Intervention de Marc HORVAT Séance plénière du 20 décembre 2012

CONSEIL REGIONAL DU LIMOUSIN

Séance plénière du 20 décembre 2012

Intervention de Marc HORVAT, Président du groupe Europe Ecologie-Les Verts

M. le Président, très estimés collègues,

Nous sommes, pour la plupart, nés dans un pays riche. Un pays ou les ouvriers, qualifiés, nourrissaient l’espoir souvent exaucé, d’acquérir un chez soi, d’offrir une éducation et une formation pour leurs enfants à la hauteur de ce que la société de l’époque pouvait offrir, et entrainait à la suite quasi logiquement un emploi à la hauteur de la qualification obtenue. Et la généralisation du réfrigérateur associée à un système de santé généreux nous ont mis à l’abri d’un nombre croissant de désordres sanitaires, dont les cancers qu’on annonçait alors en voie d’extinction et on envisageait, même, dans les journaux sérieux, que nous pourrions nous rendre sur nos lieux de travail en hélicoptère ou autres engins volants dès l’an 2000, an 2000 que l’on chargeait de tous les espoirs technologiques et sociaux, y compris les vacances sur mars et la fin du travail pénible au dépend des machines. Et pourtant, le PIB de notre pays s’élevait (à prix constant 2011) à 70 milliards d’€. 70 milliards d’€. Il était l’année dernière de 1996 milliards. Multiplié par plus de 28 fois en cinquante ans. Et pour quoi faire?

Pour revenir à cette époque du milieu des années 60, les artistes chantaient les vertus de l’Amérique, John Wayne continuait l’apologie du génocide perpétré à l’encontre des peuples premiers et la mode faisait la promotion du modèle étatsunien. C’était avant la fin de la guerre du Viêt Nam, avant que le monde ne tourne le dos au consensus de breton woods, avant que l’on oublie collectivement les causes de la seconde guerre mondiale, le chaos financier qui avait jeté l’Allemagne dans la barbarie nazie, et les solutions adoptées pour que plus jamais cela ne puisse se reproduire. C’était avant la généralisation de l’anarcho-capitalisme, avant l’organisation universelle du pillage et du chacun pour soi. C’était avant que le monde ne se couche devant la dictature généralisée des marchés, avant que n’advienne le royaume de la sainte trinité, marché, consommation, rendement financier. C’était avant la privatisation de la dette des états, avant que la rente financière issue de cette dette ne devienne le premier poste budgétaire de la France, qui n’a connu, depuis 1975 aucun budget équilibré, date de la libéralisation du commerce des monnaies. Or c’est aussi le moment où l’on a commencé à consommer plus que ce que la planète est en mesure de produire en termes de ressources biologiques et de capacité à absorber nos déchets. Ce qui a justifié, je le rappelle la première candidature écologiste aux présidentielles, celle de René Dumont.

Or visiblement, le modèle Américain de la consommation sans limite n’a pas fini d’inspirer de ce coté de l’atlantique. Malgré le fait que tous les voyants soient au rouge, que l’extinction des espèces est unique depuis les dernières 500 millions d’années, malgré les preuves accablantes du dérèglement climatique dont on mesure déjà les effets ici en limousin, les états de l’Europe s’engagent sur le terrain des gaz de schistes et autres pétroles non conventionnels. Alors que notre planète, enfin son atmosphère, n’en peut plus de nos gaz à effets de serre, alors que se succèdent les conférences sur le climat, que se signent traités et schémas limitant la production de CO2, que le France c’est engagée sur le facteur 4, que l’Europe s’engage sur la politique 20/20, on ratiocine sur les termes employés qui permettent ou permettront l’extraction de milliards de tonnes de CO2 issues de ces combustibles fossiles, à la suite honteuse de la Pologne et maintenant du Royaume Uni, pour achever la morbide aventure qui nous entraine vers l’inconnu, vers l’au-delà des fatidiques 2 degrés de réchauffement global, limite après laquelle aucun modèle ne permet de mesurer les effets sur nos sociétés et la vie sur terre.

M le Président, chers collègues, c’est pourquoi je demande solennellement que cette assemblée se positionne clairement pour l’abrogation des permis d’exploitation et de recherche se situant sur notre territoire, qu’elle se positionne clairement pour l’interdiction définitive d’exploration et d’exploitation des gaz de schistes et autres hydrocarbures non conventionnels, et ceci en cohérence avec la proposition de loi du 28 septembre 2011 déposée par Jean-Marc Ayrault, Yves Cochet, et Jean-Paul Chanteguet, le rapporteur. En cohérence aussi avec la proposition de loi déposée au sénat le 27 juillet 2011 entre autres, par nos sénatrices Bernadette Bourzai et Renée Nicoux ainsi que Jean-Jacques Lozach qui en faisait alors la demande. Ces propositions de loi visaient l’interdiction pure et simple, je cite « l’interdiction de l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de roche mère, et abroger les permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures ». Il y était expliqué par ailleurs que la loi du 30 juin 2011, que ces propositions devaient abroger, je cite de nouveau : « n’est pas satisfaisante. Elle n’interdit nullement l’exploration et l’exploitation par recours à d’autres techniques que celle de la fracturation hydraulique » et «  que d’autres techniques existent qui causeraient autant de dommages pour l’environnement et la santé que la technique de fracturation hydraulique ».

C’est par ce positionnement clair, M. le Président, chers collègues, que nous tournerons enfin le dos à la logique de la consommation sans limite venue d’ailleurs, pour laisser la place honorable dévolue à la politique du choix responsable et cohérent, cette politique qui rassure et ouvre la voie vers la transition énergétique et écologique que notre Président de la République a forgé comme orientation de son quinquennat. Je ne rappellerai pas ici la gravité de la situation sociale et économique de notre cher Limousin, et de la précarité grandissante de nos agriculteurs, qui ne demandent qu’a participer à un développement historique de notre économie par le biais de la généralisation des énergies renouvelables, de la production de bio masse, de l’isolation des bâtiments, du développement des transports en commun, tel que nous les trouvons dans les efforts consentis dans le budget 2013 de la Région et dans le SRCAE soumis par ailleurs à l’approbation et l’amendement public en ce moment. Il n’est pas de temps à perdre pour créer de nouveaux emplois, pour libérer progressivement notre balance commerciale du joug des tarifs mondiaux de l’énergie fossile. Notre région dispose d’atouts indéniables justement de par la préservation d’une part importante de ces espaces naturels, de paysages magnifiques et surtout certainement la région de France la plus à même d’associer à sa marque, la Marque Limousin la qualification d’écorégion. Cela ne pourra même plus être envisagé avec des puits de forages tous les 500 mètres, des pistes d’accès aux poids lourds liés à l’exploitation, des centres de filtration et de surpression tous les kilomètres ou deux, des gazoducs entremêlés sur nos prairies d’élevage.

Vous avez, M. le Président, déclaré il y a peu que vous souhaiteriez trouver le temps à consacrer à vos petits enfants, alors quel plus bel avenir pour eux et vous que de vivre sur un territoire de la plus belle de toutes les modernités, durablement campé à la fois sur des espaces naturels attirant de nouveaux habitants et confortant ceux qui s’y trouvent déjà et sur les technologies contemporaines de l’information, de l’aide à la personne, des énergies modernes et des réseaux intelligents. Vous avez déjà réalisé beaucoup, le chemin qui reste à parcourir est tellement facile, tellement remplis d’espoirs, alors pourquoi attendre?

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