Quelle que soit leur stratégie, les écologistes seront toujours sous le feu des critiques

Un article intéressant de Jean Claude Guillebaud paru ici dans La vie

Les commentaires goguenards contre les écologistes, après l’accord signé par ces derniers avec le PS m’ont semblé profondément injustes. Et même irréfléchis. De même qu’ont été honteuses la plupart des critiques adressées à Eva Joly, après sa fausse « disparition » du week-end et son retour en fanfare. De quoi s’agit-il en vérité ? En France, comme ailleurs, les écologistes se veulent porteurs d’un « autre » projet de société et plaident pour une « autre » croissance. Du même coup, ils sont depuis toujours tiraillés entre deux stratégies.
La première, réaliste, les incite à conclure des alliances avec la gauche, quitte à faire d’inévitables compromis, notamment sur la question du nucléaire. S’ils le font, c’est pour contribuer à l’alternance – le départ de Nicolas Sarkozy – et exister politiquement sur l’échiquier parlementaire. Aux législatives, ils ont besoin d’avoir assez d’élus pour constituer un groupe parlementaire. S’ils optent pour cette stratégie, on leur reproche aussitôt de céder à la politique politicienne ou de trahir leurs convictions.
La droite saute sur l’occasion pour ironiser. Jean-François Copé ou Xavier Bertrand – entre autres – s’indignent en boucle sur le thème : « Les écologistes monnayent des centrales nucléaires contre des places au Parlement… » Sous-entendu, ils font bon marché des « intérêts nationaux ». Le reproche est idiot. On pourrait le retourner contre la droite en disant que cette dernière dissimule au nom des intérêts nationaux, sa capitulation face au lobby nucléaire.
L’autre stratégie écologiste, incarnée par Eva Joly, femme de conviction, tenace et combative, consiste à refuser ce compromis. Mieux vaut, pense-t-elle, rester fidèle aux exigences définies par les Verts, à savoir une sortie programmée du nucléaire et un arrêt du dispendieux EPR en construction à Flamanville. C’est le choix de l’intransigeance contre la politique politicienne. Quand Eva Joly et les écologistes raisonnent ainsi, alors on leur prédit un score dérisoire, et l’on redouble de moqueries.
En fait, ils cherchent sans cesse un point d’équilibre entre ces deux stratégies. Certes, ils cèdent parfois à leurs démons : émiettement, divisions, querelles de chapelles et de tendances. Mais à bien réfléchir, les deux stratégies sont respectables. Il n’est pas indécent de vouloir exister politiquement. Il n’est pas déraisonnable de tenir bon sur ses convictions, en refusant de devenir un parti « comme les autres ».
Concernant l’EPR de Flamanville, je n’ai pas la compétence pour en juger. Je note toutefois, que les experts sont très partagés sur le projet. La lecture d’un petit livre, clair et précis, suffit à s’en convaincre (Nucléaire : idées reçues et scénarios de sortie, par le mouvement Utopia). Au total, cette « affaire Joly » méritait mieux qu’une ironie populiste.

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