Vœux des écologistes et présentation du programme « La France vive »

Les écologistes ont présenté mercredi 11 janvier leurs vœux à la presse ainsi que leurs propositions pour l’élection présidentielle. Revivez l’évènement sur Facebook, et retrouvez les discours et les propositions :
– vidéo Facebook Live.
– télécharger le discours de David Cormand (également disponible ci-dessous).
– téléchargez le discours de Yannick Jadot.
– téléchargez « la France vive« , le programme de Yannick Jadot.

 

Discours de David Cormand

Mes cher-es ami-es,

Mesdames et messieurs les journalistes,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

J’ai l’honneur de vous présenter au nom d’Europe Écologie Les Verts tous nos voeux de réussite et de bonheur pour cette nouvelle année.

L’année 2016, comme l’année 2015, a été une année douloureuse. Les attaques terroristes que notre pays a subi ont pesé lourdement sur la cohésion nationale pourtant indispensable pour affronter ces épreuves.

Après Charlie, l’Hyper Cacher, le 13-Novembre en 2015; puis les attentats de Nice et de Saint-Étienne du Rouvray en 2016, notre pays a peu à peu glissé de la nécessaire communion nationale autour des victimes et de la force publique vers la division et la polémique.

La tentation de l’instrumentalisation politicienne qui divise a pris le pas sur l’intelligence collective qui cherche à comprendre pour apporter des réponses durables à la situation que nous devons affronter.

Ainsi, le conseiller spécial de Marine Le Pen et adjoint au Maire d’Hénin-Beaumont, Bruno Bilde, n’hésitait pas à déclarer dans la Voix du Nord du 27 juin dernier, je le cite: «  Avec le terrorisme, on ne sait pas quels évènements peuvent encore intervenir et donc dans quel état d’esprit sera le peuple français d’ici à avril 2017. On peut avoir une bonne surprise. » Fin de citation.

Voilà donc où nous en sommes. L’un des dirigeants de l’extrême droite, candidate à la victoire politique dans notre pays, spécule sur le pire pour espérer « une bonne surprise ».

Dans cette surenchère pathétique, les forces de la droite prétendument républicaine n’auront pas été en reste, avec les déclarations d’Eric Ciotti ou de Christian Estrosi suite à l’attentat de Nice.

Dans les périodes sombres, l’histoire en témoigne, on ne manque jamais de tristes sires qui espèrent récolter les fruits de l’arbre de la discorde et de la division. Il faut toujours résister aux pulsions populistes qui nourrissent les amalgames et la recherche des boucs émissaires. Il faut, coûte que coûte et plus que jamais, plaider, malgré les vents mauvais, en faveur des grandes valeurs que constituent les libertés fondamentales, l’ouverture aux autres et ce qui rassemble notre pays au nom de la République : la liberté, l’égalité et la fraternité.

C’est ainsi que nous soutenons les femmes et les hommes qui restent dignes de ces valeurs, qu’il s’agisse du Maire de Grande-Synthe, Damien Carême ou des citoyens solidaires de la vallée de la Roya, poursuivi en quelque sorte pour délit d’humanité : Cédric Hérou, Pierre-Alain Mannoni, Françoise Gogois, René Dahon, Gérard Bonnet et Dan Oudin, pour ne citer qu’eux.

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Cette année 2016 est aussi celle qui a vu le vote du Brexit à la suite d’une campagne tristement démagogique où le mensonge faisait lieu d’argument de campagne, de l’aveu même des partisans de la sortie du Royaume-Uni de l’Europe.

Il nous faut regarder en face cette réalité : le rêve européen tend à se transformer peu à peu en cauchemar pour une part de plus en plus significative des citoyennes et des citoyens européens.

De ce point de vu, le bilan de François Hollande porte une grave responsabilité dans cette évolution. Le renoncement à renégocier le TSCG, contrairement à l’engagement pris devant les Françaises et les Français en 2012, aura été l’acte fondateur des renoncements à venir de son quinquennat. Il faut tirer les leçons de cette situation car si nous ne trouvons pas les ressources pour sortir par le haut du cadre institutionnel actuel de l’Europe, le péril est grand et déjà à l’œuvre d’une sortie par le bas, c’est à dire par le national-populisme.

