Projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : Lettre au P.S.
à
M. René Souchon, Président de la Région Auvergne,
M. Alexandre Pourchon, Premier Secrétaire de la Fédération Socialiste du Puy-de-Dôme,
M. Jean Mallot, Premier Secrétaire de la Fédération Socialiste de l’Allier,
M. André Chapaveire, Premier Secrétaire de la Fédération Socialiste de la Haute-Loire,
M. Philippe Dubourg, Premier Secrétaire de la Fédération Socialiste du Cantal,
Clermont-Ferrand, le 27 novembre 2012
Objet : dossier du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Secrétaire,
Nous faisons aujourd’hui le choix de cette interpellation collective, au nom de la conviction partagée qu’il nous appartient de tout mettre en œuvre, à chaque niveau de responsabilité, pour éviter un enlisement portant préjudice à la démocratie et aux chances de réussite du gouvernement dont nous mesurons chaque jour l’ampleur de la tâche.
Depuis de trop nombreux jours maintenant, sur le site de Notre-Dame-des-Landes, nous sommes confrontés à des images et à des témoignages qui ne devraient laisser aucune femme et aucun homme de Gauche indifférent. Les 500 gendarmes dépêchés sur place par le gouvernement font un usage démesuré de leur force. Dans la zone occupée par les opposants au projet d’aéroport, la répression s’exerce violemment et indifféremment contre toutes les personnes présentes. Même les enfants et les personnes âgées sont agressés au gaz lacrymogène, et des blessés graves sont à déplorer.
Si un gouvernement de droite avait agi de la sorte, ne serions nous pas tous montés au créneau pour dénoncer ces exactions ? Tous les recours juridiques intentés contre le projet d’aéroport ne sont pas arrivés à leur terme : en France, au titre de la loi sur l’eau, et auprès des institutions européennes, au titre de quatre directives (Incidences sur l’environnement, Eau, Oiseaux, et Habitats). Nous sollicitons donc votre soutien pour demander un retrait immédiat des forces de police et l’arrêt des destructions et des expulsions.
Sur le fond, les arguments contre la réalisation de cet aéroport sont solides et une ouverture des discussions sur la pertinence actuelle de ce projet vieux de 40 ans serait amplement méritée. La commission de dialogue annoncée par le Premier ministre ne peut pas considérer l’opportunité d’un tel équipement comme une chose acquise mais bien comme un sujet de débat, surtout à l’heure où le gouvernement entreprend une redéfinition du Schéma National des Infrastructures de Transport (SNIT).
Chacun est libre d’avoir son opinion sur ce projet d’aéroport mais, au-delà de la communication officielle autour de ce projet, permettez nous de vous citer quelques uns des arguments en sa défaveur :
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Sa pertinence : dans un monde où le prix et la rareté du pétrole ne font qu’augmenter et où la réduction des émissions de gaz à effet de serre est vitale, faut-il miser sur une augmentation du transport aérien pour développer l’économie de notre pays ? Et quand bien même, l’actuel aéroport de Nantes Atlantique est loin d’être saturé (information confirmée entre autres par un collectif de pilotes d’avion de ligne) et peut être agrandi si cela s’avérait nécessaire.
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Son prix : ce projet est annoncé comme déficitaire par une étude indépendante commandée et financée par le Collectif des Elu-e-s Doutant de la Pertinence de l’Aéroport Notre-Dame des Landes (CEDPA), étude qui est en libre accès sur le site du collectif (1). L’aéroport serait réalisé via une concession de 55 ans à Vinci dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé, type de contrat très décrié en ce moment pour les coûts qu’ils occasionnent pour les collectivités. Ces dernières devront d’ailleurs aussi assumer la réalisation des infrastructures de transport, autoroutière et ferroviaire, pour relier Nantes au nouvel aéroport.
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Son coût environnemental : son implantation se ferait presque intégralement sur des zones humides qui sont riches en biodiversité, essentielles à la préservation de la qualité de la ressource en eau et qui constituent des terres fertiles nécessaires à notre avenir.
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Son coût social : son implantation met en péril l’activité d’une quarantaine de paysans, conduisant au total à la perte de 600 emplois induits sur le bassin nantais, alors que la filière agricole de proximité nécessite au contraire d’être soutenue. Et cet aéroport fera la part belle aux compagnies aériennes « low-cost » qui offrent à leurs salariés des conditions de travail peu reluisantes malgré qu’elles demandent généralement des subventions publiques pour s’installer.
Voilà pourquoi, quelle que soit votre opinion sur le sujet, nous espérons que vous appuierez, chacun avec vos interlocuteurs habituels, la reprise d’un dialogue plus conforme à la société modernisée et apaisée à laquelle aspirent nos concitoyens.
Des personnalités et des élus écologistes et socialistes se sont, ces derniers jours, exprimés en faveur de la nomination d’un médiateur qui pourrait jalonner un parcours de discussion et de dialogue entre chacune des parties. Cependant, vous en conviendrez, le médiateur que nous appelons de nos vœux se doit d’être indépendant et impartial, et à ce titre ne saurait être justement « l’ancien maire de Nantes ». L’ensemble des opposant-e-s y verrait forcément un mauvais signal envoyé et se braquerait inévitablement contre cette initiative. A ce titre, nous souhaitons aussi insister sur l’importance de la diversité au sein de la commission de dialogue : les partis politiques, les associations (ACIPA, CEDPA) et aussi des représentants des habitants de la ZAD doivent y prendre part.
Il n’entre aucunement dans nos intentions de vous dicter une conduite ou un mode opératoire, mais seulement de solliciter votre attention et votre appui, sous les formes que vous jugerez utile d’employer, à la démarche de dialogue que nous appelons de nos vœux.
Au-delà du cumul des crises, il convient aujourd’hui d’accompagner nos concitoyens dans une véritable mutation de société qui bouleverse toutes les conventions, recèle d’opportunités de changer la vie « en mieux » et s’attaque aux risques de replis de toute nature et d’aggravation des inégalités et des tensions.
Nous sommes convaincus que la gauche unie, dans sa diversité, peut relever ces défis.
La réussite est rendue aujourd’hui d’autant plus nécessaire que la grave crise de la droite républicaine affaiblit la crédibilité de la démocratie dans son ensemble.
Notre diversité nourrit des approches différentes, parfois des divergences. Mais le solde des dialogues que nous poursuivons, au fil des années, dans les collectivités que nous gérons ensemble, ainsi qu’entre nos mouvements, est positif.
Notre capacité à faire vivre de concert notre biodiversité et nos rassemblements, n’en doutons pas, sera un des facteurs clés qui pourront garantir la réussite de la mandature gouvernementale et législative et des rendez-vous électoraux annoncés en 2014, quelles que soient les options et choix électoraux.
En vous remerciant de votre attention, recevez, chers camarades, l’assurance de nos convictions de gauche et écologistes.
Nicolas BONNET, Secrétaire Régional Europe Écologie Les Verts Auvergne, 06.66.64.69.20
Agnès MOLLON, Présidente du groupe des élu-e-s EELV au Conseil Régional d’Auvergne
[ (1) : http://aeroportnddl.fr/file/4pages_cedpa_resultats_etude_oct11_couleur.pdf ]