès. Pourquoi pas la France ?
Alors en 2012, votons juste, votons utile pour lemploi et la planète, pour que demain ne soit plus comme avant.
Je vous remercie.
Eva Joly