Loi alimentation : des mesures cosmétiques et inégalitaires
Le modèle agricole français profite avant tout aux géants de l’agrochimie et de l’agroalimentaire qui, sous couvert de produire des aliments censés être accessibles, produit un système qui subventionne ces multinationales au détriment des producteurs et des consommateurs. Il est coûteux pour le contribuable en termes d’aides publiques, par les coûts de réparation sanitaires et environnementaux et par les destructions d’emplois qu’il induit. Pendant ce temps, l’agriculture paye le prix du plus gros plan social de France, passé sous silence, et laisse les petites exploitations péricliter alors que les aides de la PAC profitent avant tout aux grosses exploitations.
La crise laitière, celle du sucre et de la betterave, celle de l’élevage et bien d’autres ne trouveront aucune solution dans ce projet de loi. Ces secteurs de l’alimentation sont au contraire mis en danger par les multiples accords de libre-échange développés par l’Union européenne avec un soutien actif du gouvernement. De la mise en application provisoire du CETA, avant même ratification avec le Canada, aux accords en cours avec le Japon ou encore avec les pays latino-américains du MERCOSUR, ce sont autant d’accords qui mettent gravement en danger producteurs, consommateurs et territoires tout en favorisant une agriculture intensive et la guerre des prix.
Ce projet de loi arrive en outre en pleine réforme de la PAC, dont l’allocation profite aujourd’hui davantage aux grandes exploitations intensives qu’aux exploitations bio ou en transition. Les fonds français comme européens doivent être réorientés. C’est ainsi que nous soutiendrons une alimentation accessible et de qualité.
Si l’instauration d’un prix plancher est une mesure salvatrice pour les exploitant-es, la réalité de la traduction en caisse dans les supermarchés est une véritable menace pour les plus pauvres. Pourtant, d’autres systèmes de distribution ne seront pas touchés : les AMAP, les magasins direct producteur, les locavores, etc. Toutes les boutiques qui pratiquent déjà une politique d’achat sans ou avec peu d’intermédiaires vendent déjà des produits de qualité à des prix abordables pour les consommateurs et respectant le travail des producteurs.
La loi devait protéger la santé des consommateurs en instaurant notamment une interdiction des pesticides mais le texte final compte tant de dérogations qu’elle n’aura qu’un effet marginal. Pire, l’introduction de l’idée d’impossibilité à supprimer l’usage d’un produit va permettre de continuer à utiliser librement du glyphosate alors même que le gouvernement s’était engagé à en sortir avant 3 ans.
Autre sujet de déception, la question des maltraitances animales qui devait pourtant, après les scandales à répétition dans les abattoirs, occuper une place dans ce dispositif. Rien n’est prévu pour vérifier les exactions commises (pas beaucoup plus de personnel de l’état pour contrôler installations et procédures) malgré une augmentation des peines en cas de mauvais traitement. Tout change pour que rien ne change.
Depuis des décennies, les écologistes proposent des solutions alternatives à des pratiques agricoles qui détruisent notre planète et ses habitant-es. Au côté de nombreuses organisations agricoles, rurales, environnementales et citoyennes, nous demandons au Ministre et aux député-es de faire preuve de courage et de défendre les intérêts des citoyen-es plutôt que ceux des lobbys.
Tandis que les politiques publiques apparaissent cloisonnées, illisibles, dispersées et pensées surtout pour les grandes villes et les métropoles, il est urgent d’engager la transition écologique de permettre aux territoires ruraux de valoriser leurs ressources locales, d’apparaître comme des lieux où il est possible de concrétiser des projets professionnels basés sur des systèmes alimentaires locaux et des filières agricoles qui créent de la valeur et la répartissent équitablement.
Julien Bayou et Sandra Regol, porte-parole