EELV Béarn : Il faut créer une identité européenne !
Tribune libre, parue le 10 mai 2014 dans La République des Pyrénées, par Yves Freyssinier & Eurydice Bled
Dans deux semaines les électeurs européens s’exprimeront pour la composition de leur prochain parlement. A priori, l’abstention et les mouvements anti-européens ou euro sceptiques pourraient sortir vainqueurs de ce scrutin. Jamais sans doute la construction de l’union européenne n’a été à ce point contestée par les peuples alors que dans le même temps notre vieux continent n’a sans doute jamais eu autant besoin d’une unité politique et sociale. Comme l’avait dit Martin Luther King « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons tous mourir ensemble comme des idiots ». La construction du modèle européen est en panne. Est-ce une fatalité ? A qui est-ce la faute ? Aux états ? Aux politiques ? Aux citoyens européens ? Sans doute la faute à tous, y compris la nôtre, simples électeurs.
Les politiques sont en train de payer la note de plusieurs décennies de frilosité, mais aussi de malhonnêtetés politiques et intellectuelles. Depuis des décennies, une grande majorité d’entre eux, et notamment en France, préfère rejeter sur l’Europe tous les maux de notre société plutôt que d’assumer leurs propres actes. Quand ça va mal, c’est la faute à l’Europe alors qu’aucune décision européenne n’a pas reçu l’aval de l’ensemble de ses dirigeants, nos dirigeants. Bruxelles n’a jamais imposé aucune règle que nos ministres, premiers ministres, présidents ou députés n’ont pas validée. La commission européenne est le gendarme de l’Europe, elle n’en est pas le législateur. Elle propose des règles aux États et en contrôle l’application : elle ne les décide pas politiquement.
Écrire une histoire et un avenir communs à plus de 400 millions d’individus est un rêve un peu fou, sans doute, une grande utopie, peut-être. Depuis 60 ans, les dirigeants européens ont réalisé le plus facile, construire un espace économique, un espace de libre-échange, une monnaie. Il reste le volet le plus délicat, le plus complexe : donner aux citoyens de cet espace économique l’envie de partager un destin commun. Les constructeurs historiques de l’Union Européenne avaient à juste raison commencé la réalisation de l’espace économique commun, convaincus que la construction de la dimension politique viendrait naturellement. Il ne pouvait en être autrement au sortir d’un épisode aussi douloureux que celui de la seconde guerre mondiale. Il fallait inventer un avenir de paix à un continent qui avait jusqu’alors connu trop d’épisodes guerriers. Alors quel avenir commun ? Avec qui ? A l’intérieur de quelles frontières ? L’élargissement sans doute trop rapide et trop mal préparé de l’Union Européenne pose des questions légitimes de repères, d’horizon mal défini.
Il est désormais urgent de poser les jalons de l’étape suivante, l’une des dernières, qui fera que l’Europe sera ou ne sera jamais comme espace politique influent maître de son destin. Il faut que l’Europe politique éclaire l’Europe citoyenne. Il faut une diplomatie et une défense supranationales pour accompagner et peser sur les évolutions de notre monde. Il faut une fiscalité européenne et que chaque contribuable européen paye un impôt direct européen. Il faut sans doute réaffirmer des actes symboliques. Un 9 mai, journée de l’Europe, férié dans l’ensemble des états de l’Union n’aurait-il pas plus de poids que le 8 mai chômé pour certains pour célébrer la victoire des uns et la défaite des autres ? Une fête nationale européenne ne serait-elle pas utile et nécessaire pour célébrer l’histoire extraordinaire qui est la nôtre ? La démocratie ne peut s’exprimer sans la transparence pour toute décision. Il faut des institutions lisibles par chaque citoyen, que chacun puisse comprendre l’enjeu de chaque décision. Oui, il faut une constitution européenne qui fondera un État européen.
Il faut aussi faire tomber des barrières et notamment celle de la langue. Le multilinguisme n’est pas un handicap s’il est partagé. Les langues étrangères ne sont pas des dangers qui menacent notre modèle social et sociétal : ce sont des outils pour accroitre notre périmètre d’action et d’influence.
Il faut s’affranchir de la tentation du repli identitaire. Les mouvements régionalistes s’inscrivent aujourd’hui dans cette démarche à contresens de l’histoire, même si ces mouvements prétendent évidemment le contraire. L’autonomie de l’Occitanie ou de la Savoie ont-elles encore un sens historique sérieux ? Les langues régionales européennes sont des trésors de notre patrimoine culturel qu’un grand système de l’Éducation Nationale et peut-être un jour Européen sauront défendre dans l’École publique et laïque. Mais l’Occitan ou le Breton ne seront plus jamais les langues officielles de provinces indépendantes.
Il faut enfin développer l’espace social commun qui est la seule réponse aux compétions exacerbées entre États, aux dumpings fiscal, social et environnemental. Les syndicats européens ont déjà des actions communes. Le pire destin de l’Europe serait celui du rétablissement des frontières et des barrières économiques. On a vu par le passé que les frontières n’ont jamais empêché les phénomènes migratoires. Tant qu’il y aura de la misère à nos portes il y aura la tentation de délocalisations par des investisseurs peu scrupuleux. Le monde et l’Europe produisent suffisamment de richesse pour que le nivellement se fasse par le haut. Cette conquête sociale commune est notre prochain défi : l’éviter serait suicidaire pour notre économie.