Une sortie par le haut, en revanche, implique une démocratie européenne réelle où la souveraineté démocratique est garantie par un renforcement du Parlement européen ; où l’Europe n’est pas la pérennisation d’une austérité qui inhibe les possibles, mais au contraire un nouvel horizon qui permet de relever les défis environnementaux, économiques, sociaux et géo-politiques d’un monde en mutation.

Entre libéralisme débridé et nationalisme étriqué, il existe une voie pour une Europe solidaire, démocratique, et finalement plus forte dans le monde.

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Car le monde change, et plus que jamais l’Europe doit être en mesure de peser dans ce nouveau paysage.

L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, en dépits de toutes les prédictions, témoigne là encore de la lassitude et de la peur des peuples face aux risques de déclassement.

La monté des populismes en Europe, aux États-Unis et ailleurs constitue une menace, mais aussi une alerte. Il faut entendre les craintes et être en mesure de proposer un nouveau projet global pour l’humanité. L’entêtement à reproduire les mêmes offres politiques et économiques qui conduisent aux mêmes échecs finit par rendre possible le choix du pire. Les recettes traditionnelles ne fonctionnent plus.

Je veux dire un mot de ce à quoi nous assistons au Proche-Orient : en Turquie, en Syrie, et aussi en Russie.

Ce sujet n’est pas secondaire dans le débat que nous devrons mener cette année en France. Les massacres auxquels nous avons assisté à Alep, sans que la communauté internationale ou l’Europe n’aient pu les empêcher, jettent une ombre sur la capacité de la communauté humaine à peser quand la barbarie est à l’œuvre. Dans la période que nous traversons, on ne peut pas, comme je l’ai entendu, ne s’intéresser qu’à la politique de la France.

Il faut assumer notre capacité à peser sur la marche du monde quand des massacres sont commis. C’est aussi pour cela que l’Europe reste un objet politique indispensable si elle permet d’être une force d’influence. Nous avons besoin de nous faire entendre, de pouvoir agir, lorsque, avec la complicité de Vladimir Poutine, le pire est à l’oeuvre à Alep, lorsque la démocratie s’éteint peu à peu en Turquie.

Sans relâche, les écologistes continuent de plaider pour un monde en paix. La paix n’est pas un vœu pieu, elle n’est pas une lubie. C’est la première des conditions à la dignité humaine. Alors que la guerre frappe à nos frontières et au-delà, en Ukraine, au Proche-Orient, au Sahel, aider la paix partout dans le monde doit rester un objectif primordial pour la France et l’Europe.

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Dans la crise du politique que j’ai décrite, la démagogie, le complotisme et le mensonge prennent une place de plus en plus importante.

On l’a vu, je l’ai dit, pendant la campagne du Brexit. On l’a vu pendant la campagne présidentielle américaine et on le voit en France. Désormais, la réalité est une opinion comme une autre. Et, l’occasion m’est donné ici de le souligner : dans cette atmosphère, le rôle des médias est plus déterminant que jamais pour contribuer à donner aux citoyennes et aux citoyens les clefs de compréhension du monde afin qu’elles et ils puissent décider en connaissance de cause au moment des choix démocratiques qui leur sont proposés. Je sais que cette mission est de plus en plus difficile tant le climat de défiance est élevé. Mais il ne peut y avoir de démocratie réelle sans une information fiable des citoyennes et des citoyens.

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Cette année 2016 aura aussi été le point d’orgue de la décomposition du paysage politique tel que nous le connaissions dans notre pays.

Les deux « leaders naturels » des camps traditionnels qui dirigent alternativement notre pays depuis plus de 40 ans ont été empêché de représenter leurs familles politiques respectives en 2017. L’ancien Président, Nicolas Sarkozy, a connu un désaveux très net de la part de l’électorat de droite. Le Président sortant, François Hollande, de son côté, a renoncé à prétendre à un nouveau mandat.

Combiné à la monté de l’extrême-droite et à l’émergence de candidatures prétendument « hors-système », cette situation signe à la fois la fin de la bipolarisation politique mais aussi la recherche par les citoyennes et les citoyens d’une offre politique nouvelle.

