Compte rendu de l’ATELIER MALI : Gagner la paix ?
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Merci aux eurodéputé-es,  en la personne d’Eva Joly et Michèle Rivasi, ainsi qu’à la Fondation de l’Ecologie Politique pour leur financement.

Animation : Françoise Alamartine, responsable de la commission Transnationale, Gérard Lansade, membre du Groupe Afrique et de l’association « Avec et pour le Mali ».

Intervenant-es : Bintou Diallo, présidente du Parti Vert malien, N’Fa Diabate, vice- président, maire de Tienfala, 6900 H – Ousmane B.Diallo, éleveur, représentant de la Cnop1– Housseini Saye, maire de Bandiagara, 25000H, pays Dogon – Nicole Kiil-Nielsen, députée européenne 2009/2014.

Introduction : Françoise Alamartine, responsable de la commission Transnationale

Après l’opération militaire « Serval, » l’important pour EELV était de parvenir à « gagner la paix », c’est à dire favoriser un autre développement seul à même d’éviter d’autres conflits. Il nous a donc semblé nécessaire un an et demi après de faire le bilan de cette intervention et de ses suites.

Aujourd’hui, « Barkhane » a succédé, depuis le 1er août, à « Serval » et 3000 hommes se sont installés dans le Nord du Mali. Ce qui devait être une opération limitée dans le temps semble se transformer en présence permanente.

Certes, la région Nord n’est pas stabilisée. Bien sûr, les problèmes en Libye peuvent être menaçants. Mais la question n’est-elle pas plutôt, comme partout, que nos gouvernements ne s’attaquent pas aux causes. Qu’ils ne savent pas ou ne veulent pas, car le bellicisme et les guerres sont des solutions commodes en temps de « crises » justement « Comment gagner la paix ? ».

Pour EELV, gagner la paix signifiait l’instauration d’une vraie démocratie. Ce qui veut dire, représentative, mais aussi participative, à l’écoute des populations, avec les populations. Avec une place importante donnée aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Notez qu’il ne s’agit pas de donner des leçons : cette définition d’une véritable démocratie, nous aurions grand besoin de nous l’appliquer à nous mêmes.

Il s’agissait aussi de modifier, enfin, les relations économiques, commerciales, inégalitaires. Et de privilégier des projets élaborés avec la population. Que la reconstruction ne soit pas une aubaine pour les multinationales françaises. Ce n’est pas être cynique que de dire cela à l’heure où le gouvernement privilégie la diplomatie économique, l’ouverture des marchés et supprime le mot « Coopération » de son vocabulaire.

Qu’en est-il, d’ailleurs, de l’aide au développement ? Notre ministre du Développement, avant sa démission du gouvernement, a tenté de réformer son fonctionnement, d’y inscrire des critères plus environnementaux, sociaux, d’y introduire plus de transparence…

Et, dans un pays où la population rurale est majoritaire, comment se porte l’agriculture vivrière ? A l’heure où les institutions internationales, FMI, Banque Mondiale, après l’avoir ruinée par leurs plans d’ajustement structurels, s’accordent enfin à souligner l’absolue nécessité de soutenir l’agriculture familiale… est-ce le cas au Mali ?

On peut douter, puisque aujourd’hui l’Union Européenne fait pression sur les pays d’Afrique de l’Ouest pour qu’ils signent des Accords de Partenariat Economiques (APE). Afin qu’ils ouvrient leurs frontières aux produits européens subventionnés, ce qui ruinerait un peu plus l’agriculture locale.

Pour nous, écologistes, ce modèle de développement n’est évidemment pas viable, ni pour la population, ni pour l’environnement. Il faut en inventer un autre.

C’est toutes ces questions sur la démocratie, le développement local, l’économie, l’agriculture, l’environnement qui se posent à nous et dont nous voulons débattre avec nos invité-es.

Gérard Lansade, membre du groupe Afrique d’EELV et de l’association « Avec et pour le Mali »

Comment gagner la paix dans un pays classé 172ème sur 181 par le classement mondial de l’ONU ( richesse du pays et revenu par habitant) et où ,de plus, après l’intervention militaire au Nord Mali, des réfugiés vivent encore actuellement précairement dans des camps à l’extérieur du pays ou bien sont disséminés sur le territoire malien sans pouvoir regagner leur région d’origine en l’absence de sécurité.

