Catherine Greze : Expulsion Frédéric Lievy : précisions sur le dossier

Suite aux marques de soutiens ou interrogations au sujet de la condamnation de Frédéric Lievy à détruire son habitation, et de la situation des Gens du voyage en général, voici quelques précisions sur le dossier.

« Voyageur sédentarisé, Frédéric Lievy s’est installé en 2007 en résidence mobile sur une parcelle agricole dont il est propriétaire afin de mener à bien son projet d’élevage avicole bio. Quand il a acheté ce terrain, il a fait part de ses projets de construction. Si à cette époque le Maire s’y était opposé, il ne se serait sans doute jamais lancé dans cette direction. A l’époque, cet élevage est un temps expérimental et mené en parallèle de son activité salariée, quoique toujours dûment déclarée. Il se développe ensuite de façon continue et devient finalement son activité principale.

 

Ce terrain est ce qu’on appelle un « terrain familial », c’est-à-dire un terrain dont le voyageur sédentarisé ou en voie de sédentarisation est propriétaire ou locataire. Il lui permet d’y habiter durablement avec sa ou ses caravanes. A l’échelle nationale, cette option fait partie des solutions identifiées pour l’accueil des gens du voyage, avec les aires d’accueil et les aires de grand passage. Elle a l’avantage de permettre un véritable ancrage territorial, et donc une scolarisation suivie des enfants, tout en conciliant tradition culturelle et adaptation au mode de vie de la société globale, sans devoir renoncer au voyage renoncer au voyage une partie de l’année. Notons qu’en dehors de ces terrains et des aires d’accueil, il est interdit de stationner plus de 3 mois en caravane sans autorisation de stationnement.

 

Légalement, au niveau national la loi SRU impose la diversité des types d’habitat dans les documents d’urbanisme. De même, la loi Besson demande à ce que les besoins en terrains familiaux soient identifiés dans les Schémas départementaux d’accueil des Gens du voyage. Le Schéma départemental de la Haute-Garonne, outre la création d’aires d’accueil et de terrains de grand passage, a fait également apparaître dans sa partie consacrée aux annexes obligatoires, des besoins relatifs à l’habitat pour les familles de Gens du voyage ancrées sur le département. Malheureusement, pour l’instant, la mise en œuvre des annexes de ces schémas n’est pas obligatoire. Pourtant, certaines communes montrent l’exemple : les terrains familiaux y sont souvent légalisés au moment de la modification des plans d’urbanisme. Il s’agit donc d’une simple question de volonté politique !

Concernant Frédéric Lievy, c’est le Sivom de la Saudrune qui est en charge de l’accueil des Gens du voyage sur la commune de Frouzins (entre autre). Et ce n’est autre que M. le Maire de Frouzins qui est à sa tête … Autant dire que les besoins en terrains familiaux de la zone ne sont pas près d’être pris en compte. Pourtant, chose incroyable, le terrain de Frédéric Lievy est considéré comme exemplaire par certaines collectivités puisqu’il a été mis en avant par le film «Un terrain pour ma famille » du SIEANAT, financé par le Conseil Général de la Haute Garonne au sein duquel M. Bertrand est élu et dont M. Izard est président.

 

L’Europe va elle aussi dans ce sens : j’ai moi-même avec une collègue déposé un amendement (qui a été voté), rendant plus accessible les fonds FEDER aux Gens du voyage. Il s’agit du Règlement n°437/2010 du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 modifiant le règlement CE 1080/2006 relatif au FEDER et portant sur l’éligibilité des interventions dans le domaine du logement en faveur des communautés marginalisées. Ce texte est directement applicable car il s’agit d’un règlement. Il touche les fonds européens qui sont gérés par l’Etat français, qui a émis une circulaire pour préciser comment devra être dépensé cet argent pour la période 2007-2013.  La circulaire du 16 mars 2011 de la DATAR prend comme exemples d’interventions prioritaires : ” Pour ce qui concerne les formes d’habitats des gens du voyage : locaux d’accueil et sanitaires dans les aires d’accueil, habitats adaptés, villages d’insertion, terrains familiaux locatifs … ” (Page 2 de l’annexe de la circulaire).

