Un Ministère de la Mer ?
Commission Mer et Littoral de EELV – Fiche Thématique – décembre 2001
Cette fiche est issue du travail des militants d’Europe-Ecologie-Les Verts et a été validée par la Commission Mer et Littoral de EELV. Il ne s’agit néanmoins pas de la position officielle d’EELV sur le sujet.
Etat des lieux
Le monde maritime traverse une crise qui affecte profondément les sociétés humaines littorales et l’environnement marin et littoral. Le déclin des activités économiques traditionnelles comme la pêche côtière favorise le développement d’activités économiques non-durables (urbanisation touristique incontrôlée, développement de la pisciculture intensive…). Aujourd’hui, la mise en œuvre d’une politique de développement durable de la Mer et du Littoral est nécessaire. Cette politique devrait se saisir de trois thématiques étroitement articulées : la gestion des ressources halieutiques, la protection de l’environnement marin et littoral et le développement d’un transport maritime sécurisé.
La politique de la Mer et du Littoral devra contribuer à :
– un développement durable du littoral passant par : le strict respect de la loi Littoral du 3 janvier 1986 et l’émergence de projets locaux de développement durable fondés sur le soutien aux activités économiques liées à la mer et respectueuses de l’environnement (pêche, conchyliculture, saliculture…), le développement de l’éco-tourisme et la protection des espaces littoraux et marins remarquables.
– une gestion durable de la ressource halieutique passant par : l’intervention des Affaires Maritimes pour faire respecter les restrictions de pêche dans la zone des 12 milles et l’instauration de sanctions à la hauteur des infractions constatées ; la mise en œuvre des quotas de pêche pour les espèces sensibles ; l’adaptation des contrats territoriaux d’exploitation (CTE) à la pêche pour soutenir les entreprises de pêche s’inscrivant une vraie gestion de la ressource ; l’orientation de la recherche sur les nouvelles techniques de pêche non plus vers le “ pêcher plus ” mais vers le “ gérons mieux ” ; la maîtrise du développement de la pisciculture.
– un transport maritime sécurisé passant par : la préservation de la capacité de construction et de réparation navales française et européenne et par l’édiction de règles de navigabilité strictes associées à la mise en place des moyens nécessaires pour veiller à leur respect.
– lutter contre toutes formes de pollution par les navires quels qu’ils soient (commerce, pêche, plaisance, marine nationale). Les pollutions actuelles vont bien au-delà de ce qui est visible et médiatisé. Il y a les pollutions accidentelles (marées noires) et les rejets volontaires d’hydrocarbures, mais également les pollutions dues aux peintures anti-fouling, et, moins connue, la pollution atmosphérique par les cheminées due à la combustion des fuels lourds de propulsion et des diesels de production électrique. Certains pays comme la Suède ont mis en place une législation qui impose aux navires qui transitent dans leurs eaux des normes de rejet équivalentes à ce qui existe pour les usines locales, en particulier pour les centrales électriques et les incinérateurs. Il n’existe rien de tel en France.
– une représentation de la France à l’OMI à la mesure des enjeux. Ce qui implique des fonctionnaires formés aux questions maritimes en nombre suffisant, pour que la représentation de la France dans les diverses commissions ne soit pas l’affaire des seuls experts professionnels.
L’actuelle organisation gouvernementale rend difficile la mise en œuvre d’une telle politique. La gestion des problèmes maritimes et littoraux est éclatée entre différents ministères : Equipement, Agriculture, Environnement. Cet éclatement symbolise l’absence d’une vision claire de ce que doit être la politique de la Mer et du Littoral et altère la capacité des pouvoirs publics à adopter les approches transversales pourtant nécessaires pour aborder les problèmes maritimes (transport maritime-environnement, pêche-environnement…).
Position officielle des Verts sur ce sujet
La mise en œuvre de cette politique de la Mer et du Littoral passe par la création d’un ministère de la Mer et du Littoral doté de moyens humains, financiers et techniques à la hauteur des enjeux. Ce ministère devra pouvoir coordonner l’action des différents services de l’Etat agissant en Mer et sur le Littoral (Affaires Maritimes, DDE, DDAF, DDASS, Directions Régionales de l’Environnement) et représenter la France dans les instances européennes et internationales abordant les questions maritimes et littorales (25 propositions des Verts pour en finir avec les Erika, proposition n°1)
Les acteurs de la société impliqués dans ce débat
Ministère de l’Environnement pour la protection du littoral jusqu’à sa partie maritime.
Ministère des Transports et de l’Equipement pour le domaine public maritime, mais avec une administration à statut militaire (les Affaires Maritimes).
Ministère de l’Intérieur pour la mise en œuvre du plan POLMAR terre.
Ministère des Armées (Marine Nationale) pour la mise en œuvre du plan POLMAR mer, et pour l’action de l’Etat en mer, tant en ce qui concerne la prévention que la mise en œuvre des secours.
Ministère des finances (Douanes) pour les contrôles anti pollution en mer par aéronefs.
Ministère des Transports et de l’Equipement pour le contrôle des navires en escale (inspecteurs de l’Etat du port), et pour les contrôles des navires près des côtes (vedettes des Affaires Maritimes).
Services bénévoles de la S.N.S.M. (Société Nationale de Secours Maritimes en Mer) pour les actions de secours rapides aux personnes en détresse près des côtes (il n’existe pas de service public rapide, et ces bénévoles ont “ l’avantage ” de ne pas compter leurs heures !).
Ministère des Transports et de l’Equipement pour le suivi de la sécurité des navires de commerce, et l’administration des marins de commerce et de la pêche.
Ministère de l’Agriculture pour la politique de la pêche, et tout ce qui concerne les navires de pêche.
Il existe peu de personnes au niveau de ces acteurs officiels pour souhaiter le regroupement de leurs activités maritimes au sein d’un ministère de la mer. En effet une telle décision retirerait du pouvoir, du budget, de l’influence …
Par ailleurs, le monde professionnel est divisé sur la question. L’expérience du Ministère de la Mer sans lendemain en 1981 fait que ce projet apparaît à beaucoup comme non crédible.
Enfin, les pêcheurs sont divisés entre le souhait d’un ministère qui les rapprocherait des autres professionnels de la mer, et celui du maintien dans le ministère de l’Agriculture et des Pêches, qui a l’avantage d’être un gros ministère. Et, en France, pour qu’un ministre puisse défendre efficacement son secteur, il faut qu’il soit à la tête d’un “ gros ministère ”.
Rédacteur (s) de la fiche
Jean-Paul Declercq
EELV Pays-de-la-Loire