À la conférence des pays donateurs (15/05/2013 -Bruxelles , l’Union Européenne a accordé au Mali une enveloppe de 250 millions d’euros . La France pour sa part a fixé à 141 millions d’euros son aide directe.

Ces moyens financiers sont destinés à une relance multiforme prioritairement pour l’accès à l’eau, l’électricité, la santé, l’alimentation dans un pays ( et pas forcément qu’au Mali) où souvent l’on constate que l’argent des aides se « perd dans le sable ».

Avec ma double casquette de membre d’EELV et de l’ONG « Avec et pour le Mali », nous avons pensé, au groupe Afrique d’EELV, inviter Housseini Saye, Maire de la commune de Bandiagara (25000 habitants-Pays Dogon) distante de seulement 60 kilomètres de Kona où la progression de combattants venus du Nord a été stoppée militairement.

La coopération décentralisée

Une précision : une commune malienne sur cinq est aujourd’hui jumelée avec une commune française. La collectivité territoriale de Bandiagara , pour sa part, opté pour un co-développement dans le cadre d’une coopération décentralisée signée d’abord historiquement avec la ville de Rennes (Nicole Kill Nilsen ici présente en était la responsable) et maintenant avec la ville d’Orchies (59) qui s’appuie sur notre ONG « Avec et pour le Mali ». Nous solliciterons le témoignage d’Housseini sur les besoins et les attentes de sa commune. Nous pensons ensemble qu’avec cette échelle et en s’adressant directement à leurs homologues la collaboration internationale décentralisée cible avec plus de précisions les besoins, permet d’aller plus vite ( dix fois plus qu’avec un travail d’Etat à Etat), d’être plus directe, plus efficace et mieux adaptée.

Un exemple concret : dans le cercle de Bandiagara, la commune de Kombo Kani a pu réaliser un « jardin scolaire ». C’est un projet villageois car les autorités locales, les enseignants et les familles ont élaboré ensemble, avec le soutien de notre ONG, le projet ( accès à l’eau, palissades, semences reproductibles, etc…). Résultat : dans cette région sahélienne, les enfants prennent en charge le jardin, les mères bénévoles ont créé et gèrent une cantine, la nourriture est diversifiée, les enfants sont assidus à l’école, ce modèle est reproductible sur d’autres communes .

Les écologistes se doivent, là où ils peuvent les actionner, de répondre présents à ces opportunités d’intervention de terrain par delà les politiques générales menées par les Etats.

Atelier Mali

Nous laissons la parole à nos invité-es.

Housseini Saye, maire de Bandiagara

Proche de la falaise. Bandiagara est classé « Patrimoine mondial de l’UNESCO « , c’est la 1ère destination touristique du Mali. Mais cette principale ressource est actuellement exsangue à cause de la désertion des touristes causée par l’instabilité de la région Nord qui est proche.

Problèmes d’environnement

Il y a bien une petite agriculture, mais le déboisement a entrainé le ravinement des sols lors des pluies. Et ceci, bien qu’il y ait peu de pluie, puisqu’on est passé de 500/600 mm/an à 300/400. Cela rend la situation de plus en plus difficile.

Le système électoral est proche du système français et la municipalité se compose de 17 élu-es. Des efforts étant faits pour atteindre la parité. La ville est divisée en quartier de 2500 habitants administré par des « chefs de quartier ».

L’un des problèmes de Bandiagara tient à ce que la ville a grossi sans que les infrastructures puissent suivre, en particulier pour l’assainissement ou la distribution de l’eau. D’où l’importance de la coopération décentralisée, comme l’a décrite Gérard L.. Elle est bien préférable à la coopération d’Etat à Etat, correspondant mieux aux besoins des populations et leur parvenant. D’ailleurs, lors de la crise gouvernementale, alors qu’il n’y avait quasiment plus d’Etat, les collectivités fonctionnaient encore.

