BELO MONTE – DERNIER JOUR

BELO MONTE – DERNIER JOUR (à lire aussi ici – http://catherinegreze.eu/blog/?p=5037)

 

 » Sans rivière, il n’y aura pas de paix ». Ce n’est pas une citation bicentenaire d’un chef Sioux mais les paroles d’une Indienne, cheffe Munduruku, en ce 11 juillet 2013 à Altamira (ville la plus proche du barrage Belo Monte). « Notre richesse, continue-t-elle, c’est notre mode de vie ». La colère monte dans la bouche de la femme : « ils ont envahi nos terres, coupé notre bois, et maintenant ce barrage ! » Pour Socaarala, Belo Monte est un dragon.

 

« J’ai 63 ans, il est trop tard pour recommencer ma vie. Tout ce que je sais faire, c’est pêcher » ajoute Maria Ramenerez, qui nous demande plus de poisson.

 

Car il n’y a plus d’animaux, plus de chasse, plus de poissons, plus d’eau potable à cause de la pollution. Jorurna, vieux pêcheur, vit à 50 kilomètres du barrage, avec le bruit des machines et des explosions en continu. Il est né ici, il souffre ici. Et il demande deux choses : ses droits et du respect.

 

« Nous ne savons pas comment faire respecter nos droits ! », confirme Kaipo, un homme brisé. Lorsqu’il a compris qu’il ne pourrait plus pêcher, il a organisé une occupation du site, il a tenté d’arrêter les machines. En vain.

 

Souffrances. Tragédies quotidiennes.

 

 

Ce matin, 240 travailleurs du chantier se sont mis en grève. Ils ont aussitôt été renvoyés.

 

Ormazete s’adresse à nous au nom des paysans expulsés sans compensation : « le barrage est un projet financier, un projet politique. À quoi sert le progrès énergétique si il détruit le peuple ? ». En larmes, il ajoute : « le gouvernement se comporte comme une dictature ».

 

Une autre femme nous raconte les promesses du consortium Norte Energia (en charge des travaux) : beaucoup de promesses de dons d’argent, de terrain, et même de maisons. Résultat ? Elle a été expulsée sans aucune compensation.

 

Le barrage est terrible pour la population d’Altamira.

 

Depuis l’arrivée de Norte Energia, les accidents et la violence ont explosé. Des jeunes sont tués toutes les semaines, ils se droguent. Marienne, coordinatrice d’un mouvement de femmes nous raconte les viols, les harcèlements des jeunes filles à la sortie de l’école…

 

15 000 familles ont été expulsées. Comment vivre ? Que manger ? Autant voler !

 

 

« A qui allons-nous crier à l’aide ? Nos représentants ne sont pas là. C’est une honte que vous soyez ici alors qu’il n’y a pas un Officiel ! » nous déclare le Père Clare, curé dans un village.

C’est le pot de terre contre le pot de fer : « je suis allé à Berlin, dans les locaux de l’entreprise Siemens. Ils nous ont répondu que tout ce qu’ils faisaient était livrer des machines ! ». Siemens est arrivé au Brésil en 1964, avec le début de la dictature…

 

Johana, une professeure, nous demande d’agir maintenant : « tout le monde sait ici que l’enjeu n’est pas l’énergie mais bien la mine d’or qui viendra une fois la rivière asséchée. Une des élèves de Johana, une jeune adolescente complète : « les vieux sont écrasés et nos rêves de jeunes brisés. Développement, développement, développement ? Faites passer le message : nous luttons pour notre dignité ! », éclate-t-elle, tout en levant un poing serré rageur.

 

Je conclus en remerciant ces Indiens, paysans, pêcheurs, jeunes femmes : « vous avez donné des visages, des voix à notre lutte commune. J’aurais fait un trajet dix fois plus long pour vous écouter. Nous devons prendre conscience de la finitude de la planète. Vous donnez un sens à notre engagement politique ».

 

Nous ne promettons de réussir mais nous promettons d’essayer. Nous sommes déterminées car votre indignation nous accompagne.

 

Catherine Grèze, 11 juillet 2013



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