Bassin d’Arcachon : Pesticides-le constat alarmant de Jean-Marie Froidefond et Thérèse Meunier
L’Agence Européenne pour la Sécurité Alimentaire (EFSA) dans son rapport de 2010 a identifié 365 pesticides différents dans les fruits et légumes dont 3,5% qui dépassent le seuil maximal autorisé. Plus de 70 aliments pour bébé présentaient des résidus de pesticides.
Les Français présentent un niveau d’imprégnation par les pesticides parmi les plus élevés par rapport à ceux relevés dans les pays comparables (Institut de Veille Sanitaire, Le Monde, 30/04/2013). Ce n’est guère étonnant puisque la France est le premier consommateur européen en pesticides. Elle en répand plus de 65000 tonnes par an, pour un montant de 2 milliards d’euros ! Ces pesticides appelés courtoisement « produits phytosanitaires » par ceux qui les commercialisent, sont des poisons pour tuer les herbes (herbicides), les champignons (fongicides), les vers (nématicides), les oiseaux (corvicides), les insectes (insecticides) etc. La micro-vie, ce qui fait la richesse des sols, est ainsi éliminée.
Mais malheureusement les agriculteurs ont été convaincus que ces produits chimiques étaient absolument nécessaires pour augmenter les rendements à l’hectare et donc rentabiliser leur exploitation. Le Plan « Ecophyto » issu du Grenelle de l’Environnement prévoyait de réduire de 50% l’utilisation des pesticides en 2018. Aujourd’hui, ce plan n’est même plus affiché par le Ministère.
Le Pays Bassin d’Arcachon et l’agro-industrie
L’agro-industrie occupe une partie importante des bassins versants du Bassin d’Arcachon. Rappelons-nous les marées vertes qui avaient envahi le Bassin d’Arcachon au début des années 90, suite à des épandages excessifs d’engrais. Nous disposons actuellement d’un rapport sur les « Pratiques Phytosanitaires » (SIBA, 2012) appliquées sur les bassins versants du Canal des Etangs, du ruisseau du Ponteils et du bassin de la Leyre, qui est de très loin le plus important.
La culture du maïs occupe environ 35000 ha et la culture de légumes en plein champ et industriels plus de 5700 ha (ce sont des ordres de grandeur car il existe une rotation des cultures). Ces cultures légumières sont réalisées sous contrat avec des calendriers de traitements imposés. Dans d’autres cas, ce sont des techniciens du groupe industriel qui traitent les cultures. Si le maïs est la culture prédominante, ce sont les cultures légumières qui sont les plus consommatrices en pesticides. Quelques exemples parmi les pesticides les plus utilisés. En premier lieu les nématicides (pesticide contre les vers parasites) qui sont utilisés pour les cultures des haricots et des carottes qui couvrent la très grande majorité des surfaces légumières. Parmi ces nématicides, l’agro-industrie utilise environ 100 tonnes de métam sodium et 20 tonnes de 1-3 dichloropropène par an. Ces deux produits sont très toxiques et interdits par l’Union Européenne, mais une dérogation a été obtenue par le gouvernement français. Ces deux produits sont insufflés sous forme gazeuse dans le sol et ils tuent tous les organismes. Le relargage des gaz est dangereux pour la faune (sanglier, chevreuils). Par rapport à ces cultures légumières, le traitement du maïs est moindre, puisque seulement 16 tonnes de S-métalochore sont utilisés.
D’autres produits sont répandus mais avec des tonnages moindres ( le mancozèbe : 7 tonnes, le glyphosate : 5 tonnes, le bentazone : 5 tonnes, l’acétochlore : 3 tonnes…). Ces chiffres sont probablement sous-dimensionnés et incomplets puisque 47% seulement des exploitants ont accepté de répondre à l’enquête. Enfin, le Bassin versant du Ponteils est particulier, puisque s’ajoutent aux pesticides (terbutryn, isoproturon) les lixiviats (jus d’infiltration et de ruissèlement) provenant de l’ancienne décharge d’Audenge. Les communes utilisent aussi des pesticides, mais les quantités sont d’un ordre bien plus faible (quelques centaines de kilos).
