Gabon : la France ne doit pas reconnaître la « victoire » d’Ali Bongo
Ce dimanche 2 octobre, le Gabon s’est doté d’un nouveau gouvernement. Sa constitution rapide, tout comme l’investiture précipitée d’Ali Bongo après la confirmation de sa « victoire » par la Cour constitutionnelle malgré d’« évidentes anomalies » relevées par l’opposition et la Mission d’observation électorale (MOE) de l’Union européenne (UE), marquent la volonté d’enterrer rapidement les controverses liées à l’élection présidentielle et la crise grave qui s’en est suivie.
L’opposition, pourtant, ne faiblit pas. Au vu des très graves exactions dont s’est rendu coupable le gouvernement gabonais sur ses populations, Europe Ecologie Les Verts (EELV) s’indigne de la réaction ambiguë de la France depuis le début de la crise. EELV dénonce tant le silence persistant de François Hollande que les récentes déclarations du Ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault.
Alors que la MOE est l’objet de graves attaques de la part des autorités gabonaises, EELV craint que le peuple gabonais, qui a déjà payé un lourd tribut au coup de force électoral de M.Ali Bongo, ne se sente trahi par la communauté internationale. Car la réalité est glaçante : des dizaines de morts et de disparitions sont à déplorer, les geôles gabonaises regorgent de prisonniers politiques détenus dans des conditions préoccupantes et indignes. Parmi eux, on trouve aussi bien des acteurs politiques comme l’ancien député Bertrand Zibi Abeghé et Firmin Ollo Obiang, que des leaders syndicaux à l’instar de Roger Ondo Abessolo, Cyrlin Koumba Mba Essiane ou de simples citoyens comme Landry Amiang et Rodney Ekorezok.
EELV a dénoncé des agissements similaires lors des élections présidentielles de cette année à Djibouti, au Tchad ou au Congo-Brazzaville. Des situations lors desquelles la communauté internationale a failli et qui constituent un encouragement pour toutes les dictatures du continent à continuer de s’imposer à leurs peuples, y compris par la force.
La France peut encore contribuer positivement à une sortie de crise au Gabon. C’est pourquoi EELV exhorte le gouvernement français à ne pas reconnaître l’élection d’Ali Bongo, à le pousser à libérer tous les prisonniers politiques et à mettre fin aux atteintes aux libertés publiques et civiles.
La France doit déposer une résolution au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU afin de missionner une enquête internationale sur les violentes répressions. Elle doit aussi soutenir le travail de la Cour pénale internationale dans le cadre de la saisine dont elle fait l’objet.
La France doit réviser sa coopération militaire : les forces de répression du pouvoir gabonais, notamment la garde présidentielle qui est l’auteur des principales violences post-électorales, comprennent encore un grand nombre de coopérants français.
La France doit œuvrer au sein de l’UE afin que celle-ci prenne des sanctions ciblées, notamment des restrictions en matière de déplacements et un gel des avoirs des principaux responsables des violences. EELV demande également à l’UE de lancer une procédure de consultation au titre de l’article 96 de l’accord de Cotonou, comme prévu en cas de violations des droits humains, des principes démocratiques et de l’Etat de droit
Il est temps que la France révise ses relations avec les pays africains : trop souvent elles consistent encore à soutenir des dictateurs au détriment des peuples afin de préserver ses intérêts et ceux de certains grands groupes.
La France contribue ainsi à affaiblir les tenants de la lutte pacifique et démocratique et prend le risque d’alimenter instabilité et insécurité, engendrant des conséquences qui ne manqueront pas de se faire ressentir jusque chez nous.
Seule une Afrique démocratique et apaisée, dans laquelle les ressources économiques et naturelles sont gérées de manière durable et responsable dans l’intérêt des populations, sera un partenaire fiable et stable pour la France et l’Europe.
Julien Bayou et Sandra Regol, porte-parole nationaux