L’environnement, une composante essentielle du développement
Extrait du dossier "Réinventer le développement" du magazine Français du Monde n° 162, décembre 2010/janvier 2011
La protection de l’environnement a longtemps été vue comme étant l’affaire des pays riches, qui pouvaient se payer ce luxe. Si le développement est un processus permettant l’amélioration des conditions de vie des populations humaines, force est de constater que les habitants des pays pauvres sont les premiers à être limités par la dégradation de l’environnement. Le développement des pays riches et maintenant des pays émergents est fortement destructeur de ressources naturelles, et ce sont les pays les pays plus pauvres qui en subissent les conséquences. Pour sortir de ce cercle vicieux et construire un monde plus durable et solidaire, il nous faut remettre en question nos modèles de développement et inventer de nouvelles politiques publiques, au Nord comme au Sud.
La moitié de la population mondiale dépend de l’agriculture, de la pêche ou de l’utilisation de ressources naturelles. Pauvreté et sous-alimentation sont trop souvent leur lot. Ces activités économiques dépendent directement de la qualité de l’environnement : fertilité des sols, stocks de poissons… La pauvreté engendre souvent une surexploitation des milieux naturels et leur dégradation, ce qui diminue leur potentiel productif et appauvrit encore plus les populations dont la survie en dépend. L’autre moitié de la population vit dans des villes qui, dans les pays les plus pauvres, se sont très rapidement développées lors des quarante dernières années. Dans ces agglomérations, l’accès à une eau potable et la gestion des déchets ménagers et humains est le principal enjeu environnemental et sanitaire. Pauvreté et dégradation de l’environnement sont ainsi intimement liées.
Cependant, l’amélioration des conditions de vie de ces populations plus vulnérables ne dépend pas uniquement de la mise en place d’actions de développement économiques, sociales et environnementales dans ces pays. Les modes de production et de consommation des pays riches et depuis peu des pays émergents ont aussi un impact majeur.
Le changement climatique constaté et à venir est pour le moment essentiellement dû à la consommation de pétrole et de charbon des pays riches. Les pays émergents leur emboîtent le pas. Or, les prévisions du changement climatique montrent que ce sont les pays les plus pauvres qui vont en subir les plus graves conséquences. L’Afrique, qui est responsable de moins de 5 % des émissions de gaz à effet de serre, devra faire face à plus de sécheresses et à des évènements climatiques plus irréguliers, contraignant encore plus sa sécurité alimentaire. Aux impacts du changement climatique, il faut malheureusement ajouter l’érosion de la biodiversité : baisse des réserves de poissons en conséquence de la surpêche, déforestation de l’Amazonie qui répond à la plus forte consommation de viande via l’élevage, production de soja destiné aux élevages industriels de pays riches ou émergents.
Dans tous ces cas, le mode de production et de consommation des pays dits développés exerce un impact négatif sur des pays dits en développement… C’est bien le modèle de développement issu de la révolution industrielle qui montre ses limites. En oubliant que les ressources naturelles ne sont pas infinies, nous avons construit un modèle de société qui est prédateur de trop de ressources naturelles et inapplicable à l’ensemble de la planète. L'empreinte écologique mondiale a dépassé la capacité biologique de la Terre à produire nos ressources et absorber nos déchets depuis le milieu des années 1980. L’enjeu aujourd’hui est de permettre à tous les habitants de la planète d’avoir accès à ces ressources de manière soutenable.
Pour cela, les pays riches ont une responsabilité particulière : celle de transformer radicalement leur modèle de société pour qu’il devienne moins consommateur de ressources naturelles, afin de donner de la marge de manoeuvre aux sociétés qui ont besoin d’améliorer leur niveau de vie. Parallèlement, il faut permettre aux pays les plus pauvres et aux pays émergents d’inventer des modes de développement qui allient lutte contre la pauvreté et bonne gestion de l’environnement.
C’est à ce défi que devraient répondre nos politiques publiques. Aux échelles locale, nationale et internationale, ces politiques doivent engager une transformation écologique de nos sociétés, au Nord comme au Sud. Au-delà de la seule gestion des ressources et de l’amélioration économique, il s’agit aussi et surtout de donner tout son sens à la dimension sociale du développement : développement des liens sociaux, réduction des inégalités. C’est en combinant ces trois dimensions que le développement sera véritablement soutenable.
Benoît Faucheux et Lucien Bruneau
Cet article est extrait du dernier numéro du magazine Français du Monde dont le dossier est intitulé "réinventer le développement".
Laisser un commentaire