Et maintenant tout le monde veut sortir du nucléaire (enfin presque)

Par Stéphane DELEFORGE

Décidemment, les combats historiques des écologistes sont follement tendance. Je ne sais pas si c’est parce qu’ils ont laissé leurs chèvres sur le Larzac et les herbes qui font rire en pleine nature (et à Jean-Michel Baylet), mais les thèmes « farfelus » de quelques « hurluberlus » des années soixante-dix, sont en passe de devenir les thèmes centraux de la campagne des présidentielles de 2012. 

Des mots hier encore tabous parcourent notre vocabulaire quotidien tel décroissance. Une expression comme économie d’énergie n’est plus ringarde. Évoquer la vanité de la consommation est désormais possible et la sortie du nucléaire a percé jusque sur les plateaux de France 2 lors des primaires socialistes et sans le dédain auquel nous étions habitués. Pour les militants écologistes, rien n’a changé dans la dénonciation du gigantisme et des excès de nos modes de vie. Ce qui est nouveau c’est la notion de limite car la conscience d’une planète finie est entrée dans les esprits, une planète aux ressources qui ne sont plus perçues comme illimitées. Avons-nous franchi une limite irréversible, sommes-nous sur le point de le faire ? Nous ne pouvons mettre à nouveau ces questions sous le tapis pour 50 ans encore. C’est douloureux, comme l’est toute prise de conscience de responsabilités nouvelles, qui nécessitent aussi des renoncements. Et c’est stimulant comme tout nouveau défi, qui nous demande d’inventer d’autres solutions, mais finalement comme les Anciens ont su le faire en leur temps. Ruptures, continuités, le monde avance ainsi depuis toujours, cela doit nous encourager.

La cause est grande mais les réponses sont décevantes. A l’image de tout ce qu’il a entrepris, et avec sa capacité à susciter de l’enthousiasme, notre grand Président a raté le Grenelle de l’Environnement. Seuls les effets d’annonce sont restés, la mobilisation citoyenne est retombée (a-t-elle seulement démarré ?). De ce fiasco ressort un souvenir, celui de l’interdiction de parler du nucléaire. Pourquoi les associations ont-elles accepté une telle concession, alors que le nucléaire représente des sommes colossales dans notre politique énergétique ? Elles ont préféré avancer sur tous les autres sujets, et ils sont nombreux, en « oubliant » le nucléaire. Faut-il aujourd’hui le leur reprocher ? Ce qui est sûr c’est que le nucléaire est revenu par la fenêtre et que la campagne présidentielle de 2012 sera bien différente de celle de 2007.

La semaine dernière, Greenpeace, fervent opposant au nucléaire a classé les candidats à la présidentielle en 3 catégories sur cette question : les engagés, les attentistes et les rétrogrades. Dans les engagés, sans surprise nous retrouvons Eva Joly, et aussi Philippe Poutou du NPA. Parmi les attentistes, on trouve François Bayrou, Dominique de Villepin et François Hollande. Et parmi les rétrogrades, Christine Boutin, JP Chevènement (ou sa momie), Nicolas Dupont-Aignant, Frédéric Nihous, Nicolas Sarkozy, et … Jean-Luc Mélenchon. Quelle ne fut pas alors ma surprise de voir à Castres une affiche du Parti de Gauche qui annonce clairement la couleur : « ni nucléaire, ni effet de serre, sortons du productivisme par la planification écologique ». On remplace « planification » par « conversion » et ça devient du Eva Joly dans le texte (l’accent charmant en moins). Et comme sur l’affiche nous retrouvons le logo « Front de Gauche », tout laisse à penser que le Parti Communiste partage ce volontarisme.

Quel chemin parcouru par les idées antinucléaires en France ! Jetons un œil du côté du PS qui ne sort pas (encore) du nucléaire, mais de sa primaire. Que dit François Hollande ? En substance « je ne peux pas m’engager pour dans 60 ans car personne ne pourra vérifier si j’ai tenu mes engagements » et de proposer de passer la proportion de nucléaire à 50%. C’est argumenté, rationnel, d’une présentation difficilement contestable, mais est-ce vraiment la question ? Où est la notion de danger, et donc la notion d’urgence ? Le jeudi 10 mars 2011, le grand État développé qu’est le Japon était sûr de sa Science. Le lendemain un nouveau mot entrait dans l’histoire : Fukushima. François Hollande, s’il est choisi par les Français, sera-t-il un président plein de certitudes au point de ne pas remettre en cause le dogme du nucléaire ? Si c’est le cas, il est certain que Claude Allègre entrera au gouvernement.

Pour avancer sur la sortie du nucléaire, faut-il un référendum, comme le propose Jean-Luc Mélenchon ? Mitterrand avait déjà proposé un référendum sur le nucléaire en 1981, qu’il s’était empressé d’oublier pour construire à son tour de nouvelles centrales. Par ailleurs, les référendums, bien que séduisants, restent des outils de consultation délicats. Les Français auraient-ils aboli la peine de mort en 1981 par référendum ? Rappelons que sur ces questions graves, nous sommes dans le registre des principes : je ne peux condamner un homme à mort sous quelque prétexte que ce soit, par principe, et je ne peux utiliser une énergie potentiellement mortelle pour les êtres vivants sous quelque prétexte que ce soit, par principe. Les politiques, hommes et femmes, nouvellement élu(e)s en 2012 devront prendre leurs responsabilités et se saisir de la question, dans le cadre d’un programme énergétique global ambitieux.

Après le nucléaire, préparons nous d’ors et déjà à la prochaine question écologique qui viendra très bientôt dans le débat. Je vois, dans ma boule de cristal (verte), qu’après un grand scandale sur l’alimentation polluée aux pesticides, le débat portera sur la généralisation de l’agriculture bio. Certains parleront de planification biologique et d’autres de conversion biologique. D’autres encore déclareront que le réalisme impose de ne pas prendre de décision à trop long terme. Pendant ce temps, les idées avancent et c’est bien là l’essentiel, et les écologistes seront au rendez-vous pour que ces idées entrent dans les lieux où les décisions se prennent.

Sur ce sujet « rayonnant », est disponible en kiosque « Nucléaire : c’est par où la sortie ? », Les Dossiers du Canard, 100p., 5,35 € Lien : stress test présidentielle Greenpeace : http://greenpeace.fr/2012/# !/

Un commentaire pour “Et maintenant tout le monde veut sortir du nucléaire (enfin presque)”

  1. et maintenant, Corinne Lepage a rejoint Eva dans le meilleur classement, quel dommage qu’elle soit candidate, pas bon pour nous, à mon avis….les voix des écologistes n’avaient pas besoin de se diviser!
    arriverons nous à peser vraiment pour sortir du nucléaire? il le faut, mais moi, je n’ai pas trop confiance dans le PS, sauf s’il est poussé par une volonté populaire…….
    quant à cet article du monde sur des négociations actuelles où on laisserait tomber la sortie du nucléaire, qui en sait plus? info ou intox????????

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