Élection présidentielle américaine : portrait de la candidate écolo
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Le bipartisme américain est tellement prononcé que dans la course à la Maison Blanche, rares sont les médias qui traitent des candidatures des third-party candidats. Tout au plus ces derniers sont-ils relégués à la rubrique des anecdotes de campagne. À tel point que Jill Stein, candidate du Green Party of the United States (GPUS) reste peu connue du grand public aux États-Unis. En Europe, on ignore quasiment l’existence même du GPUS. L’élection présidentielle américaine est donc l’occasion de donner un coup de projecteur sur le mouvement écolo américain et sur sa candidate qui, si elle ne dispose pas des colossaux moyens des candidats républicains et démocrates, a des arguments à faire valoir dans une campagne où les questions environnementales sont totalement délaissées.

Bio de la candidate

Jill Stein a été élu candidate du GPUS à l’élection présidentielle américaine après une primaire organisé au sein du parti, lequel compte environ 300 000 membres. Cette pédiatre de 62 ans a donc pris le relais de Ralph Nader, candidat du GPUS en 1996, 2000, 2004 et 2008. Sa carrière l’a amenée à étudier les conséquences sanitaires de l’environnement sur l’être humain et c’est donc d’une manière assez naturelle qu’elle est approchée par le Green Party en 2002 pour être la candidate des écolos à l’élection du Gouverneur du Massachussetts. Lors d’un débat télévisé  organisé pour cette campagne elle croisa notamment le fer avec… Mitt Romney.

Des difficultés à s’imposer dans les grands médias américains

Aujourd’hui, c’est précisément ce droit à un débat et à une présence médiatique équitable que Jill Stein revendique. Si le principe d’égalité du temps de parole imposé par le CSA a fait débat dans notre pays au printemps dernier, il faut néanmoins lui reconnaitre le mérite d’être un frein au bipartisme qu’implique déjà grandement un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Car les débats Obama/Romney et Biden/Ryan récemment retransmis sur les chaînes américaines sont strictement encadrés par les très restrictives règles de la Commission sur les débats présidentiels. D’après celles-ci, « seuls les candidats affichant 15% d’intentions de vote dans 5 différents instituts de sondage peuvent prétendre participer au débat ». Or cette commission est tout sauf indépendante puisqu’elle est le fruit d’un accord entre cadres républicains et démocrates en 1988.

De fait, Jill Stein doit aujourd’hui faire face à un problème difficilement soluble : pour obtenir ces 15%, il faudrait qu’elle soit davantage reconnue, mais pour obtenir cette popularité, une forte exposition médiatique est indispensable. Un cercle vicieux pour les petits candidats qui cadenasse un peu plus le duopole républicano-démocrate.

De plus, la candidate du Green Party doit composer avec un budget extrêmement limité de l’ordre d’un million de dollars. Une somme à comparer avec les 181 millions de dollars levés par Obama sur le seul mois de septembre et les 111 millions de dollars récoltés par Romney en août. Stein revendique d’ailleurs fièrement le fait de ne dépendre d’aucun financement de sociétés privées pour faire campagne. Elle n’hésite pas à attaquer Obama et Romney sur ce terrain en comparant leurs campagnes à des opérations de relations publiques sponsorisées par les grandes entreprises américaines.

Une candidate proche du mouvement Occupy

Ce budget rachitique et la sous-représentation médiatique que subit Jill Stein expliquent sans doute en partie le rapprochement entre le GPUS et le mouvement Occupy, né il y a un an à Wall Street. Partageant des valeurs communes, notamment en matière de décentralisation du pouvoir politique mais aussi économique, le GPUS, et par voie de conséquence Jill Stein, compensent leur sous-représentation dans les médias traditionnels en investissant les plateformes alternatives utilisées par Occupy. Le canal de communication principal du mouvement est bien évidemment internet, les réseaux sociaux et les blogs constituant des vecteurs efficaces pour relayer la parole politique de Jill Stein et permettant ainsi de toucher une frange de la population en partie déçue par le bilan de Barack Obama. C’est ainsi qu’en signe de protestation contre l’exclusivité du débat Obama/Romney, un contre-débat entre Stein et le candidat du parti Libertarien, Gary Johnson, a été organisé le 18 octobre par l’Independant Voter Network  (IVN, une plateforme collaborative en ligne dont le credo est d’encourager les citoyens américains à discuter de leur système politique pour le faire progresser).