 

Ousmane B. Diallo, représentant de la CNOP

La Cnop est une fédération d’associations et non d’individus. Elle se différencie des chambres syndicales, qui sont des organismes d’état, elle est indépendante.

En 2012, il y a eu une guerre bien plus grave que celle du Nord Mali, c’est celle de l’accaparement des terres.

Du jour au lendemain, des agriculteurs se sont trouvés privés de leurs terres, sans en avoir été avertis. Ils arrivaient un matin sur leur terre et on les chassait. Des centaines de milliers d’hectares ont été attribués à des Libyens, à des entreprises chinoises, à des sucrières brésiliennes. En 2011, cette spoliation atteignait 700 O00 hectares. 33 villages ont ainsi été dépouillés de leurs terres. Un fils de Khadafi a participé à ce vol, creusant un canal de 114 m sur 42kms ( contre 8 à 10 m normalement), pompant l’eau du fleuve au détriment des habitants.

Grâce aux mobilisations, aux manifestations, une loi sur l’agriculture est en train d’être élaborée. Elle intègre une politique foncière agricole qui reprend nombre des propositions de la Cnop et de ses représentants élus au Parlement. Elle vise à empêcher l’accaparement des terres par des multinationales. Mais celles-ci engagent des prête-noms. On leur donne de l’argent, des crédits et ils ont droit à des exonérations d’impôts.

Heureusement, il y a eu l’aide de Via Campesina, qui a formé et informé et qui a aussi aidé à la création d’un village paysan. La sensibilisation est même arrivée jusqu’à l’ONU. En particulier lorsque ces occupations ont abouti à la profanation d’un cimetière.

Après la guerre, la paix ?

Résistance aux APE

Aujourd’hui, grâce au multipartisme, la presse est plus libre, elle parle des APE. Elle dénonce la concurrence déloyale, grâce aux subventions cachées, aux rendements inférieurs parfois. Et aux normes hypocrites : des produits refusés parce qu’ils ne correspondent pas aux normes environnementales européennes, alors que les agriculteurs maliens n’ont pas les moyens de mettre autant de pesticides que les européens !

Des pays « sous tutelle », comme la Côte d’Ivoire ou le Ghana, ont été forcés de signer ces accords. La Cedeao vient de le faire, mais ils doivent encore être ratifiés par les gouvernements. La Cnop a quelques députés qui sont informés et vont travailler à informer leurs collègues, qui, en général, le sont beaucoup moins.

 

Intervention de Binto Diallo, présidente du Parti Vert Malien

L’intervention française a été une bonne chose, mais tout n’est pas parfait. Il faut se souvenir d’un proverbe malien :  » Si tu cherches une aiguille et que celui qui t’aide à la chercher a le pied dessus, tu ne pourras la trouver ».

Les problèmes de la terre sont primordiaux. La famine, les difficultés détournent les jeunes de l’agriculture. Kidnapping, drogue, brigandage apportaient de l’argent facile. Or, l’économie du pays repose sur l’agriculture , l’élevage, la pêche à 80%.

Loi foncière, démocratie, agro-carburants

La loi foncière ne peut être écrite sans faire référence au droit coutumier, sans consultation des populations. Ainsi de la gestion des terres, cultivées traditionnellement par des paysans non propriétaires. Si la distribution, à travers la loi de décentralisation, est confiée au chef de village, alors que celui-ci est analphabète, que le maire est cupide, irresponsable, il y aura des ventes illicites, et l’accaparement des terres dont parlait Ousmane. Et il y aura encore des scandales comme celui des 300 maisons détruites, les familles se retrouvant sans toit en pleine saison des pluies. La décentralisation doit s’appuyer sur une démocratie à la base, sur la communauté de base.

Outre les multinationales étrangères qui s’emparent des terres, de nombreux particuliers, maliens ou étrangers, ont des concessions rurales variant de 2 à 1000 hectares. Des terrains d’agrément qu’ils ne cultivent pas.

Et l’agriculture connait aujourd’hui un autre problème : 40% des baux fonciers concernent les cultures à vocation d’agro-carburants. Par exemple, le Jatropha, plante cultivée traditionnellement pour former des haies vives, fixer la terre et faire du savon artisanal e st maintenant transformé par l’industrie pour ces agro-carburants. Conséquences : appauvrissement des sols et perte pour l’économie familiale.

