Deux parlementaires écologistes rencontrent Aurore Martin

Madrid, le vendredi 14 décembre 2012

 

Ce matin, Catherine Grèze, Députée européenne du Sud-Ouest, et Hélène Lipietz, Sénatrice de Seine-et-Marne, ont rendu visite à Aurore Martin, militante basque incarcérée près de Madrid. Leur objectif était de manifester à Aurore Martin tout leur soutien dans l’épreuve qu’elle traverse et de prendre de ses nouvelles, six semaines après son arrestation.

           

Pour Catherine Grèze, membre de l’intergroupe du Parlement européen dédié à la résolution du conflit basque : « l’arrestation d’Aurore Martin a fragilisé le processus de paix engagé au Pays Basque. Or la France avait le pouvoir de ne pas procéder à son arrestation, puisqu’un Etat peut ne pas donner suite à un Mandat d’arrêt européen, « s’il est établi que ledit mandat a été émis dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison (…) de ses opinions politiques (…) » (article 695-22 du Code de procédure pénale) ». 

 

Hélène Lipietz, membre de la commission des lois du Sénat, avait interpellé le Gouvernement sur cette arrestation : « pour que le Mandat d’arrêt européen soit valide, il faut que les faits reprochés dans l’Etat émetteur fassent encourir plus de trois ans d’emprisonnement, ce qui n’inclut aucune obligation de double incrimination, dans le pays d’accueil et dans le pays émetteur. Or il n’existe pas de référentiel européen de l’échelle des peines ni de la qualification des délits et des crimes. A quand une réflexion sur ce sujet ? »

Aurore Martin va aussi bien que l’on puisse aller en prison. Elle appelle aujourd’hui plus que jamais à la continuation du processus de paix engagé lors de la Conférence internationale d’Aiete, notamment par l’implication positive des gouvernements français et espagnols.

Les parlementaires précisent que cette visite a été organisée suite à l’accord d’Aurore Martin, en lien avec les autorités françaises et espagnoles, hors quota des visites réservées à ses proches.

 Prison Soto Del Real, où est incarcérée Aurore Martin

Catherine Greze nous relate sa rencontre

Soto del Real au petit matin. Après les embouteillages madrilènes, la terre nue défile et le Centre pénitentiaire apparaît loin de l’image « léchée » de google. Une nappe de brouillard masque la Sierra de Guadarrama et renforce la sensation de solitude.

 

La voiture se gare sur un immense parking pratiquement vide. Nous avons la sensation d’être seules à parvenir en ce lieu « hors du monde ».

 

Hélène Lipietz, qui siège à la Commission des Lois au Sénat, est une familière des centres pénitenciers : elle a été avocate en milieu carcéral et nous lui devons d’avoir trouvé le chemin dans les arcanes administratives pour être parvenues jusqu’ici.

 

Déjà lors de mon récent séjour en Espagne lors de l’Assemblée Eurolat, j’avais reçu des demandes pressantes d’amies pour rendre visite à Aurore, mais ce fut alors impossible. De même les députés européens du groupe d’amitié Basque tentons toujours sans réponse d’obtenir un droit de visite pour un groupe plus large de parlementaires.

 

Aussi lorsque pour ainsi dire «  à la dernière minute » Hélène et moi, après bien sûr les échanges avec la famille d’Aurore et son assentiment personnel, avons reçu le feu vert,  nous n’avons pas hésité un instant.

 

Un effort a visiblement été fait pour notre accueil. La Consule Générale de France nous a accompagnées avec sa voiture. Nous ne sommes pas fouillées à l’entrée de la prison et n’avons aucune limite de temps pour notre rencontre avec Aurore. La petite salle est chauffée, propre et relativement confortable. Le centre lui-même, neuf, en briques claires parait loin, aux dires d’Hélène, de beaucoup de prisons françaises délabrées, sentant des relents d’urine et surchargées…mais il avait été visiblement fraîchement nettoyé !

 

Aurore confirme que ses conditions de détention physique sont « correctes » : elle partage sa cellule avec une autre détenue et sa journée est rythmée par des ateliers, des activités : gymnastique, couture, lecture. Elle apparaît en bonne santé et sereine.

 

Pour autant, le régime carcéral est très dur, comme celui des autres prisonniers politiques, que l’appartenance à Batasuna classe immédiatement dans un régime particulier « isolé ».  Les Droits de visite sont très limités à 10 pour sa famille ou ses proches (les visites parlementaires étant hors quota). Elle ne peut téléphoner que deux fois cinq minutes par semaine. Son courrier est lu et filtré. Elle n’a pas accès aux informations du monde extérieur. Elle n’a vu sa maman qu’une fois depuis ses six semaines de détention et la visite de décembre a été refusée.