Même si elle éprouve des difficultés pour accéder aux grands networks américains, Jill Stein est observée avec méfiance par les démocrates, car dans un scrutin ou quelques voix de plus dans un swing state peuvent renverser le cours d’une élection nationale, ces derniers cherchent à mobiliser au maximum l’électorat traditionnellement démocrate autour de la candidature de Barack Obama. C’est ainsi qu’en 2000, les démocrates avaient publiquement accusé Ralph Nader d’avoir conduit George W. Bush à la Maison blanche, à la faveur de sa courte et polémique victoire (534 voix) en Floride. Nader avait en effet recueilli 2.7% des votes au niveau national, soit le plus haut score obtenu par un candidat écolo à une présidentielle américaine.

Les intentions de vote en faveur de Stein n’atteignent pas ces « sommets », puisqu’elles oscillent entre 0.5 et 1%. Cependant elles sont révélatrices. Si une partie de l’électorat traditionnel du parti démocrate se détourne de ses candidats, c’est bien parce que les solutions proposées par ceux-ci ne répondent que partiellement voire absolument pas aux attentes des électeurs fortement ancrés à gauche et/ou ayant développé une conscience écologique.

Le Green New Deal : « Vivre mieux » à l’américaine

Dans la crise que traversent les États-Unis, Jill Stein propose aux électeurs américains un Green New Deal. À sa lecture, on ne peut que constater les similitudes entre ce programme et celui qu’EELV a récemment proposé aux Français et qui continue à guider l’action des différents élus EELV. Le texte est sensiblement plus court et repose sur quatre piliers :

–       Un Economic Bill of rights proposant un ensemble de droits économiques et sociaux visant notamment à promouvoir un système de santé universel, à abroger les frais de scolarité dans les universités, annuler les dettes contractées par les étudiants et mettre en place immédiatement un moratoire sur les saisies de maisons.

–       Une transition verte via la facilitation de l’investissement dans les technologies vertes, une réaffectation des fonds publics de recherche consacrés aux énergies fossiles vers le solaire, l’éolien et le thermique.

–       Une réforme du système financier par des mesures telles que la réduction de la taille des banques, une taxe de 90% sur les bonus distribués par les banques ayant été secourues par l’État et la restauration du Glass-Steagall Act de 1933 qui imposait aux banques la stricte séparation des activités de dépôt et des activités d’investissement.

–       Une démocratie fonctionnelle : en révoquant plusieurs législations liberticides telles que le Patriot Act et en réduisant l’importance du complexe militaro-industriel via une réduction de 50% du budget militaire. De plus, le Green New Deal propose de lever certaines ambiguïtés juridiques de la Constitution préjudiciables aux droits des citoyens américains.

Jill Stein a reçu le soutien du célèbre linguiste Noam Chomsky, de Richard Stallman, connu par le grand public pour être un des pères du logiciel libre, ainsi que de Chris Hedges, reporter de guerre, prix Pulitzer 2002. Si elle n’a que peu de chance de transformer la Maison blanche en Maison verte cette fois-ci, gageons que son activisme permettra à l’écologie de gagner progressivement la place qu’elle mérite dans le débat politique américain.

Pour la Transnat, Lucas Manetti, octobre 2012

3 réflexions au sujet de “Élection présidentielle américaine : portrait de la candidate écolo

  1. Bonjour à tous,

    Je suis Jill depuis des mois et j’ai même posté de l’information sur les liste courriel IDF, mais cela n’a suscité aucune réaction. Je suis donc content qu’à quelques jour de l’élection EELV s’apperçoive que de l’autre coté de l’atlantique nous avons un homologue qui se bat avec beaucoup de conviction et malheureusement peu de moyen en regard des deux molosses.

    Bonne chance à Jill

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