Améliorer l’état des navires pour réduire les accidents maritimes et leurs conséquences (perte de vie de nombreux marins, marées noires)
Commission Mer et Littoral EELV – Fiche Thématique – avril 2002
Cette fiche est issue du travail des militants d’Europe-Ecologie-Les Verts et a été validée par la Commission Mer et Littoral de EELV. Il ne s’agit néanmoins pas de la position officielle d’EELV sur le sujet.
Etat des lieux
Les marées noires sont un désastre dont l’ERIKA est le plus récent.
C’est pourtant grâce à ces catastrophes que la sécurité en mer peut progresser. On notera en effet que le plus grand nombre de naufrage de navires long-courriers concerne des transporteurs de vrac, mais que les médias parlent peu de la perte de ce type de navires, dont les seules victimes sont les marins.
C’est le naufrage du TITANIC qui a apporté les premiers textes qui ont donné par la suite la convention SOLAS sur la sauvegarde de la vie humaine en mer. C’est les premières grandes marées noires qui sont à l’origine de la convention internationale actuelle MARPOL pour la prévention de la pollution par les navires.
Ces deux textes, auxquels il convient d’ajouter la convention STCW sur normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets, et de veille, constituent une base solide qui permettrait, s’ils étaient respectés, d’éviter la grande majorité des accidents maritimes.
Beaucoup de navires ne sont pas des “ bons navires ”. Nous n’employons pas ici le terme facile de “ navire poubelle ”, qui est loin de donner une bonne idée de ce que sont les navires dangereux.
Un bon navire, c’est un navire en bon état, et bien armé, c’est à dire que l’équipage est qualifié, en nombre suffisant, correctement traité.
Le contrôle du bon état des navires en application des règles Solas et Marpol est de la responsabilité de l’Etat du pavillon. C’est lui qui délivre annuellement les documents de bord qui certifient que la coque, la machine, les moyens de communication, le nombre de marins embarqués, sont conformes aux réglementations internationales.
Il y aurait peu d’accidents si les transporteurs maritimes suivaient sans chercher à tricher les règles internationales, et si les Etats qui immatriculent les navires effectuaient comme ils en ont l’obligation les contrôles de sécurité avec des inspecteurs indépendants en nombre suffisant.
Mais dans le cadre de cette politique du “ toujours moins cher ”, les navires sont entretenus a minima, la flotte n’est pas renouvelée, les navires sont de plus en plus vieux, les équipages sont sous payés et en quantité insuffisantes. Un autre type de complaisance s’est également développé sous pavillon national avec ce qu’il est convenu d’appeler le “ pavillon bis ” ou “ 2ème registre ”. Ainsi en France le “ pavillon Kerguelen ” où il est possible d’embarquer des marins étrangers sous-payés. Les armateurs utilisent enfin le chantage à la complaisance et au pavillon bis pour faire accepter aux marins sous pavillon français des diminutions d’effectifs préjudiciables à la sécurité. La conséquence a été une diminution importante de la sécurité du transport maritime.
Pour faire face à cette situation, l’Europe a mis en place un système de contrôle des navires dans l’Etat du port, permettant de vérifier que les navires, même sous complaisance, ne sont pas sous-normes.
Débat en cours et analyse critique
Après ERIKA, les propositions sont allées dans le bon sens, concernant en particulier l’âge des navires, l’importance et la qualité des contrôles, le rôle des sociétés de classification qui effectuent les contrôles pour le compte de l’armateur, mais délivrent souvent également les titres de navigation pour le compte de l’Etat du pavillon.
Mais les lobbies des armateurs, et l’influence d’Etats comme la Grande Bretagne (sous prétexte de liberté des mers) ou la Grèce (pays d’armateurs) sont arrivés à réduire à la baisse les dispositions prévues par la Commission Européenne. Par ailleurs, aucune disposition n’a été prise à cette occasion pour améliorer le sort des marins, et par là même la sécurité (sauf à noter la décision prise par la France de ratifier des conventions de l’OIT qui auraient dû l’être depuis longtemps).
Enfin il faut noter un manque de volonté de certains Etats comme la France de traduire dans les faits les paroles et engagements pris. Ainsi le nombre de contrôles des navires dans les ports français qui était de 18% (au lieu des 25% prévu par l’accord européen MOU) en 1999 est descendu à 12% en 2000. Et le nombre d’inspecteurs en formation est largement inférieur aux besoins.
Par ailleurs, la proposition d’établir un corps européen de garde-côtes, soutenue par tous les professionnels, n’a pas été reprise par le gouvernement français, pour ne pas déplaire à la Marine Nationale, en charge de l’action de l’Etat en mer.
Position officielle des Verts sur ce sujet
Dans les 25 propositions des Verts pour en finir avec les Erika, les Verts réclament entre autre :
L’organisation de véritable contrôles dans les ports, par un examen approfondi de chaque navire faisant escale pour la première fois dans un port Français ou européen, ces inspections devant être faites par des inspecteurs vraiment indépendants des pouvoirs économiques, avec intégration, à terme, dans un corps européen de garde-côtes; la mise en place de règles juridiques qui permettent les contrôles étatiques des navires jusqu’à la limite des 200 milles de la Zone Economique Exclusive (ZEE), et l’interdiction d’entrée dans cette zone à tout navire ne disposant pas de titres de navigation délivrés par une société agrée au niveau Européen; l’interdiction de transit dans les eaux européennes aux navires transportant des marchandises dangereuses ou polluantes âgés de plus de 20 ans, cette mesure étant amenée à 15 ans pour les navires-citernes à partir de 2005; la mise en cause de la responsabilité environnementale (civile et pénale) des affréteurs, seule susceptible de provoquer un changement radical de comportement; l’élimination des navires trop anciens avec interdiction des navires sans double coque ou solution équivalente; la réduction des délais d’application des règles de l’OMI la mise en place, au niveau de l’OMI, de mesures nécessaires pour responsabiliser juridiquement les Etats délivrant des pavillons de complaisance.
Les acteurs de la société impliqués dans ce débat
Parmi ceux qui luttent dans le même sens que nous, on peut noter :
Les professionnels de la mer, qui risquent leur vie du fait de la sécurité insuffisante, et les marins qui sont exploités sous pavillon de complaisance, avec leurs syndicats et associations, en particulier ITF et AFCAN.
Les professionnels de la pêche, de l’ostréiculture, du tourisme, qui subissent les marées noires, ainsi que les associations de défense de l’environnement.
Les blocages viennent principalement des services de l’Etat chargés des contrôles et de l’intervention en mer, qui ont de la peine à remettre en cause leur fonctionnement, et n’imaginent pas que la mise en place d’un système de sécurité différent, comprenant dans un même corps d’Etat tous les services actuellement concernés par la sécurité en mer, pourrait être une amélioration.
Rédacteur de la fiche
Jean-Paul Declercq
EELV Pays-de-la-Loire