Doublement de l’A9 : Les écologistes écrivent à M. Philippe Marzolf
Les écologistes écrivent à M. Philippe Marzolf pour demander un entretien et veiller à ce que le projet alternatif d’aménagement sur place qu’ils défendent depuis 10 ans soit clairement porté à la connaissance du public, de manière équitable et sincère, dans les documents de concertation qui vont être établis par la DREAL.
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Monsieur Philippe Marzolf
Vice-Président de la Commission Nationale du Débat Public
20 avenue de Ségur
75007 Paris
objet : demande d’entretien dans le cadre de la concertation sur le projet A9
Monsieur le Vice-Président,
Par sa décision en date du 2 mars dernier, la Commission Nationale du Débat Public vous a désigné pour conduire une nouvelle phase de concertation sur le projet de dédoublement de l’autoroute A9 au droit de Montpellier. Nous prenons acte de cette initiative qui va permettre l’expression d’une véritable démocratie active et citoyenne sur un projet emblématique des choix de notre temps en matière de transport, de sécurité, de santé et de gestion de la dépense publique.
Dès 2005, lors de la première enquête publique, les écologistes, élus, militants et associations, ont plaidé en faveur d’un projet alternatif au doublement de l’autoroute A9 ; un projet qui vise à apporter une réponse concrète et efficace aux problèmes de sécurité observés sur l’autoroute actuelle tout en veillant à concevoir un aménagement économe en espace, performant du point de vue acoustique et, surtout, ne créant pas de nouvelles capacités routières qui pénaliseraient immanquablement le nécessaire report modal vers le rail et le fret ferroviaire.
Ce projet alternatif a été jugé pertinent et crédible par la commission d’enquête qui, dans ses conclusions, s’est largement inspirée de ses principes pour fonder un avis défavorable au projet initial de dédoublement de l’autoroute tel qu’il fut conçu dans les années 1980 par la DDE de l’Hérault ; c’est-à-dire, il convient de le noter, bien avant les engagements de la France dans le cadre du protocole de Kyoto et du Grenelle de l’environnement.
C’est dans un même esprit constructif que nous sollicitons aujourd’hui auprès de vous un entretien afin de vous exposer nos propositions et de recueillir votre avis. Comme vous l’avez compris, notre démarche n’est pas une démarche d’opposition et ou de défense d’intérêts particuliers. Elle vise, au contraire, à bâtir un projet pragmatique, supportable financièrement et responsable d’un point de vue écologique.
Le dédoublement ne résoudrait pas le problème de sécurité de échangeurs
Les problèmes de sécurité sur l’autoroute A9 au droit de Montpellier sont avérés. Le mélange de trafics locaux et de transit et, surtout, la concentration des échanges sur un nombre de sorties insuffisant provoquent effectivement des remontées de files de véhicules qui, elles-mêmes, risquent de causer des accidents avec des véhicules circulant en pleine voie. C’est pourquoi les écologistes défendent, depuis le début, le principe d’une séparation des flux locaux et de transit, mais surtout un aménagement coaxial selon des caractéristiques de type urbain qui permettent la création de nouveaux échangeurs afin de mieux répartir les flux entre l’A9 et le réseau de voirie locale. Le principe d’un aménagement sur place intégrant une exploitation des voies latérales à vitesse réduite (entre 70 et 90 Km/h) et la création d’au moins 4 nouveaux échangeurs est, aux yeux de nombreux experts, la seule solution qui permette de répondre efficacement et à la bonne échelle aux problèmes de sécurité de l’autoroute A9. A cet égard, il faut souligner que la seule séparation des flux proposée par le projet initial de dédoublement ne résoudra pas ces problèmes. En effet comme une simple observation de terrain permet de le constater chaque matin, la seule cause des remontées de files de véhicules est liée aux conditions de sortie d’autoroute sur le réseau de voirie locale. Or, le projet initial de dédoublement de l’A9 n’apporte aucune solution concrète à ce problème central.
Le dédoublement aggraverait la pollution sonore
La section montpelliéraine de l’autoroute A9 expose des milliers d’habitants des quartiers sud à des niveaux de nuisance sonore inacceptables. Aucune mesure de diminution à la source (par l’installation de nouveaux revêtements) ou de protection contre le bruit (par la création d’écrans acoustiques) n’a été réalisé depuis 40 ans. Pire, le Plan de Prévention du Bruit dans l’Environnement récemment arrêté par le Préfet de l’Hérault ignore purement et simplement le problème. Il ne prévoit, en effet, aucun plan d’actions pour traiter cette nuisance et ces atteintes à la santé des riverains. Dans ce contexte, le dédoublement de l’A9 ne ferait qu’aggraver un peu plus cette pollution en créant de nouvelles sources de bruit et en étendant la zone d’impact sonore de l’autoroute. En outre, il laisserait l’actuelle autoroute orpheline de tout gestionnaire et de tout financement pour réaliser et entretenir les ouvrages de protection acoustique.