A cela s’ajoute la mauvaise gestion de l’Etat, voire les brimades de ses agents contre les agriculteurs. Et l’isolement des 703 communes qui structurent le territoire malien où manque une forme d’intercommunalité. Tout ceci accentue paupérisation et exode rural

Pourtant, il y a des potentialités. Par exemple, en pays Dogon, un bassin de rétention et l’eau permettent des productions importantes qui fournissent le pays en oignons, échalotes ou mil.

 

N’Fa Diabate, maire écologiste de Tienfala

Un maire vert, mais méconnu, alors qu’il l’est depuis 2004. Il n’est pas le seul écologiste de son conseil municipal, son 1er adjoint l’est aussi ainsi que le 3ème. Tienfala est un bourg de 6900 habitants, dont 61% de femmes. Son village a 4 écoles, 2 de second cycle, 4 centres de santé, plus une maternité rurale.

Décentralisation, problèmes des déchets et mobilisation citoyenne

Le transfert de compétence de l’état aux collectivités, que ce soit pour l’éducation, le système hydraulique ou la santé, est plus de façade que réel. Ce sont toujours les agents nationaux qui contrôlent et ont le pouvoir de décision. Ce qui a des effets négatifs comme le montre la gestion de la forêt de 300 hectares qui est sur son territoire. Peuplé de hyènes et de singes, elle est classée. Mais cette ressource naturelle mal entretenue risque de disparaitre.

Tienfala est près de Bamako, trop près. L’état s’est emparé d’une superficie de 52 hectares pour y installer une décharge accueillant les déchets de la capitale. Sans avoir consulté la collectivité. Le conseil municipal a organisé des formations sur les effets néfastes de cette installation (pollutions de l’eau, des sols, danger sur la santé, etc). Des manifestations, des sit-in ont ponctué la protestation des habitants, avec succès, puisque un système de membrane évite aujourd’hui que les eaux soient souillées.

Pour faire connaitre l’écologie, N’Fa Diabate s’est présenté aux législatives où il a obtenu un bon résultat, pour une première tentative, en arrivant en 4ème position sur 8 candidats.

 

Nicole Kiil Nielsen, députée européenne 2009/2014

Une pratique démocratique ancienne

Le temps manquant, elle n’a pu faire qu’un petit commentaire. Ayant été pour l’U.E. observatrice des élections de 2013, elle confirme leur bonne tenue, due aussi à la longue habitude qu’avaient l’état malien et la population d’organiser des élections.

Elle insiste aussi sur l’importance fondamentale de la coopération décentralisée, qu’elle a pratiquée en tant que conseillère régionale, et qui permet d’appuyer des projets que les Etats n’auraient pas forcément acceptés.

Atelier Mali

1Coordination nationale des organisations paysannes du Mali, indépendante de l’état, rattachée au Roppa

Une réflexion au sujet de “Compte rendu de l’ATELIER MALI : Gagner la paix ?

  1. Un atelier remarquable par les éléments concernant : le foncier (ventes de terre aux pays étrangers (par qui ?) et privatisation accélérée) et la décentralisation (absence dramatique de moyens en particulier financiers = non accès à des sources d’emprunt, retrait incompréhensible des bailleurs de fonds de ce secteur, alors que Dieu sait les commentaires dithyrambiques qui ont été faits sur son succès). Ces deux domaines relèvent, de manière primordiale, de la politique de l’Etat ce que l’atelier ne relève pas suffisamment. Cela fait transparaître la profondeur de la crise politique dans laquelle l’Etat et la société malienne se trouvent plongés depuis pas mal de temps et qui peut être l’une des explications de la crise récente. Dès lors, les appels à l’instauration d’une « vraie démocratie représentative mais aussi participative avec les populations  » restent vagues et carrément trop généraux. Il serait urgent de dérouler dans le détail la signification que ces termes, qui ont trop l’allure de slogans, peuvent prendre en particulier pour la société malienne. On ne peut échapper à une analyse politique de la crise actuelle et de ses racines.

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