 

Hélène a dévalisé Gilbert Jeune avec une pile de dictionnaires, méthode « Assimil » et autres livres pour apprendre l’espagnol que sa mère nous avait demandées de lui apporter. Pour ma part, j’ai choisi de lui apporter quelques romans « optimistes » : Italo Calvino et le « Baron Perché » ; Giono ou encore les « Piliers de la Terre » de Ken Follett. La Consule avait ajouté une pile de revues « féminines » en espagnol pour ses co-détenues. Nous lui avons apportée aussi quelques cadeaux, chocolats du Sénat, et friandises de Strasbourg.

Aurore est contente de nous voir.

 

Au delà des premiers échanges sur ses conditions de détention, nous avons bien sûr évoqué les conditions de son arrestation. Les faits qu’elle relate confirment les interrogations soulevées par cette arrestation « fortuite » : un barrage routier massif, en présence d’un  « civil ». Les gendarmes n’auraient-ils pas dû, en référer au Procureur qui lui même aurait dû contacter sa ministre de tutelle, Madame Taubira… ? Bref beaucoup de zones d’ombres et nous ne croyons pas un instant à un « hasard » alors qu’Aurore ne se cachait pas, qu’elle avait fait sa carte grise à la sous préfecture de Bayonne, qu’elle pointait à Pôle Emploi… et tout cela deux jours après la visite de Monsieur Valls en Espagne et ses déclarations pour balayer d’un revers de manche la question de la Collectivité Territoriale au Pays Basque.

 

Double boulette politique : celle de livrer pour la première fois une citoyenne française à un pays étranger pour des motifs d’expression politique et celle de fermer le dialogue sur la question de la Collectivité Territoriale à l’heure où la nouvelle loi sur la décentralisation (voir les interventions de Ronan Dantec) dont Madame Lebranchu sera l’auteure va justement permettre de nouvelles collectivités territoriales comme le nouveau département d’Alsace et comme cela pourrait être le cas au Pays Basque (pour mémoire, c’était une des promesses de François Mitterand….).

 

Hélène, qui est juriste, pose beaucoup de questions sur l’état d’avancée du dossier. Les avocates d’Aurore ont fait une demande de mise en liberté sous caution, il y a trois semaines et bien entendu nous allons l’appuyer.

 

L’autre thème au cœur de nos échanges a été le Processus de Paix au Pays Basque.

Le Forum de Bayonne qui se tient se week-end en est encore un moment très fort d’une réflexion, d’une évaluation de l’état d’avancée du processus avec une participation massive de la société civile au delà des acteurs politiques.

 

Là encore Monsieur Valls a montré à quel point il était « hors contexte ». Depuis deux ans, la situation a considérablement évolué. La Conférence de Santander en octobre 2011 avait réuni des personnalités aussi considérables que Kofi Anan ou JonathanPowel (qui avait négocié la Résolution du Conflit Irlandais au sein du gouvernement britannique). Une feuille de route avait été établie. L’ETA a annoncé le renoncement à la lutte armée. Les coalitions électorales de SORTU puis de BILDU avec une participation aux dernières élections pour le Parlement Basque en octobre dernier ont démontré qu’une voie d’expression politique non violente du mouvement nationaliste basque est possible.

 

La paix n’est pas un « événement » mais un « processus ». Elle ne se déclarepas : et cela l’histoire des Accords d’Oslo nous l’a bien montré. Un processus de paix signifie du dialogue. Et c’est difficile. C’est douloureux. Il y a eu beaucoup de victimes innocentes dans le conflit basque.

La seule solution pour retrouver la paix, comme en Afrique du Sud, comme en Irlande… c’est le dialogue des parties concernées, c’est l’engagement des gouvernements français et espagnols, c’est l’implication de l’Union Européenne pour que ce dernier conflit soit enfin résolu et que l’on puisse enfin dire que l’Europe est en paix.

Un abrazo. Fuerte.

Au revoir. A te revoir bientôt Aurore.

Nous sommes dehors.

Mon premier coup de fil sera à Alice Leiciaguecahar, Conseillère Régionale EELV, qui a assumé, à l’instar d’une quarantaine d’élus Basques avoir « hébergé »Aurore. Celle dont le témoignage en mars 2011 sur l’arrestation de jeunes basques nous avait bouleversé.  Celle qui fond en larmes au téléphone quand elle apprend qu’Aurore va bien.

 

Catherine Grèze

Un commentaire pour “Deux parlementaires écologistes rencontrent Aurore Martin”

  1. Bravo à tous ceux qui ont rendu possible cette rencontre qui favorise l’humain et le dialogue, contre l’invraisemblable et régressive obscurité d’arrière garde que semble encore vouloir maintenir le gouvernement de la France. Bravo encore, en appuyant le grand espoir que ce sont des actions comme celle-ci qui nous font avancer plus sûrement vers un monde meilleur.

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