 

Au vu de cette situation, depuis l’achat de son terrain, Frédéric Lievy a déposé six demandes différentes de permis de construire. Elles lui ont toutes été refusées. Chaque fois, de nouvelles pièces ont été demandées, elles ont été transmises. Dans le dernier refus notamment, M. Le Maire se base sur un avis consultatif de la Chambre d’agriculture considérant qu’en deçà d’un certain revenu annuel, la viabilité de l’exploitation n’était pas démontrée, et que, par conséquent, la nécessité d’un logement de fonction n’était pas établie. En tant qu’écologiste, nous pouvons nous interroger sur ce seuil de viabilité étant donné que Frédéric Lievy parvient avec ses revenus à faire vivre toute sa famille. Il a donc cherché à trouver une issue au litige en contactant le SIEANAT (Syndicat mixte pour l’accueil des gens du voyage dans le département de Haute-Garonne), médiateur reconnu sur ces problématiques. Le Maire a refusé toute médiation.

 

En 2009, sur demande du Maire, la Direction départementale de l’équipement et de l’agriculture a constaté l’infraction du droit de l’urbanisme. Des poursuites ont alors été engagées.

 

Lors du procès en premier instance, au vu de la bonne volonté apparente de M. Le Maire, pensant qu’une conciliation serait possible, le juge a fait une demande d’ajournement de peine, afin de laisser le temps à Frédéric Lievy de faire une nouvelle demande de permis. On avait alors tout lieu de penser qu’on irait vers une dispense de peine.

 

Avant de déposer un nouveau permis, Frédéric et son collectif organisent une réunion avec M. le Maire, afin d’être sûr cette fois que toutes les pièces nécessaires au dossier seraient fournies. Pourtant, ce énième permis est refusé ! De nouvelles pièces sont encore demandées, et la Chambre d’Agriculture précise dans son avis « qu’en l’absence de nouvelle pièce au dossier » sa décision était la même. Pourtant, de nombreuses pièces ont alors été ajoutées au dossier : il est constitué de pas moins de 11 pièces justificatives validées en bonne et due forme par les autorités. Pour le constituer, il a notamment fait appel à un architecte et à ingénieur géologue et a justifié de manière détaillé dépasser le revenu-seuil précité. Comment son exploitation peut-elle ne pas être considérée comme viable alors qu’il prévoit 1800 euros par mois de revenus ? Y aurait-il eu rétention de pièces administratives ?

 

Lors du procès en appel, l’avocate de Frédéric Lievy plaide l’état de nécessité : sa famille ne pourrait résider à aucun autre endroit : sédentarisé, l’aire d’accueil n’est pas le lieu adapté, et il n’a pas le droit de stationner en caravane plus de 3 mois … Il devrait donc partir sur les routes, sans solution durable, ses enfants ne seraient plus scolarisés. Il est allé s’installer sur son terrain car il n’avait aucune autre solution.

 

Le 17 octobre dernier, le délibéré est communiqué : il est condamné à supprimer son habitation et ses bâtiments d’exploitation dans les 12 mois à venir.  La condamnation prévoit également une  amende de 1000 euros avec sursis. L’avocate prévoit de continuer les poursuites administratives, notamment via un référé liberté. S’il le faut, elle prévoit d’aller jusqu’à la Cour de justice de l’Union européenne. »

 

Amicalement, Catherine

 

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Une bonne nouvelle cependant dans ce tableau particulièrement sombre : suite à une forte pression médiatique (fr3 …) sans doute à l’interpellation de Catherine Grèze et du collectif, la secrétaire générale de la préfecture a pris en main le dossier en considérant qu’on ne pouvait conclure l’affaire sur la décision de justice telle qu’elle est. Elle engage donc une procédure de médiation à la sous préfecture de Muret avec le SIEANAT, la famille LIEVY et le maire de Frouzins.

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