Les écologistes disent depuis longtemps que les recettes politiques traditionnelles ne peuvent plus répondre aux enjeux de notre temps.

La social-démocratie d’un côté et la droite économiquement libérale de l’autre ne parviennent pas à renouveler leurs offres politiques.

Et dans beaucoup de pays occidentaux, comme en France, elles semblent converger dans une sorte de « cercle de la raison », en réalité bien déraisonnable, où les « lois de l’économie », qui ne sont votées par personne tiendraient lieu de « politique responsable » imposée.

Cette victoire du « TINA » est de plus en plus insupportable pour celles et ceux, toujours plus nombreux, qui souffrent de cette prétendu fatalité.

Aujourd’hui, ceux qui bénéficient le mieux du rejet de cette fatalité est l’extrême-droite. Mais là aussi, il n’y a pas de fatalité.

Il appartient aux écologistes, comme nous l’avons toujours fait, d’inspirer et de mettre en oeuvre un imaginaire politique nouveau qui implique la remise en question du productivisme et de la croissance aveugle qui détruit la planète et les espèces vivantes qui y vivent, dont l’humain.

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Pour 2017, je souhaite donc formuler trois vœux qui se résument en trois mots : la confiance, le débat et l’espoir.

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La confiance, c’est celle que je souhaite exprimer en notre pays, la France, et envers les Françaises et les Français.

Je n’accepte pas le défaitisme intéressé des déclinistes qui surjouent la nostalgie d’une France éternelle soit-disant en voie de disparition. Je ne suis pas dupe du projet politique qui motive la présentation aux Françaises et aux Français de ce miroir déformé. Pour que les Français cèdent aux bas instincts, il faut bien que la démonstration soit faite d’une France à genoux.

Il faut s’élever contre cette nouvelle pensée unique qui vise à anesthésier les foules et les préparer au pire en spéculant sur le défaitisme, l’échec, la haine, le laid.

Je pense que la France est belle et que nous devons refuser que l’on nous torde le cou pour nous obliger à voir que ce qui ne fonctionne pas. La France est belle de ses villes, elle est belle de ses montagnes, de ses campagnes, de ses littoraux, de ses territoires et de ses terroirs, de ses cultures et de son histoire. La France est belle de ses idéaux, de ses valeurs, de ses innovations et de ses inventions. Elle est belle de celles et ceux qui y vivent, qui s’aiment, qui s’entraident.

Notre pays a inventé et développé des maillages spécifiques qui permettent aux femmes et aux hommes qui vivent ici de composer une communauté résiliante : les associations dites « loi 1901 », uniques au monde, les communes – 36 000 dans notre pays, là aussi une particularité française –, les services publics, la sécurité sociale, la laïcité. Bref, notre pays, à travers les strates de son histoire, et jusqu’à aujourd’hui encore, invente un espace et un imaginaire qui visent à l’émancipation.

Cette France inventive et imaginative, on l’aperçoit dans le film « Demain », elle est à l’œuvre dans l’entrepreneuriat responsable, dans l’innovation, dans l’économie sociale et solidaire, dans les monnaies complémentaires, dans les fermes en permaculture, elle est à l’oeuvre avec les colibris, les AMAP, les associations de quartier. C’est là où nous sommes aujourd’hui, dans un lieu collaboratif, à la fois espace de coworking et fablab, lieu de travail, de rencontre, de détente, tourné vers l’innovation… et vers demain.

Je discutais il y a quelques semaines avec un député écologiste autrichien qui me racontait la campagne présidentielle autrichienne qui a vu la victoire du candidat écologiste face à l’extrême-droite. Pendant toute cette campagne, lorsque le FPÖ, le parti fascisant autrichien, faisait campagne sur une Autriche en déclin, qui devait se refermer sur elle même, les écologistes ont fait campagne au contraire sur une Autriche ambitieuse, fière d’elle-même, de ses paysages et tournée vers l’Europe et le monde, tournée vers son avenir.

L’alliée des populismes, et de l’extrême-droite, c’est le défaitisme et la faible estime que nous nourrissons pour nous-même.

Ils disent aimer la France, mais ne voient en elle que déclin, poussière et ruines.

Pour eux, la France c’est le passé perdu. Pour nous, la France est une promesse d’avenir.