Au vue de ces chiffres il est légitime de se poser la question des effets de ces produits sur l’eau, l’environnement et la santé. Le rapport sur « Les Pratiques Phytosanitaires » établit que les principaux produits mentionnés ci-dessus (nématicides, herbicides) sont susceptibles de se retrouver dans les cours d’eau et dans le Bassin d’Arcachon. Ce rapport précise que les tests écotoxicologiques montrent que les eaux du point Arguin (Les Passes du Bassin d’Arcachon), le plus éloigné des apports des bassins versants, présentent généralement la meilleure croissance phytoplanctonique et peu d’anomalies larvaires, alors que les eaux de la Leyre présentent une forte inhibition de croissance phytoplanctonique ainsi que des anomalies larvaires très importantes.
En ce qui concerne la santé humaine (les carottes sont utilisées dans des petits pots pour bébés), malheureusement nous ne disposons d’aucune donnée sur les concentrations, la bio-accumulation et les effets additionnels ou cocktail, sur le système endocrinien.
Les épandages
Les stations d’épuration des eaux usées du Bassin d’Arcachon génèrent des boues ou miattes gérées par SEDE Environnement, groupe VEOLIA. D’après le rapport sur le Bilan Agronomique 2011 en ligne sur le site du SIBA, une partie (1310 tonnes) a été fournie à des exploitants agricoles pour des épandages sur 2300 ha en Gironde et une autre partie (9699 tonnes) pour une filière de compostage sur le site Aquitaine Compost à Cestas. En 2011, les exploitations agricoles étaient situées sur les communes de Cestas, Mios, Le Teich, Lanton et Audenge. Les métaux lourds (cadmium, mercure, cuivre, chrome…) et les PCB, sont présents, mais inférieurs aux normes du 8 janvier 1998. Il est curieux de noter que ces normes n’imposent aucune analyse sur d’autres substances telles que les résidus pharmaceutiques (médicaments). Ces produits plus ou moins toxiques s’ajoutent aux pesticides bien évidemment.
Un projet d’épandage de cendres sur plus de 8000 ha dont en partie sur le Bassin de la Leyre a été soumis à enquête publique au mois de mars 2013. En effet, un incinérateur biomasse (Dalkia, Veolia Environnement) situé à côté de la papeterie Smurfit Kappa à Biganos fournis 22000 tonnes de cendres par an. Cet incinérateur, le plus important d’Europe, brûle des branches de pins, des écorces, des souches et du bois de recyclage. Les cendres contiennent des métaux lourds, des furannes et des dioxines type « Seveso ». Le pétitionnaire assure que les taux en dioxine sont bien inférieurs aux normes. Mais une augmentation du bois de recyclage peut entraîner de fortes augmentations de polluants. Ceux-ci s’ajouteraient aux pesticides.
Or, le protocole de suivi des analyses n’est pas précisé de façon claire. En plus c’est l’exploitant (Dalkia) qui sélectionne le laboratoire d’analyse et qui le finance. C’est pour cette raison que les associations ont donné des avis défavorables.
L’agro-industrie est une menace bien réelle sur l’environnement du Bassin d’Arcachon, la qualité des eaux et dans une certaine mesure sur la santé humaine. Il est nécessaire de revoir la politique actuelle, bien trop complaisante vis-à-vis des industries alimentaires et des multinationales fabriquant les pesticides. La solution serait de relancer le plan « Ecophyto » du Grenelle de l’environnement, c’est à dire diminuer de 50% l’utilisation des pesticides et d’interdire les produits les plus toxiques.
Groupe local Bassin d’Arcachon
Communiqué de presse
Rédigé par Th. Meunier et J-M Froidefond