L’aveu? selon Pol

Éva Joly était en meeting à Talence, près de Bordeaux, le mercredi 28 mars au soir. Elle a prononcé un discours avec sa petite voix, son accent, et sa différence. La presse titre avec l’AFP sur son Mea Culpa, alors que, selon un de mes camarades, présent sur place, ce serait plutôt Noël Mamère qui se serait excuser de s’être poser la question, à haute voix, de l’opportunité du retrait de sa candidature.Quand elle dit au début de son intervention:Voilà pourquoi j’enrage parfois de ne pas toujours trouver les mots, l’astuce, l’image qui frappe et parle au plus grand nombre. Je sais bien que j’ai ma part de responsabilité dans le peu d’écho qu’on accorde à mes propos. Je l’entends comme une analyse, pas une auto-critique, comme le montre la suite.
Mais je sais aussi que le système met à l’index ceux qui veulent changer la règle du jeu. Le système ne s’y trompe pas, si les attaques sont si violentes, c’est parce que je ne fais pas semblant. Ce que je dis, je le pense vraiment. Je ne m’accomode pas des mœurs du milieu politique où il faut davantage se méfier de ses amis que de ses ennemis.  Bref, je ne vais pas m’étonner du fait que la majorité des journalistes participent au storytelling dominant. Mais il y a une manière de raconter les faits qui m’énerve profondément. Si Éva Joly dit : Lorsque je vois dans les sondages que le pouvoir d’achat est la première préoccupation (des Français) et l’écologie la dernière, je me dis que j’ai été très mauvaise et que je n’ai pas réussi à faire comprendre les enjeux écologiques alors que « nos solutions » peuvent permettre d’améliorer le pouvoir d’achat. Le journaliste rajoute : a-t-elle avoué! Unaveu ? Un Mea culpa ? Alors que c’est juste une introspection honnête de la candidate! Un aveu, où est le crime?

Éva, n’est pas une professionnelle de la politique, n’est pas un tribun, n’est pas un homme, et elle a raison de nous parler ainsi, parce qu’il y en a marre des formules anciennes, des poncifs et des figures de rhétorique imposées, criées d’une voix érayée pleine de testostérone. On a besoin de nouveaux discours, on a besoin de modestie, face à la merde ambiante, face à la complexité, on a besoin de justesse et d’interrogations formulées à haute voix, même si celle-ci ne porte pas trop loin. Éva est d’origine étrangère, et c’est formidable comme expérience pour le pays, pour nous sortir de notre glaise coloniale, de notre ethnocentrisme de cul terreux. C’est un personnage réconfortant pour moi (et je ne dois pas être le seul) qui me sent en exil dans mon propre pays, tellement Sarkozy l’a défiguré. Éva Joly est la seule qui a le ton juste, qui parle vraie et qui porte les vrais solutions aux problèmes indépassables. Demandez à un autre candidat de vous parler de la sixième extinction qui est le premier problème de notre planète parce qu’il fait peser un danger mortel sur notre espèce ? C’est la seule qui joue le jeu, qui fait une campagne, alors que les autres, tous les autres, sans exception, sont professionels et ont accepté de se transformer en pot de yaourt dans des campagnes publicitaires.

Y en a marre des braillards, des matamores, des excités, des prétentieux et des dominateurs. On veut de la compréhension, du dialogue, de l’intelligence et du parlé vrai. On veut du rassemblement, de nouvelles méthodes de travail, de nouvelles manières de penser, de la coopération, de l’entraide.  Et elle le sait bien Éva, elle est dans le discours juste. Et elle ne fait pas de Mea Culpa quand elle dit : Je ne suis ni le bruit, ni la fureurJe ne suis que la petite voix de la raisonJe sais que je ne suis pas formatée comme les autres candidats. Je n’ai ni l’humeur tonitruante de Mélenchon, ni l’art de la synthèse de François Hollande, je n’ai pas comme François Bayrou la certitude d’être née pour accomplir un destin, je n’ai pas reçu la haine en héritage comme Marine Le Pen et l’ambition ne guide pas chacun de mes pas comme Nicolas Sarkozy.Elle attaque ! C’est sa manière à elle d’être agressive ! Et moi j’aime ce calme, cette lenteur, cette douceur, cette honnêteté ! Les commentateurs se moquent, parce qu’ils sont payés pour cela. Nicolas Domenach, et tout le plateau de l’émission de midi trente sur Canal +, par exemple, ricanent à propos de sa drôle de façon de se présenter. Les pauvres, ils ne savent même ce qu’ils énoncent. Ils me font rire ce genre de commentateurs avec leur nez dans le guidon (et je suis bienveillant en écrivant cela). Ils moulinent le même chapelet de prières néolibérales, le même discours, les mêmes mantras productivistes les mêmes dogmes idéologiques. Une campagne électorale où les récits sont plus importants que les idées… Est-ce que le fait de primer l’émotion sur l’analyse, l’identification sur la distance critique, ne fait pas du récit un danger potentiel pour la démocratie? Demande Christian Salmon.

Alors que justement Éva Joly elle est formidable, parce qu’on ne peut pas la soupçonner de magouille politicienne, on ne peut pas croire qu’elle se fera prendre en flagrant d’élit d’avoir mis les mains dans le pot de confiture, parce qu’elle n’est pas ce genre de personnage formaté pour la politique politicienne, etmarketé à la culotte par un aréopage de spindoctors.

La campagne électorale est une catastrophe : pas de débat démocratique, pas d’avancées de la pensée, pas d’idées, le désert de la communication publicitaire.  Maintenant que le spectacle du cauchemar sécuritaire est venu opportunément occuper le devant de la scène médiatique, il reste juste à se tenir droit, calme et juste. Je dirais qu’avec cette attitude Éva Joly, dans la tradition juivre, serait un mensch! (c’est ce qui n’est pas trés féministe, je vous l’accorde, mais cela m’amuse de l’écrire)

Éva Joly doit continuer ainsi, ne rien changer, ne pas douter. Il n’y a aucun moyen d’améliorer ce cirque médiatique, alors, il faut simplement tenir le cap, avec honnêteté. Peut-être que les électeurs sont un peu moins cons que les professionnels des médias?

J’ai bien compris que le changement c’est maintenant, mais le vrai changement c’est pour quand? demande calmement Éva Joly.

 

Publié dans un incertain regard, le blog de Pol sur Médiapart

Photo : © Pascale Martineau

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