Cette confiance, c’est celle que je ressens vis à vis des Françaises et des Français et par extension vis à vis de toute la communauté humaine qui vit sur notre territoire. Sans vouloir faire preuve de légèreté, je ne pense par que nous ayons fatalement vocation à basculer du coté obscure de la force. J’ai confiance en nous-même pour trouver les ressources nécéssaire à la réinvention d’un imaginaire politique qui porte de belles valeurs plutôt que le repli sur soi et la haine de l’autre.

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Le deuxième vœu que je forme est celui du débat.

Car enfin, nous y sommes à cette année 2017. Et je suis convaincu que nous allons avoir un vrai débat démocratique. Un beau débat démocratique. Un nécessaire débat démocratique.

Je l’ai dit, cette présidentielle est libérée du mauvais remake de 2012 avec les départs de Nicolas Sarkozy et François Hollande. Je forme donc le vœu que cela permette de regarder en face les alternatives possibles pour les temps qui viennent, dans notre pays et pour l’Europe.

Au cœur de ce débat sur les enjeux actuels et à venir, il y a l’écologie. Comment réinventer un nouveau compromis solidaire sur une planète où les ressources sont de plus en plus rares, où les pollutions augmentent, où l’activité humaine telle qu’elle s’est développée ses deux derniers siècles a altéré le climat et la biodiversité remettant en cause la possibilité de la vie sur Terre et laisse croitre les inégalités ?

C’est une question majeure et je constate avec satisfaction que dans le camp progressiste, on assiste à l’irruption de l’écologie dans le débat et les propositions. Dans ce débat, la parole des écologistes et de Yannick Jadot est essentielle et je veux ici exprimer ma confiance dans notre candidat qui, depuis sa désignation, a non seulement rassemblé autour de lui la famille écologiste mais aussi su porter une parole forte et claire qui sert notre idéal et notre cause collective.

Cette parole claire est précieuse face au déni écologiste que l’on constate à droite. Elle est précieuse également quand on constate du coté du candidat qui tente une OPA sur le camp progressiste, Emmanuel Macron, l’absence totale de l’enjeu écologique. L’illusion qui consiste à feindre de tout changer pour que rien ne change est un véritable piège dans ce débat 2017.

Car, je le dis au passage, en l’absence de François Hollande, Monsieur Macron est le candidat du bilan du mandat qui s’achève. Il est le co-auteur de ce quinquennat de renoncement. De ce point de vue, je peux que m’étonner et même regretter que des porte-parole naturels de l’écologie cèdent aux sirènes du candidat Macron. L’écologie n’est pas une planche qui vise à surfer sur les vagues de la fausse modernité : le débat qui s’ouvre devra être l’occasion d’arracher les faux-nez du prétendu renouvellement pour affirmer un imaginaire politique neuf dont l’écologie est la colonne vertébrale.

Peut-être que les écologistes n’ont jamais été aussi proche de remporter cette bataille culturelle au sein de la famille progressiste.

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Ce qui me permet de finir sur le troisième vœu que je formule ce matin, celui de l’espoir.

Je l’ai dit, il ne faut jamais se résigner à la jubilation morbide que constitue la prédiction du pire. Le pire n’est jamais sûr. L’échec de la gauche traditionnelle à changer le réel s’explique avant tout par ses propres renoncements. Il faut donc que nous fassions mouvement contre cette résignation.

Refuser la résignation, s’indigner, être insoumis, ce n’est pas se complaire dans des coalitions de rejets, mais construire des coalitions de projet. La place de l’écologie et des écologistes est du coté de la résistance créatrice qui rassemble.

Là encore, je ne peux que me réjouir du travail effectué par Yannick pour porter cette exigence. Il le fait aux cotés de celles et ceux qui défendent avec sincérité depuis longtemps l’idéal écologiste. Les propositions que Yannick va vous exposer ce matin témoignent de cette rigueur inventive, de cette ouverture.

Le rôle de notre mouvement, aux cotés de son candidat, sera de contribuer à la construction d’une nouvelle majorité d’idée qui permette que 2017 porte l’espoir d’un nouveau départ politique pour notre pays et pour l’Europe.

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Je vous remercie.

 

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