Le dédoublement impliquerait un gaspillage d’argent public
La question du financement de ce projet est évidemment cruciale pour déterminer la solution la plus appropriée et la plus soutenable à terme pour la collectivité. Le dédoublement de l’A9 estimé à 500 millions d’euros au moins est dit être financé par la société des ASF. Notons que ce financement est, de fait, à la charge des usagers qui s’acquittent déjà d’un surpéage destiné à provisionner les comptes du groupe Vinci pour cette opération. Ce sont donc les usagers, dont une part notable de contribuables locaux, qui sont déjà mis à contribution. Par-delà la création d’une nouvelle autoroute A9b, le projet de dédoublement implique la mise en oeuvre de nombreux aménagements sur l’autoroute actuelle : mise aux normes environnementales, protections acoustiques et, surtout, création de nouveaux échangeurs qui ne sont absolument pas financés. C’est bien la raison pour laquelle l’Etat et son concessionnaire ASF souhaitent se débarrasser de l’autoroute actuelle et transférer aux collectivités locales la charge de ces lourds aménagements que l’on peut également estimer à 500 millions d’euros. Plus encore, ce sont les coûts d’exploitation de l’actuelle autoroute qui sont ignorés dans l’analyse du projet de dédoublement. Cette charge reviendrait naturellement aux collectivités et donc aux contribuables locaux. Dédoubler l’autoroute, c’est donc doubler la facture d’investissement, mais surtout c’est doubler la facture d’exploitation de ces ouvrages. De ce point de vue, la solution d’un aménagement sur place est, à l’évidence, une source d’optimisation des coûts d’investissement et, plus encore, d’exploitation. Cet argument de bon sens est d’autant plus déterminant dans une période où les finances publiques doivent, impérativement et durablement, être engagées avec prudence et rationalité.
Le dédoublement constituerait une aberration écologique
Enfin, il y a bien sûr la cohérence écologique du projet qui est interrogée. Le projet de dédoublement prévoit, de facto, un doublement des capacités routières sur l’axe languedocien. Et les solutions de l’A9b dites « courtes » ou réduites à 2×2 voies présentées comme plus « Grenello-compatibles » ne trompent personne. Au regard des engagements pris par la France, dans le cadre du protocole de Kyoto et de son plan climat, toute solution qui impliquerait une augmentation de l’offre et de la performance autoroutière serait contraire aux priorités annoncées en faveur des modes alternatifs à la route. Rappelons que l’Etat et les collectivités locales sont engagés à hauteur de 8 milliards d’euros au total pour réaliser la ligne ferroviaire nouvelle entre Nîmes et Perpignan, censée accueillir, sur une plateforme mixte, un trafic de trains de voyageurs et de trains de marchandises. Cet engagement en faveur d’un investissement d’avenir doit permettre de faciliter le report modal de la route vers le rail sur l’axe France Espagne. Les conclusions du débat public tenu en 2009 ont, sur ce point, clairement souligné l’importance du fret ferroviaire dont la montée en puissance est tributaire de son avantage concurrentiel par rapport à l’autoroute. Dédoubler l’autoroute, ce serait donc pénaliser les capacités du futur réseau ferroviaire à constituer une alternative crédible et attractive pour le transport de marchandises et de voyageurs, principal émetteur de polluants et de gaz à effet de serre.
Sans s’étendre sur les autres incidences écologiques du projet de dédoublement sur les terroirs agricoles, les paysages et la biodiversité, il apparaît évident qu’un aménagement sur place constitue une réponse plus cohérente et plus adaptée aux enjeux du développement durable. C’est ce que nous souhaitons prendre le temps de vous exposer lors de notre de prochain entretien.
Sans attendre, nous vous demandons de bien vouloir faire le nécessaire auprès des services de l’Etat en charge du projet de dédoublement de l’A9 afin que les principes de ce projet alternatif – déjà exposé lors de l’enquête publique de 2005 – soit clairement portés à la connaissance du public dans le cadre de la concertation qui s’engage sous votre responsabilité. De manière plus concrète, nous souhaitons que cette solution alternative fasse l’objet d’une présentation équitable et sincère dans les documents de concertation qui vont être soumis à la population.
Certains de votre écoute, nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Vice-Président, l’expression de notre parfaite considération et de nos salutations distinguées.
Jean-Louis Roumégas,
Conseiller municipal de Montpellier
Porte-parole national d’Europe Ecologie Les Verts
Christian Dupraz
Porte-parole du groupe Europe Ecologie Les Verts Montpellier
Manu Reynaud
Secrétaire régional d’Europe Ecologie Les Verts Languedoc-Roussillon
Zina Bourguet
Conseillère municipale de Mauguio
Téléchargez la lettre adressé à Philippe Marzolf: courrier Philippe Marzolf 130311